vendredi 24 janvier 2014

Nigeria- L'enfer des embouteillages de Lagos: trente-cinq heures par semaine sur la route

(AFP 22/01/14)
LAGOS, 22 janvier 2014 (AFP) - Ochuko Oghuvwu affiche un air étonnamment jovial pour un homme qui passe jusqu'à 30 heures par semaine dans sa voiture, pour aller et revenir de son bureau de Lagos, la capitale nigériane des affaires. La société de courtage pour laquelle il travaille se trouve à Ikoyi, une des îles où se concentre l'activité économique. Il vit à 32 kilomètres de là, en direction du Bénin voisin, une distance qu'il pourrait parcourir en moins d'une heure. Si ce n'était les nids de poule géants sur les routes en mauvais état, les travaux, les chauffards, les contrôles de police, et surtout les embouteillages tentaculaires qu'il doit affronter chaque matin et chaque soir. Par conséquent, M.Oghuvwu met environ trois heures à se rendre au travail --parfois plus, pendant la saison des pluies, entre juin et septembre-- même s'il quitte son domicile dès 5h30. "Ceux qui se réveillent plus tard finissent par passer plus de temps dans leur voiture. Un lundi, par exemple, en partant à 6h30, on reste plus de quatre heures derrière son volant", explique-t-il. Le cas de ce cadre en marketing âgé d'une quarantaine d'années est loin d'être isolé, dans la deuxième plus grande ville d'Afrique. Des centaines de milliers de personnes passent jusqu'à 35 heures par semaine dans les transports --soit l'équivalent d'une semaine de travail française. Certains quittent même leur domicile vers 4h30 du matin pour tenter de contourner les fameux "go-slows", le nom local pour désigner les embouteillages. "On est tout le temps fatigué", reconnaît M.Oghuvwu, qui dit s'octroyer une petite sieste de 20 ou 30 minutes dans son bureau pour tenir le coup. Les heures passées pare-choc contre pare-choc avec les autres voitures, les motos, les vieux taxis jaunes et les bus et camions surchargés qui encombrent les routes ont usé avant l'heure sa Volvo S90, dont les plaquettes de frein doivent être révisées tous les mois. Et il passe plus de temps derrière son volant qu'avec ses enfants. Agés de six à 14 ans, ils dorment parfois encore quand il part le matin, et ils sont déjà couchés quand il rentre le soir. Le weekend, pas question de sortir retrouver des amis. "Je reste le plus souvent chez moi. Je n'ai aucune envie d'affronter à nouveau les bouchons" confie-t-il. Officiellement, Lagos abrite 12 millions d'habitants. Mais la dernière estimation fait état de 21 millions d'habitants, dans une ville qui s'étend sur près de 1.000 kilomètres carrés. Et les nouveaux arrivants qui débarquent chaque jour ne font qu'accroître la pression sur des infrastructures routières déjà décrépites. Aussi, le manque de terrains et de logements disponibles a fait grimper les prix, repoussant toujours plus loin les moins fortunés. M. Oghuvwu, qui gagne correctement sa vie, devrait payer trois fois plus que son loyer actuel s'il souhaitait vivre plus près de son bureau. Les subventions sur le prix de l'essence et l'arrivée sur le marché de voitures d'occasion venues d'Europe ont contribué à mettre de plus en plus de véhicules en circulation, congestionnant toujours plus les rues de la ville. "Ca fait presque 40 ans qu'on est confronté à ce problème", reconnaît Dayo Mobereola, le directeur de Lamata, l'autorité en charge des transports à Lagos. "Nous avons maintenant un plan de route (...) pour anticiper l'avenir" et éviter "la paralysie" d'ici cinq ans. Le plan d'aménagement de Lamata, qui s'étend sur 30 ans pour un coût de 20 milliards de dollars, s'appuie sur un système de transports publics intégrés. L'idée est proposer neuf lignes de bus et sept trains de banlieue, construits grâce à des emprunts chinois, pour que les Nigérians renoncent à leur voiture. Mais la construction de ces nouvelles infrastructures passe par la destruction de bidonvilles entiers, sans compensations pour leurs habitants, ce qui crée de nouveaux problèmes: ceux-ci risquent de devoir aller vivre encore plus loin de leur travail... L'Etat de Lagos tente aussi de développer le réseau de bateaux-taxis, sur la lagune de Lagos, comme une alternative à la route. En 2013, on estimait que 1,3 million de personnes en moyenne prenaient le bateau chaque mois, un chiffre encore faible par rapport aux 9 millions d'usagers qui encombrent les routes chaque jour. En attendant, à 16 heures pétantes, les bureaux se vident dans les quartiers des affaires de Lagos, et tout le monde branche sa radio sur Traffic FM pour essayer d'éviter au mieux les bouchons. M. Oghuvwu, lui, ne peut pas quitter le bureau avant 16h30. "Et rien que ces trente minutes supplémentaires me valent de passer une heure de plus sur la route". phz/cdc/cac

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