Au début du conflit, pour un article qui avait déplu, le directeur du journal L'Indépendant, Saouti Haïdara, avait été passé à tabac et laissé pour mort dans un ravin. Le miraculé s'est refait depuis une santé à Dakar. Le président par intérim Dioncounda Traoré a subi à peu près le même sort et il n'a dû son salut qu'à une évacuation vers la France où, pendant deux mois, il a repris ses esprits avant de reprendre ses fonctions...
Son Premier ministre, l'ancien astronaute de la Nasa, Modibo Diarra, a eu moins de chance. Il a vu les hommes de Sanogo débarquer chez lui en pleine nuit : le lendemain matin, il démissionnait de son plein gré... Depuis, il se tait. D'autres se terrent.
Boukary Daou, le directeur du journal Le Républicain, vient de sortir de prison. Le 6 mars, il s'était retrouvé dans les geôles des putschistes : dénudé, humilié, torturé... Il a ensuite été transféré dans ce qu'on appelle « la grande prison » de Bamako d'où il pouvait donner de ses nouvelles. Qu'a-t-il donc fait ? Il a publié une lettre ouverte qui interpelle le président Traoré et raille le capitaine Sanogo, une lettre jugée de nature à saper le moral des troupes.
Nos confrères maliens se sont mobilisés, pour exiger sa libération immédiate et faire la lumière sur cette affaire. La France est également intervenue et Boukary a retrouvé une liberté provisoire et fragile en attendant son jugement...
Comment le président Traoré, lui qui a appelé la France à l'aide, peut-il tolérer une telle atteinte aux droits de l'Homme et à la liberté d'expression ! La classe politique se tait... L'indignité dont est victime Boukary Daou révèle alors la grande fragilité du pays où le droit est en panne...
La question du droit est essentielle dans ce pays qui n'a pas attendu les islamistes pour flirter gravement avec l'anarchie. Bien sûr, c'est à la représentation malienne de s'emparer de la question : des élections sont prévues en juillet.
Quand la France se retirera du champ de bataille, les forces politiques nouvelles sont appelées à prendre le relais et non pas simplement leur part, comme avant.
Il faut certes se méfier des pièges de l'ingérence et ne pas tomber dans le néocolonialisme de la françafrique. Mais la France n'a pas mené la guerre de libération du Mali pour que ce pays débarrassé de la peste des djihadistes souffre encore du choléra de la corruption et de la violence.
Hervé Bertho
ouest-france.fr
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