(Courrier International 29/04/2013)
L'hospitalisation d'Abdelaziz Bouteflika à Paris attise les
craintes en Algérie sur son état de santé. Dans ces conditions, le président,
peut-il continuer à gouverner ?, s'interroge l'éditorialiste.Le
président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a fait hier [samedi 27 avril]
à 12h30 un "accident ischémique transitoire sans séquelles", a annoncé le
directeur du Centre national de la médecine sportive, le professeur Rachid
Bougherbal, dans un communiqué laconique diffusé à 19h42 par l’APS. "Les
premières investigations ont été déjà entamées et Son Excellence le président de
la République doit observer un repos pour poursuivre ses examens", a-t-il
ajouté, tout en assurant que son état de santé "n’occasionne aucune inquiétude".
Un flou sur l'état de santé du président
C’est la première fois
depuis le fameux "ulcère hémorragique" qui avait nécessité une longue
hospitalisation du chef de l’Etat à l’hôpital du Val-de-Grâce, à Paris, en 2005,
que la santé du Président fait l’objet d’une communication officielle. Mais on
ne pouvait pas faire passer sous silence ses nouveaux ennuis de santé du fait
que le président de la République est tenu de pointer mercredi au stade du 5
Juillet, pour assister à la finale de la Coupe d’Algérie de football.
Un
rendez-vous symbolique auquel il ne pouvait se soustraire, au risque d’alimenter
les rumeurs les plus folles. Il ne faudrait donc pas soupçonner les autorités de
vouloir informer le peuple de la santé de son Président. C’est un cas de force
majeur qui a dû obliger les hauts responsables à communiquer même avec des
pointillés…
A commencer par le jour exact de cet "accident ischémique
transitoire", daté officiellement [du 27 avril] à 12h30. Certaines sources ont
confié en revanche que le Président a eu son attaque il y a une semaine environ.
On notera ainsi que la dernière apparition publique du Président fut au
cimetière El Alia, où il avait assisté le 18 avril à l’enterrement de
l’ex-président du Haut-Comité d’Etat (HCE), feu Ali Kafi. Depuis, on n’a plus
revu le président Bouteflika, disparu même des caméras de l’ENTV.
Une
annonce qui tombe mal
Trois jours auparavant (le 15 avril), le Président
s’affichait, tout sourire, aux côtés de son homologue sud-africain Jacob Zuma.
Mais ce dernier a dû écourter son séjour en Algérie sans explication… Quoi qu’il
en soit, l’annonce [samedi] de son hospitalisation pour des problèmes
vasculo-cérébraux confirme tout haut ce que tous les Algériens d’en bas
suspectaient : le président de la République est bien malade et sa santé
constitue, visiblement, un frein à l’exercice de son pouvoir dans un pays aussi
difficile que l’Algérie. Ironie du sort, la maladie du Président est annoncée en
ce mois d’avril où il a fêté ses 14 années à la tête du pays…
Mais pour
lui, ses sponsors et ses supporters, cela tombe mal. Et ça fait mal. A une année
presque jour pour jour de l’élection présidentielle, c’est un cheveu qui tombe
sur la soupe de ceux qui chauffent les tambours du 4e mandat. La santé du
président Bouteflika, qui aurait dû servir d’argument supplémentaire pour
plaider une rallonge de sa présidence, devient désormais un vrai souci pour
vendre un 4e mandat, le moins qu’on puisse dire controversé. Et voilà que
"l’affaire d’avril 2014" se trouve subitement mal engagée…
Même à
supposer, comme le suggère le communiqué – sans doute lénifié –, que le
Président reprendrait son activité, il serait difficile de faire avaler la
pilule au peuple. Les éventuels prétendants, mais aussi les partis de
l’opposition s’empareraient de ce thème pour structurer leur campagne
anti-quatrième mandat en vue de disqualifier Abdelaziz Bouteflika. On s’en
souvient, Me Ali Yahia Abdennour avait appelé publiquement à la veille de la
présidentielle de 2009 de faire examiner le Président par une équipe médicale
indépendante pour voir s’il était apte à exercer ses fonctions.
Une
exigence réitérée récemment par le duo Ahmed Benbitour-Soufiane Djilali alors
que le RCD a carrément appelé à la destitution du Président en vertu de la
disposition constitutionnelle relative à la vacance de la présidence. Mais faute
de communication officielle, la maladie du président constitue depuis l’épisode
du Val-de-Grâce un secret d’Etat. C’est l’une des graves maladies du pouvoir
algérien…
Le "mandat de trop" ?
Or, beaucoup d’observateurs
estiment que le 3e mandat de Bouteflika était un "mandat de trop". Terriblement
diminué depuis 2005, le Président affiche une posture presque pathétique de
devoir sourire même forcé devant les caméras quand il est contraint par ses
obligations protocolaires. Signe que l’homme, connu pour son incroyable énergie,
n’est que l’ombre de lui-même, il a pratiquement arrêté tout déplacement à
l’étranger mis à part pour aller se refaire une petite santé…
Gouverner
par procuration n’est sans doute pas un signe de bonne santé. Surtout pas pour
un pays comme l’Algérie qui fait face à une guerre à sa frontière avec le Mali
couplée à des mouvements de protestation des jeunes des wilayas du
Sud.
Facteur aggravant, le Président assiste impuissant à de grands
déballages de corruption mettant en cause ses proches et son entourage immédiat.
Avec de telles braises entre les mains, les nerfs peuvent en effet lâcher sans
préavis…
Hassan Moali _ El-Watan29 avril 2013
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