Premier parti d’opposition en Afrique du Sud,
l’Alliance démocratique a longtemps été associée à l’élite blanche et
libérale. Cette formation, née de fusions et de scissions innombrables,
change de cap et de profil en se dotant pour la première fois dans son
histoire d’un chef de file noir.
« Nous avons fait l’histoire. » Rien ne décrit mieux le sentiment de changement d’époque qui prédominait, le 10 mai dernier, au congrès de l’Alliance démocratique (DA), à l’annonce de la désignation de Mmusi Maimane
à la tête de ce premier parti de l’opposition sud-africaine. Ce
soir-là, le jeune homme de 34 ans est devenu le premier Noir à diriger
cette vieille et prestigieuse formation, perçue comme le parti des
Blancs et des banlieues riches.
Successeur de la très dynamique et très blanche Helen Zille,
le nouveau leader de la DA aura pour mission de faire évoluer l’image
de son parti afin de mieux concurrencer le Congrès national africain
(ANC) dans le cœur des Sud-Aficains noirs. Et peut-être un jour prochain
arracher le pouvoir à cette organisation ultramajoritaire qui domine la
vie politique à Pretoria depuis la fin de l’apartheid il y a plus de
deux décennies.
Telle est l’ambition folle du nouveau patron de la DA, l’un des partis politiques les plus respectés en Afrique du Sud. Issu d’un rapprochement de Blancs libéraux et conservateurs, la DA existe sous sa forme actuelle depuis 2000. Elle jouit, depuis 2004, du statut de parti d’opposition officiel de l’Afrique du Sud.
Mouvance anti-apartheid
L’histoire de ce parti, né de nombreuses fusions et de scissions, est étroitement liée au mouvement des blancs libéraux qui se sont élevés très tôt contre la ségrégation raciale érigée en système par le Parti national (NP), après son accession au pouvoir en 1948. Ils fondent dans la foulée le Parti progressiste, prédécesseur de la DA, et militent pour une société non-raciale. Ils sont les auteurs d'une contre-Constitution qui prône l’égalité des races et la liberté d’entreprendre. « Reconnaissons à cette frange éclairée du patronat sud-africain, précise George Lory, grand spécialiste de l’Afrique du Sud, d’avoir saisi les enjeux très tôt et d’avoir développé une vraie politique de promotion des cadres noirs au sein de leurs entreprises. » Après le démantèlement de l’apartheid en 1990, ces leaders blancs progressistes participeront aux négociations multipartites de la Codesa (Convention pour une Afrique du Sud démocratique) destinées à poser les fondements d’une Afrique du Sud multiraciale.
Fondatrice avec d’autres Blancs du PP à la fin des années 1950, Helen Suzman est la grande figure de l’opposition libérale et anti-apartheid. Entre 1961 et 1974, elle est la seule députée du PP au Parlement sud-africain où elle n’a de cesse de faire entendre sa différence face aux élus soutenant le régime raciste. Treize ans durant, elle mena une lutte solitaire et acharnée contre les lois ségrégationnistes et la détention des opposants sans autorisation judiciaire. Elle fut aussi la première parlementaire à rendre visite à Nelson Mandela et aux autres responsables de l’ANC emprisonnés à l’île-bagne de Robben Island. Ses comptes rendus du traitement inhumain infligé à ces prisonniers politiques ne furent pas étrangers à l’amélioration des conditions carcérales de ces derniers.
La donne change en Afrique du Sud après l’avènement de la démocratie multiraciale en 1994, entraînant une reconfiguration en profondeur de la vie politique. La menace ne vient plus des Blancs, désormais marginalisés, mais de la majorité noire qui détient tous les leviers du pouvoir. La création de la DA en 2000 par des Blancs libéraux, auxquels vont se joindre, chemin faisant, les métis et les Indiens, répond au besoin ressenti par les minorités de contrebalancer l’hégémonie de l’ANC.
Le renouveau
La véritable mue de la DA commence en 2007 lorsque Helen Zille accède à la présidence de ce parti. Fille de migrants allemands qui avaient fui la guerre, cette ancienne journaliste d’investigation a fait parler d’elle en 1977 en révélant que le leader du Mouvement de la Conscience noire, Steve Biko, n’était pas mort à cause de sa grève de la faim comme l’establishment sud-africain l’avait affirmé à l’époque, mais des suites de la torture pratiquée par la police blanche. Attirée par la politique, elle rejoint en 1990 le Parti démocratique, prédécesseur de la DA dont elle devient le chef de file dix-sept ans plus tard. Une de ses premières dispositions en tant que leader consistera à imposer à ses partisans l'apprentissage d'une des langues sud-africaines. Elle-même parle couramment le xhosa.
Consciente dès sa prise de fonction de la nécessité de transformer la DA en un parti multiracial dans les idéaux duquel tous les Sud-Africains se reconnaissent, Helen Zille a donné une nouvelle impulsion à sa formation en nommant des jeunes pousses noires à des postes de responsabilité. « Le parti a besoin de sang neuf pour lui permettre de faire grossir encore plus les rangs de sa base militante », disait-elle.
L’une des trentenaires les plus talentueuses de la vie politique sud-africaine, Lindiwe Mazibuko, sera longtemps le visage officiel de la DA. Elle en a été le chef de file au Parlement, puis son porte-parole, avant qu’elle ne claque la porte du parti l’année dernière suite à des différends avec Helen Zille. Le conflit entre les deux femmes éclate au grand jour lorsque la jeune « protégée » noire tente de s’émanciper et d’imposer sa loi. Les détracteurs de Zille lui reprochent de vouloir parachuter ses favoris à des postes en vue, avant de s’en séparer aussi vite, dès que ceux-ci tentent de voler de leurs propres ailes.
Le plus grand échec d’Helen Zille a été sa tentative avortée d’attirer à son parti Mamphela Ramphele, ex-directrice générale de la Banque mondiale chargée du développement humain et ancienne compagne du militant anti-apartheid Steve Biko. Ramphele est l’une des intellectuelles noires les plus écoutées en Afrique du Sud. L’annonce de la fusion de son parti avec la DA en prévision des élections législatives et présidentielle de 2014 a pris au dépourvu la classe politique, en faisant peser une menace sérieuse sur l’hégémonie de l’ANC. Mais patatras, à peine annoncée, l’alliance s’est écroulée à cause de l’incompatibilité d’humeurs entre les deux femmes, toutes les deux dotées de forte personnalité.
Il n’en reste pas moins que sous la direction de Zille, la DA a véritablement changé, devenant un parti de gouvernement qui a ravi à l’ANC en 2009 la gestion de la province du Cap occidental. Aux élections provinciales de 2014, le parti a été réélu pour diriger ce seul Etat provincial non administré par l’ANC. Parallèlement, le score national de la DA est passé de 1,73% en 1994 à 22,23% au dernier scrutin législatif. Le principal mérite de Zille, c'est d’avoir réussi à transformer la DA en un parti de la classe moyenne qui attire de plus en plus de Noirs.
Les défis de Maimane
Le successeur d’Helen Zille est lui-même issu de la petite classe moyenne noire. Né à Krugersdorp (Nord-Ouest) en 1980, il a grandi à Soweto pendant les dernières années d’apartheid, subissant quand même de plein fouet les injustices, les humiliations et la ségrégation. Proche de l’ANC de Mandela comme toute sa famille, le jeune homme n’a rejoint la DA qu’en 2007.
Ses talents d’orateur et son charisme - valant à Maimane le surnom du « Barack Obama de Soweto » - expliquent sa montée fulgurante au sein de l’appareil de la DA. Parallèlement à sa carrière politique, ce diplômé en théologie prêche régulièrement dans une église évangélique de Johannesburg. Devenu, en 2014, le chef du groupe parlementaire de son parti, Maimane s’est imposé comme le candidat naturel à la succession de Helen Zille. D’où le raz-de-marée en sa faveur au congrès de la DA du 10 mai qui devait désigner le nouveau leader. Aux yeux de ses camarades, Maimane incarne désormais l’avenir de la DA.
Maimane incarne aussi, en quelque sorte, l’avenir de la politique sud-africaine tout court. Car, comme le signale Marianne Séverin, chercheuse rattachée à Sciences-Po Bordeaux, « l’arrivée d’un trentenaire à la tête de la DA obligera les autres partis à rajeunir leurs cadres de peur que la jeunesse ne se reconnaisse pas dans leurs messages ». « Force est de reconnaître, poursuit la chercheuse, que l’élection d’un leader noir par la DA est un coup de maître, car les adversaires de cette dernière ne pourront plus l’accuser d’être un parti blanc qui veut ramener l’ordre ancien. Aussi, les Noirs qui veulent rejoindre ses rangs le feront désormais sans se sentir coupable d’être déloyaux à leur libérateur, en l’occurrence l’ANC. »
L’ambitieux Mmusi Maimane hérite, quant à lui, d’un parti en ordre de marche, dont l’image de compétence et d’efficacité attire de plus en plus d’électeurs noirs frustrés par les promesses non tenues de l’ANC. Le Cap occidental qu’administre la DA depuis 2009 a la réputation d’être la province la mieux gérée de tout le pays, même si, comme le rappelle Marianne Séverin, « les conditions de vie de la population noire dans cette province ne sont guère différentes du sort qui leur est réservé ailleurs en Afrique du Sud. On ne voit pas non plus comment le nouveau leader compte concilier le conservatisme économique du tout-marché prôné par la DA et les impératifs de dignité et de partage de richesses qu’il a évoqués dans son premier discours en tant que chef de son parti. »
Tout en saluant le changement spectaculaire à la tête de l’opposition libérale, la presse sud-africaine a prévenu pour sa part qu’un « visage noir souriant » (Sunday Times) ne suffira pas pour répondre aux nombreux défis auxquels le nouveau leader sera confronté. Le plus grave de ces défis est, selon le quotidien TimesLive, la capacité de Maimane à gagner le soutien d’électeurs noirs « sans perdre en cours de route les votes des Blancs, des métis et des Indiens ». « Ses références fréquentes à Mandela dans ses discours et sa tendance à s’approprier le programme social de l’ANC risque, enchaîne Marianne Séverin, de semer la zizanie parmi l’électorat traditionnel de la DA, plus habitué à voir ses leaders interpeller le gouvernement pour demander des comptes. » Pendant ses années Zille, la DA a en effet usé de tous les outils et procédures parlementaires pour jouer avec une efficacité spectaculaire son rôle de principal parti d’opposition de l’Afrique du Sud.
Une tradition d’opposition féroce à l’ANC à laquelle le nouveau leader de la DA n’a pas manqué de se sacrifier dans son discours de victoire du 10 mai en rappelant notamment au président Zuma que ses « turpitudes » à la tête de l’Etat ne resteront pas impunies. « Monsieur le président, ne vous méprenez pas, on finira par vous avoir. Personne n’est au-dessus de la loi. Aucun parti politique ne possède le droit divin de gouverner notre pays. »
« Ce ne sont que des imprécations qui, commente Marianne Séverin, ne suffiront certainement pas pour gagner aux municipales de l’année prochaine les prestigieuses mairies de Johannesburg et Pretoria que la DA convoite depuis très longtemps. Il faudra de la substance. »
De la substance qui rénove, c’est ce qui semble faire défaut au jeune chef charismatique de la DA. Son adversaire malheureux pour la présidence du parti ne lui reprochait-il pas pendant la campagne de vouloir transformer l’ancien parti des libéraux blancs qu'il s'apprête à diriger en un autre Congrès national africain plutôt que de proposer une véritable alternative à l’ANC ?
rfi.fr
L'Alliance
démocratique change d'époque en élisant un jeune noir de Soweto comme
nouveau chef de file : Mmusi Maimane et ses prédécesseurs Helen Zille,
Tony Leon et Helen Suzman(de g. à d.).
Montage RFI / Photos AFP et DR
Telle est l’ambition folle du nouveau patron de la DA, l’un des partis politiques les plus respectés en Afrique du Sud. Issu d’un rapprochement de Blancs libéraux et conservateurs, la DA existe sous sa forme actuelle depuis 2000. Elle jouit, depuis 2004, du statut de parti d’opposition officiel de l’Afrique du Sud.
Mouvance anti-apartheid
L’histoire de ce parti, né de nombreuses fusions et de scissions, est étroitement liée au mouvement des blancs libéraux qui se sont élevés très tôt contre la ségrégation raciale érigée en système par le Parti national (NP), après son accession au pouvoir en 1948. Ils fondent dans la foulée le Parti progressiste, prédécesseur de la DA, et militent pour une société non-raciale. Ils sont les auteurs d'une contre-Constitution qui prône l’égalité des races et la liberté d’entreprendre. « Reconnaissons à cette frange éclairée du patronat sud-africain, précise George Lory, grand spécialiste de l’Afrique du Sud, d’avoir saisi les enjeux très tôt et d’avoir développé une vraie politique de promotion des cadres noirs au sein de leurs entreprises. » Après le démantèlement de l’apartheid en 1990, ces leaders blancs progressistes participeront aux négociations multipartites de la Codesa (Convention pour une Afrique du Sud démocratique) destinées à poser les fondements d’une Afrique du Sud multiraciale.
Fondatrice avec d’autres Blancs du PP à la fin des années 1950, Helen Suzman est la grande figure de l’opposition libérale et anti-apartheid. Entre 1961 et 1974, elle est la seule députée du PP au Parlement sud-africain où elle n’a de cesse de faire entendre sa différence face aux élus soutenant le régime raciste. Treize ans durant, elle mena une lutte solitaire et acharnée contre les lois ségrégationnistes et la détention des opposants sans autorisation judiciaire. Elle fut aussi la première parlementaire à rendre visite à Nelson Mandela et aux autres responsables de l’ANC emprisonnés à l’île-bagne de Robben Island. Ses comptes rendus du traitement inhumain infligé à ces prisonniers politiques ne furent pas étrangers à l’amélioration des conditions carcérales de ces derniers.
La donne change en Afrique du Sud après l’avènement de la démocratie multiraciale en 1994, entraînant une reconfiguration en profondeur de la vie politique. La menace ne vient plus des Blancs, désormais marginalisés, mais de la majorité noire qui détient tous les leviers du pouvoir. La création de la DA en 2000 par des Blancs libéraux, auxquels vont se joindre, chemin faisant, les métis et les Indiens, répond au besoin ressenti par les minorités de contrebalancer l’hégémonie de l’ANC.
Le renouveau
La véritable mue de la DA commence en 2007 lorsque Helen Zille accède à la présidence de ce parti. Fille de migrants allemands qui avaient fui la guerre, cette ancienne journaliste d’investigation a fait parler d’elle en 1977 en révélant que le leader du Mouvement de la Conscience noire, Steve Biko, n’était pas mort à cause de sa grève de la faim comme l’establishment sud-africain l’avait affirmé à l’époque, mais des suites de la torture pratiquée par la police blanche. Attirée par la politique, elle rejoint en 1990 le Parti démocratique, prédécesseur de la DA dont elle devient le chef de file dix-sept ans plus tard. Une de ses premières dispositions en tant que leader consistera à imposer à ses partisans l'apprentissage d'une des langues sud-africaines. Elle-même parle couramment le xhosa.
Consciente dès sa prise de fonction de la nécessité de transformer la DA en un parti multiracial dans les idéaux duquel tous les Sud-Africains se reconnaissent, Helen Zille a donné une nouvelle impulsion à sa formation en nommant des jeunes pousses noires à des postes de responsabilité. « Le parti a besoin de sang neuf pour lui permettre de faire grossir encore plus les rangs de sa base militante », disait-elle.
L’une des trentenaires les plus talentueuses de la vie politique sud-africaine, Lindiwe Mazibuko, sera longtemps le visage officiel de la DA. Elle en a été le chef de file au Parlement, puis son porte-parole, avant qu’elle ne claque la porte du parti l’année dernière suite à des différends avec Helen Zille. Le conflit entre les deux femmes éclate au grand jour lorsque la jeune « protégée » noire tente de s’émanciper et d’imposer sa loi. Les détracteurs de Zille lui reprochent de vouloir parachuter ses favoris à des postes en vue, avant de s’en séparer aussi vite, dès que ceux-ci tentent de voler de leurs propres ailes.
Le plus grand échec d’Helen Zille a été sa tentative avortée d’attirer à son parti Mamphela Ramphele, ex-directrice générale de la Banque mondiale chargée du développement humain et ancienne compagne du militant anti-apartheid Steve Biko. Ramphele est l’une des intellectuelles noires les plus écoutées en Afrique du Sud. L’annonce de la fusion de son parti avec la DA en prévision des élections législatives et présidentielle de 2014 a pris au dépourvu la classe politique, en faisant peser une menace sérieuse sur l’hégémonie de l’ANC. Mais patatras, à peine annoncée, l’alliance s’est écroulée à cause de l’incompatibilité d’humeurs entre les deux femmes, toutes les deux dotées de forte personnalité.
Il n’en reste pas moins que sous la direction de Zille, la DA a véritablement changé, devenant un parti de gouvernement qui a ravi à l’ANC en 2009 la gestion de la province du Cap occidental. Aux élections provinciales de 2014, le parti a été réélu pour diriger ce seul Etat provincial non administré par l’ANC. Parallèlement, le score national de la DA est passé de 1,73% en 1994 à 22,23% au dernier scrutin législatif. Le principal mérite de Zille, c'est d’avoir réussi à transformer la DA en un parti de la classe moyenne qui attire de plus en plus de Noirs.
Les défis de Maimane
Le successeur d’Helen Zille est lui-même issu de la petite classe moyenne noire. Né à Krugersdorp (Nord-Ouest) en 1980, il a grandi à Soweto pendant les dernières années d’apartheid, subissant quand même de plein fouet les injustices, les humiliations et la ségrégation. Proche de l’ANC de Mandela comme toute sa famille, le jeune homme n’a rejoint la DA qu’en 2007.
Ses talents d’orateur et son charisme - valant à Maimane le surnom du « Barack Obama de Soweto » - expliquent sa montée fulgurante au sein de l’appareil de la DA. Parallèlement à sa carrière politique, ce diplômé en théologie prêche régulièrement dans une église évangélique de Johannesburg. Devenu, en 2014, le chef du groupe parlementaire de son parti, Maimane s’est imposé comme le candidat naturel à la succession de Helen Zille. D’où le raz-de-marée en sa faveur au congrès de la DA du 10 mai qui devait désigner le nouveau leader. Aux yeux de ses camarades, Maimane incarne désormais l’avenir de la DA.
Maimane incarne aussi, en quelque sorte, l’avenir de la politique sud-africaine tout court. Car, comme le signale Marianne Séverin, chercheuse rattachée à Sciences-Po Bordeaux, « l’arrivée d’un trentenaire à la tête de la DA obligera les autres partis à rajeunir leurs cadres de peur que la jeunesse ne se reconnaisse pas dans leurs messages ». « Force est de reconnaître, poursuit la chercheuse, que l’élection d’un leader noir par la DA est un coup de maître, car les adversaires de cette dernière ne pourront plus l’accuser d’être un parti blanc qui veut ramener l’ordre ancien. Aussi, les Noirs qui veulent rejoindre ses rangs le feront désormais sans se sentir coupable d’être déloyaux à leur libérateur, en l’occurrence l’ANC. »
L’ambitieux Mmusi Maimane hérite, quant à lui, d’un parti en ordre de marche, dont l’image de compétence et d’efficacité attire de plus en plus d’électeurs noirs frustrés par les promesses non tenues de l’ANC. Le Cap occidental qu’administre la DA depuis 2009 a la réputation d’être la province la mieux gérée de tout le pays, même si, comme le rappelle Marianne Séverin, « les conditions de vie de la population noire dans cette province ne sont guère différentes du sort qui leur est réservé ailleurs en Afrique du Sud. On ne voit pas non plus comment le nouveau leader compte concilier le conservatisme économique du tout-marché prôné par la DA et les impératifs de dignité et de partage de richesses qu’il a évoqués dans son premier discours en tant que chef de son parti. »
Tout en saluant le changement spectaculaire à la tête de l’opposition libérale, la presse sud-africaine a prévenu pour sa part qu’un « visage noir souriant » (Sunday Times) ne suffira pas pour répondre aux nombreux défis auxquels le nouveau leader sera confronté. Le plus grave de ces défis est, selon le quotidien TimesLive, la capacité de Maimane à gagner le soutien d’électeurs noirs « sans perdre en cours de route les votes des Blancs, des métis et des Indiens ». « Ses références fréquentes à Mandela dans ses discours et sa tendance à s’approprier le programme social de l’ANC risque, enchaîne Marianne Séverin, de semer la zizanie parmi l’électorat traditionnel de la DA, plus habitué à voir ses leaders interpeller le gouvernement pour demander des comptes. » Pendant ses années Zille, la DA a en effet usé de tous les outils et procédures parlementaires pour jouer avec une efficacité spectaculaire son rôle de principal parti d’opposition de l’Afrique du Sud.
Une tradition d’opposition féroce à l’ANC à laquelle le nouveau leader de la DA n’a pas manqué de se sacrifier dans son discours de victoire du 10 mai en rappelant notamment au président Zuma que ses « turpitudes » à la tête de l’Etat ne resteront pas impunies. « Monsieur le président, ne vous méprenez pas, on finira par vous avoir. Personne n’est au-dessus de la loi. Aucun parti politique ne possède le droit divin de gouverner notre pays. »
« Ce ne sont que des imprécations qui, commente Marianne Séverin, ne suffiront certainement pas pour gagner aux municipales de l’année prochaine les prestigieuses mairies de Johannesburg et Pretoria que la DA convoite depuis très longtemps. Il faudra de la substance. »
De la substance qui rénove, c’est ce qui semble faire défaut au jeune chef charismatique de la DA. Son adversaire malheureux pour la présidence du parti ne lui reprochait-il pas pendant la campagne de vouloir transformer l’ancien parti des libéraux blancs qu'il s'apprête à diriger en un autre Congrès national africain plutôt que de proposer une véritable alternative à l’ANC ?
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