(Le Pays 25/04/2013)
Protester contre l’arrestation de Karim Wade et contre la
vie chère. Voilà les deux raisons pour lesquelles le PDS (Parti démocratique
sénégalais) a battu le pavé le 23 avril dernier à Dakar. Vous avez dit cherté de
la vie ? On croirait rêver. Le PDS, qui vient de quitter les affaires, n’est pas
étranger à cette crise économique et financière qui étreint les
Sénégalais.
En fait, plus qu’une revendication, il pourrait s’agir d’une
stratégie pour se rallier d’autres groupes sociaux comme les syndicats et
d’autres organisations de la société. Ce deuxième objectif, certes mobilisateur,
ne peut cependant cacher le but numéro un de la marche : celui de donner un coup
d’accélérateur à la politisation de l’affaire Karim Wade. Car, dès le premier
jour où la Justice a commencé à fouiner dans la gestion de l’ex-ministre des
Infrastructures, de la coopération internationale, des transports terrestres et
de l’énergie, le PDS a crié à la chasse aux sorcières. Il est donc toujours dans
cette logique, tout en montant d’un cran la forme de protestation.
Cette
stratégie de la politisation à outrance d’un dossier judiciaire peut cependant
s’avérer être un couteau à double tranchant. En jetant les projecteurs sur
l’affaire Karim, le PDS oblige certes, la Justice à observer toute
l’indépendance requise dans le traitement du dossier, et le pouvoir à faire
preuve de neutralité. Mais le revers de cette option, c’est que le PDS pourrait
se mettre à dos une bonne partie de l’opinion sénégalaise, qui veut que la
lumière soit faite sur la gestion du fils du président Wade. Il donne aussi
l’impression de vouloir, par la pression de la rue, intimider ou influencer le
cours de la Justice. Enfin, venant d’un parti qui se dit démocratique, cette
façon de réagir à une affaire judiciaire peut apparaître comme un déni du droit.
Or, depuis le début de la procédure, et sans être dans les arcanes de la
Justice, on peut tout de même reconnaître à la Justice sénégalaise son
impartialité. Elle fait preuve d’une volonté de transcender les passions et les
querelles partisanes, pour ne dire que le droit. Le dossier, qui est d’une
extrême délicatesse, ne saurait en effet souffrir d’une quelconque manipulation.
Pour une fois qu’elle a l’occasion de se mettre en exergue, on n’ose pas
imaginer que la Justice manquera ce rendez-vous avec l’histoire. En dehors de
Idrissa Seck, qui a croupi en prison sous Wade dans les circonstances que l’on
sait, Karim Wade est sans doute l’un des plus grands dignitaires que le Sénégal
ait jamais jugés, pour des crimes économiques.
Le challenge est donc
grand pour ce pays dont la réputation de vitrine de la démocratie en Afrique
francophone est à nouveau en jeu. Autant le président Macky Sall et la Justice
font preuve d’un courage rare sous nos cieux, en s’attaquant à un symbole tabou
en Afrique, la prédation des biens publics, autant le PDS, par sa gesticulation,
se trahit. Soit il a peur de la Justice vraie, soit il se reproche quelque
chose. Autrement, il n’a pas besoin d’ameuter ses troupes pour marcher contre
une procédure judiciaire. Etre démocrate et républicain, c’est aussi faire sien
le proverbe latin « Dura lex, sed lex » (La loi est dure mais, c’est la
loi).
Mahorou KANAZOE
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