vendredi 24 janvier 2014

RDC - Anatomie d'un attentat : comment Mamadou Ndala a trouvé la mort

(Jeune Afrique 23/01/14)
Dans quelles circonstances exactes le colonel Mamadou Ndala a-t-il trouvé la mort ? Qui avait le doigt sur la gachette et quel type de munition a-t-il été utilisé ? Dans ce long billet, Laurent Touchard* se livre à l'analyse détaillée d'une vidéo tournée quelques secondes après l'attentat qui a coûté la vie au héros des FARDC.
* Laurent Touchard travaille depuis de nombreuses années sur le terrorisme et l'histoire militaire. Il a collaboré à plusieurs ouvrages et certains de ses travaux sont utilisés par l'université Johns-Hopkins, aux États-Unis.
Quelques heures après la mort du colonel Mamadou Moustapha Ndala, le 2 janvier 2014, une vidéo circule sur les réseaux sociaux et des sites bien connus. À défaut d'avoir été réalisée durant l'attaque, elle montre les minutes qui suivent immédiatement l'action (voir ci-dessous). Peu importe que des passages semblent avoir été coupés (à dessein ou non) : il reste beaucoup à voir. À ce document s'ajoutent les photographies prises dès lors que l'incendie du véhicule a été éteint par un des détachements d'intervention de Monusco (dépêché sur place pour l'occasion); clichés notamment saisis par les soldats des Nations unies. L'ensemble de ces matériels, des témoignages (à considérer avec précaution) et des bribes d'informations via l'ONU, considéré par des regards professionnels (et expérimentés) permet de retracer le déroulement de l'embuscade et de formuler quelques remarques quant au champ des auteurs possibles.
Le "film" des événements
Examinons tout d'abord la nature du terrain. Sur la portion de route où survient l'embuscade (la "kill zone"), la végétation est dense à droite (par rapport au trajet du véhicule de Ndala), sur une grande surface. Le long de cet itinéraire qui conduit de Boikene à Mavivi (l'hôtel Albertine ou séjournait le colonel se trouvant à Boikene et non à Beni), d'autres sections sont également bordées par des couverts. Cependant, le trajet comprend beaucoup de tronçons plus dégagés ou avec une végétation nettement plus clairsemée. L'emplacement n'a donc pas été choisi par hasard.
Venons-en à l'enchaînement des événements. L'officier se trouve à l'hôtel Albertine où il a fêté le changement d'année. Le 2 janvier, il doit se rendre à Eringeti afin d'y étudier la zone de desserrement des unités sous ses ordres ainsi que le terrain des futures opérations contre les ADF-Nalu. Le déplacement jusqu'à Eringeti se fera avec trois 4x4. Tous semblent armés d'une mitrailleuse lourde DShKM (ou sa copie chinoise Type 54) et une dizaine d'hommes monte à bord de chacun. Mamadou Ndala s'installe dans la cabine d'une Toyota blanche. Un fanion rouge est fixé à son antenne. Si elle indique à ses hommes qu'il s'agit du véhicule de commandement, elle désigne aussi clairement une cible de choix à d'éventuels ennemis... Impossible de se tromper pour quiconque voudrait attaquer.
Mamadou Ndala et son escorte quittent Boikene avant midi, au milieu de nombreux curieux, enthousiastes de voir leur héros. Mais, parmi ceux qui observent le départ de la section, il en est qui donnent le signal à ceux qui attendent, quelques kilomètres plus loin : la cible part. En outre, plusieurs observateurs peuvent avoir épié le long de l'itinéraire, informant l'équipe chargée de l'embuscade de la progression du convoi. Plusieurs ou au moins un, en place en amont de la zone d'engagement. Sitôt que le convoi y entre, il alerte les tueurs en leur précisant la position du véhicule de Ndala au sein de celui-ci. Un premier, puis un deuxième pickup passent. Leurs occupants ne remarquent rien de suspect, ce qui laisse supposer que les agresseurs attendent, tapis, en liaison avec l'observateur qui coordonne l'action.
Ces agresseurs sont probablement deux : compromis entre discrétion et efficacité. Deux ou à peine plus. L'un sert le RPG-7 (ou sa copie chinoise Type 69). L'autre dispose d'un fusil d'assaut et de roquettes supplémentaires. Il couvre le tireur RPG avec son arme automatique tout en étant prêt à recharger le lance-roquette, au besoin. Cependant, si la cible n'est pas atteinte au premier coup, leurs chances de survie sont minces. Les commandos des FARDC dans le 4x4 ne manqueraient alors pas de réagir. Là aussi, question de survie. Ils gicleraient de leur banquette latérale en défouraillant à tout va. Celui maniant la "Douchka" allumerait l'équipe RPG en faisant pleuvoir une grêle de balles de 12,7... En théorie, dans de bonnes conditions, quatre secondes sont nécessaires pour replacer une nouvelle roquette dans le tube du RPG. Sous le feu d'adversaires désormais aux abois, une dizaine de mètres séparant les protagonistes, l'exercice serait suicidaire.
Arrive le 4x4 de Ndala. Concentrés, les tueurs savent qu'il est à bord et que l'affaire sera relativement simple : en queue de colonne, leur cible est plus vulnérable. Ils auront davantage le temps de se carapater sitôt le traquenard refermé. Une embuscade de type "hit and run, "Frapper et se barrer". La Toyota est désormais à moins d'une vingtaine de mètres en face. À cette distance il est quasiment impossible de la manquer. D'où une interrogation : les tueurs visent-ils la cabine du 4x4 comme le feraient des combattants inexpérimentés ? Ou bien, comme le suppose l'auteur de ces lignes, les agresseurs visent-ils le moteur, n'ignorant pas que, contre cette masse de métal, l'effet du projectile à charge creuse sera maximisé...
Confusion
La déflagration, la fumée, quelques secondes de flottement... Les tueurs ont déjà bondi à l'abri des herbes hautes et des arbres. Les commandos dans le 4x4 sont blessés, sonnés. Deux semblent valides : un qui reste près du véhicule et, peut-être, le caporal Paul Safari, garde du corps de Ndala ? L'ONU évoquera le bilan de trois tués et cinq blessés. Aucun de ces blessés n'apparaît dans la vidéo. C'est donc qu'ils sont évacués par l'un des 4x4 rescapés du convoi. Les militaires qui arrivent à pied, dans le sens opposé quelques instants plus tard sont ceux que transportaient les deux Toyota de l'escorte. Certains se déploient timidement là où se trouvaient encore, quelques instants plus tôt, les tueurs. La manœuvre est vaine : ces derniers ont filé, mettant à profit la végétation et le désordre.
Quelques coups de feu claquent. Des FARDC lâchent une balle ou deux vers les arbres. Des cadres interviennent pour reprendre le contrôle. Ils bousculent même leurs hommes afin qu'ils se reprennent. Sans beaucoup de succès. Une fusillade se déclenche, sans cible. Les projectiles de 7,62 mm partent au hasard, en direction des herbes et des arbres. Les commandos expriment ainsi leur rage, leur sentiment d'impuissance et le désespoir. Cette atmosphère d'effondrement est palpable dans les images.
Plusieurs commandos craquent, victimes d'un écroulement nerveux (que les anglo-saxons traduisent très bien par le terme "broken"). N'oublions pas que ces hommes ont participé aux durs combats d'octobre 2013 contre le M23, aux multiples escarmouches et missions dangereuses accomplies ensuite. Des périodes de peur, d'explosions d'adrénaline, de fureur de la poudre, sous les ordres de leur chef, Mamadou Ndala. S'il prend la grosse tête, il ne manque pas d'être en première ligne, aux cotés de ses hommes. La disparition de leur leader catalyse des semaines de pression psychologique intense.
Les flagrants dysfonctionnements de la chaîne de commandement n'arrangent rien. Personne ou presque ne rend compte de la situation dans la zone d'engagement. En dehors de quelques rares individus (civils et soldats) avec des téléphones portables, aucun matériel de transmission militaire n'est visible. Dans de telles conditions, il n'est pas étonnant que les FARDC confrontés à ce drame ne sachent quoi faire, quelle mesure prendre. Les cadres présents ne parviennent même pas à instaurer une discipline de feu tandis que des civils déambulent alors qu'ils devraient être expulsés de l'endroit. Les tueurs, eux, augmentent la distance qui les sépare de la "kill zone".
De son côté, la Monusco dépêche une unité de réaction rapide du bataillon népalais à partir de Boikene et une autre unité depuis le poste opérationnel de Mavivi. Ils éteignent l'incendie du 4x4 et renforcent les éléments des FARDC de plus en plus nombreux. Les militaires de l'ONU, n'ayant pas été officiellement sollicités se contentent d'observer et de prendre des photographies.
La théorie d'une munition thermobarique
Selon une théorie, un projectile thermobarique aurait touché le 4x4 de Mamadou Ndala. Théorie qui sous-entend que l'équipe chargée d'exécuter le colonel disposait de moyens particuliers (ce type de munitions étant a priori absent de RDC comme nous l'expliquons plus loin). Manière d'étayer l'hypothèse d'un complot fomenté aux plus hauts niveaux de l'État congolais.
Outre certaines bombes d'aviation et projectiles de lance-roquettes multiples, quelques armes tirent des munitions thermobariques de plus petite taille. Tout d'abord, le RGP-22 Shmel russe (une copie chinoise existe également), dans ses différentes variantes (anciennes et modernisées). Certes, le Shmel existe sur le continent africain : des exemplaires ont été livrés en Angola, d'autres ont été vus au Liberia et en République du Congo durant les années 2000. Toutefois, aucun n'a été signalé en RDC. Au RPG-22 s'ajoutent des munitions thermobariques que peuvent utiliser n'importe quel tube de RPG-7/Type 69 : les TBG-7 (d'origine russe), les GTB-7G (bulgare) ou encore WPF 2004 (chinoise). Si elles n'ont pas davantage été remarquées en RDC (contrairement aux roquettes DZGI-40 "airburst" chinoises), cela ne signifie pas qu'il n'y en a pas. Il est beaucoup plus facile pour le non-initié de les confondre avec des PG-7 antichars classiques.
Concernant les "armes à vide" ou thermobariques, leurs effets sont effrayants. Tout d'abord, la munition détonne, vaporisant des agents hautement volatiles qui se mélangent à l'oxygène de l'air. Ce gaz/vapeur pénètre partout, dans les moindres recoins. Une seconde explosion l'enflamme après quelques dizaines de millisecondes. La boule de feu dévore alors l'air, avec un formidable dégagement de chaleur ainsi qu'une terrible surpression aussitôt suivie d'une brutale dépression.
Admettons que l'attaque ait été menée au moyen d'une TBG-7/GTB-7G/WPF tirée par un RPG-7. D'après certains observateurs, les dommages correspondent. Or, il n'en est rien. Tout d'abord, l'équipe de tueurs se serait montrée assez peu professionnelle en visant le bloc moteur (à moins d'un "coup manqué") plutôt que la cabine. Contrairement à la munition à charge creuse très efficace contre un blindage/masse de métal, la munition thermobarique a des effets bien plus dévastateurs lorsqu'elle est tirée dans un espace confiné – ou relativement fermé. Utilisée contre la cabine, il n'en resterait plus grand chose. Tout l'intérieur aurait été désintégré, portières et toit éparpillés sur un large rayon. Ceci étant dit, en visant le bloc moteur, peu de chances que le conducteur et le passager en réchappent...
Ici, la roquette frappe donc le côté droit du véhicule, un peu en-dessous du capot. Certes, un projectile thermobarique aurait provoqué la mort des passagers de la cabine. Mais pas seulement. Une multitude d'éléments vont à l'encontre de cette hypothèse. Sous réserve que son témoignage soit totalement vrai (certains aspects laissent dubitatifs), Paul Safari, garde du corps de Mamadou Ndala, dit avoir vu arriver la roquette et avoir alors bondit de l'arrière de la Toyota. Elément beaucoup plus probant, la Monusco évoque cinq soldats blessés. De toute évidence, ils se trouvaient, eux aussi, à l'arrière du 4x4. Or, le rayon létal d'une TBG-7/GTB-7G/WPF est de deux à huit mètres (selon les "écrans")... Si un projectile thermobarique avait détonné contre l'avant du 4x4, le bilan serait beaucoup plus lourd et Paul Safari serait mort.
Ce n'est pas tout. Autre constatation visible tant sur la vidéo que sur les photographies prises avec l'arrivée des soldats de la Monusco : le véhicule est relativement intact, avec très peu de débris autour. Si le bloc moteur de la Toyota avait été percuté par une roquette thermobarique sous cet angle, le capot ne serait pas resté fermé. Il aurait été arraché et projeté. Or, il n'est même pas soulevé, juste déformé au-dessus du point d'impact.
La roquette classique
Contrairement à ce qui est imaginé, une roquette antichar à charge creuse ne va pas systématiquement transformer un véhicule non blindé en un amas de métal, conséquence d'une explosion hollywoodienne. Une voiture explose rarement comme dans les films, à moins de contenir une charge d'explosif à l'intérieur. Un projectile à charge creuse peut transpercer les flancs d'une cabine de camion, de pickup ou de voiture sans détonner. Il déchire le métal, sans autre effet. L'anecdote du traquenard contre la Mercedes du général Kroesen, le 15 septembre 1981 en Allemagne, a été rappelée à l'auteur de ces lignes. Commandant du Groupe d'Armée Centre de l'Otan, Kroesen est victime d'une tentative d'attentat perpétré par des membres de la Fraction Armée Rouge. Deux roquettes de RPG-7 (des PG-7) sont tirées. Si la seconde manque sa cible, la première frappe la voiture.
Elle pénètre dans le coffre pour ressortir un peu en-dessous de la fenêtre arrière droite. Le général et son épouse sont légèrement blessés. Mais en dehors du métal perforé, il n'y a que du bris de verre. Si la roquette avait heurté une plus grosse épaisseur de métal (à l'instar du moteur), le destin de l'officier américain aurait probablement été scellé...
Afin de mieux comprendre pourquoi il s'agit d'une simple roquette PG-7 (ou copie chinoise) qui a été tirée, voici quelques explications concernant le fonctionnement d'une munition à charge creuse. L'explosif à l'intérieur de la tête est préformé de manière à ce qu'existe une cavité, tapissée d'un revêtement métallique (le plus souvent du cuivre), dans le sens opposé à ce que sera le point d'impact. L'onde de la détonation sur l'axe de la charge consiste en une onde sphérique dont la vitesse de propagation s'élève à 8 kilomètres/seconde (soit 28 800 kilomètres/heure!). Onde qui heurte avec une pression énorme le revêtement métallique à son tour propulsé à très grande vitesse sous forme de jet, constituant un véritable dard de métal en fusion. La tête de celui-ci va jusqu'à 10 kilomètres/seconde, tandis que la température du jet monte jusqu'à 700° C !
Contre un véhicule léger, les effets d'une charge creuse sont donc optimisés en visant la partie la plus "dense", à savoir, le bloc moteur. Ce qui permet au dard de se former correctement, de se "frayer un chemin" jusqu'à la cabine dont l'intérieur est constellé des éclats de métal du moteur et de gouttelettes de métal en fusion (jusqu'à 700°) susceptibles d'enflammer tout ce qui est combustible, avec en prime une surpression dans les endroits très confinés. Concernant le carburant, l'incendie sera plus ou moins prononcé selon la vitesse du véhicule (avec, donc, plus ou moins de carburant dans le circuit d'alimentation). C'est ce qui explique pourquoi la Toyota de Mamadou Ndala est relativement intacte à l'extérieur.
Les exemples de véhicules non-blindés touchés par des PG-7 (ou équivalent chinois) et qui n'ont pas explosé ne manquent pas, à l'instar du 4x4 photographié par Tim Hetherington, à Bouake en Côte d'Ivoire, en octobre 2002. Sur son cliché, la roquette a frappé le véhicule de face provoquant des dommages importants à l'avant. L'angle d'impact sur la Toyota de Mamadou Ndala est différent, le "dard" en fusion ayant semble-t-il réussi à traverser une partie du bloc moteur pour ensuite ravager l'intérieur de la cabine.
En guise de conclusion : que nous apprend l'analyse de l'embuscade ?
En ce qui concerne l'embuscade, indéniablement, elle a été préparée. Bien préparée, avec du renseignement, avec une organisation tactique et des tueurs efficaces. L'action des assassins a également été facilitée par le manque de prudence du colonel. Même s'il se trouvait dans une zone "sûre", il n'a pris aucune véritable précaution et cela ne peut être imputé à ses chefs militaires ou politiques (de simples mesures de précaution auraient pu être adoptées : davantage de discrétion, séjourner dans un lieu moins fréquenté, partir à l'aube plutôt qu'en plein jour, voyager dans un véhicule semblable aux autres et sans fanion de commandement...).
Toutefois, ces constatations ne suffisent pas à désigner précisément un commanditaire. D'autant moins que la théorie de la munition thermobarique (qui incriminerait Kabila ou du moins, de hauts responsables d'une hiérarchie militaire puisque matériel très spécial) est invalidée. C'est une simple roquette PG-7, tirée par un banal RPG-7/Type 69 qui a tué Mamadou Ndala. Cette arme et sa munition, les FARDC mais aussi l'ensemble des groupes rebelles du pays la possèdent. De fait, si la piste d'un règlement de compte interne au FARDC est à privilégier, il convient de ne pas totalement écarter celle des ADF-Nalu, ou celle d'ex-dissidents du M23. L'un n'empêche d'ailleurs pas l'autre : le cas de figure de rebelles quelconques instrumentalisés (et aidés) par des responsables des FARDC est-il totalement absurde ?
C'est là que réside la seule certitude sur cette affaire : ceux qui ont tué Mamadou Ndala ont bénéficié de complicités au sein des forces de sécurité. À ce titre, une phrase du discours de Julien Puluku, prononcée le 9 novembre 2013 lors d'une cérémonie en hommage de commandos tués, résonne comme une mise en garde : "Si l'ennemi a réussi à pénétrer ce pays c'est parce qu'il s'est servi de certains d'entre-nous. Et c'est à cause de ça que nous sommes arrivés à perdre de vaillants combattants." Mamadou Ndala périt deux mois plus tard. Vaillant, il l'était.
Remerciements :
Je tiens à remercier tous ceux qui ont contribué à ce "débriefing" sur la mort du colonel Mamadou Ndala, en faisant part de leurs observations, aussi bien sur l'aspect tactique qu'au sujet de l'arme utilisée. Je remercie en particulier Gordon Rottman dont l'expérience du terrain n'a d'égale que son érudition militaire, auteur d'un fort intéressant ouvrage sur le RPG-7.

Par Laurent Touchard
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