mardi 21 mai 2013

L’Afrique, une des clés de la sortie de crise pour les banques européennes

Par Benoit Cougnaud
Benoit Cougnaud est associé d’Azerrisk Advantage, un cabinet qui apporte des solutions en scoring et pilotage des risques financiers destinées aux pays émergents et européens.
Si pour alléger leurs bilans, certaines banques européennes ont cédé des actifs en Afrique, paradoxalement, l’industrie des services bancaires en Afrique (et en particulier en Afrique francophone) offre aujourd’hui et demain des perspectives de profitabilité et une situation de complémentarité dont les banques européennes pourraient profiter pour assurer leur redressement.
En Europe, sous la pression des réformes réglementaires (Bâle III), les perspectives de rentabilité sont durablement revues à la baisse. D’une part, les perspectives de chiffre d’affaires sont plafonnées par le mouvement de réduction de la taille des bilans. D’autre part, les perspectives de rentabilité sur fonds propres des groupes bancaires français ressortent divisées par des facteurs allant de 2 à 3 par simple hausse du coût du risque et des exigences de fonds propres. Face à ces perspectives sombres, l’Afrique francophone apparait à bien des égards comme un eldorado pour l’industrie bancaire.
Face à ces perspectives sombres, l’Afrique francophone apparait à bien des égards comme un eldorado pour l’industrie bancaire.
Certes les services bancaires pâtissent toujours de handicaps en Afrique, à l’instar de la difficulté de mobilisation des garanties ou de coefficients d’exploitation élevés. Ainsi une étude récente montre que les conditions d’exercice de l’activité bancaire en Afrique francophone s’établissent toujours à seulement 38% du niveau atteint dans les pays avancés de l’OCDE (1) que leurs homologues européennes s’efforcent de faire face tant bien que mal aux conséquences durables de la crise, les banques africaines commencent à capitaliser sur des évolutions structurelles majeures entamées depuis le début des années 2000.
Tout d’abord, l’Afrique offre encore aux banques les taux de marge parmi les plus élevés du monde (soit plus de 5% de marge d’intérêt dans la plupart des cas). Ensuite, les ménages africains sont toujours sous-équipés en services bancaires (moins de 20% contre plus de 80% en Europe). Le crédit au secteur privé dépasse les 130% du PIB dans la zone euro quand il demeure inférieur à 30% en Afrique francophone, un tel écart offre des perspectives de développement et de rentabilité exceptionnelles, même après soustraction du coût du risque.
De surcroît, le coût du risque, auquel il convient de ramener toute rentabilité, connaît dans le même temps un repli structurel en Afrique francophone. Certes, les risques pays peuvent être localement élevés, du fait des conflits persistants connus par le continent. Néanmoins la qualité des garanties s’améliore en raison du renforcement de leur cadre juridique et de la mise en place de fonds régionaux de garantie. Les coefficients d’exploitation se réduisent également en tirant parti des économies d’échelle permises par l’intégration régionale dont profitent en particulier les groupes bancaires panafricains (Bank of Africa, Ecobank…). Enfin et surtout, Bâle III et son cortège de baisses des rentabilités n’y sont encore qu’une perspective très lointaine, alors même que Bâle II reste encore cantonné aux portes de l’Afrique (au Maroc et en Afrique du Sud).
En conclusion, alors que l’horizon de l’industrie bancaire européenne ressort durablement assombri par Bâle III et la crise des dettes souveraines, l’Afrique apparaît comparativement comme une terre d’opportunités pour les groupes bancaires. Pour radical qu’il ait été, ce changement doit être complètement intégré par les acteurs économiques. Si l’Afrique connut dans les années 90 une décennie perdue, il y a fort à parier que les années 2010 seront pour la banque africaine une décennie gagnée.
(1) Etude Azerrisk Advantage 2013 : Perspectives de l’activité bancaire et financière en Afrique


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