(Afrik.com 25/04/2013) L’arrestation de Bubo Na Tchuto et l’inculpation d’Antonio
Indjai, deux personnalités politiques bissau-guinéennes impliquées dans une
affaire de trafic de drogue par les autorités américaines, ravive depuis
quelques jours les tensions entre Washington et Bissau. Ce dernier réclame
l’extradition de Bubo Na Tchuto vers son pays d’origine. Les États-Unis font la
sourde oreille. Joint par Afrik.com, Vincent Foucher, spécialiste de la Guinée
Bissau, analyse la situation.La Guinée Bissau veut juger elle-même José
Américo Bubo Na Tchuto et Antonio Indjai. Bubo Na tchuto, ex chef de Marine de
Guinée Bissau, a été arrêté par les autorités américaines. Une arrestation
annoncée le 6 avril dernier par les autorités Bissau-Guinéennes.
Les
américains affirment l’avoir capturé dans les eaux internationales. Une
information démentie par les autorités guinéennes. « Le contre-amiral Na Tchuto
a été capturé de force dans nos eaux territoriales et conduit au Cap-Vert par
des policiers américains, avant d’être emmené aux Etats-Unis le 5 avril »,
déclare le sous-lieutenant de vaisseau, Vasco Antonio Na Sia. Na Tchuto était
déjà détenu au Cap-Vert, avant d’etre transféré vers les Etats-Unis.
Bubo
Na Tchuto n’est pas le seul à avoir été arrêté. Six autres personnes ont été
interpelées, selon le parquet de New York.
Quelques jours plus tard, une
autre personnalité de l’Etat est inculpée par la justice américaine. Antonio
Indjai, chef d’État-major des armées de Guinée Bissau, a été inculpé aux
États-Unis, pour complot de narcoterrorisme avec les Forces Armées
Révolutionnaires de Colombie (FARC).
Que reproche-t-on réellement à Bubo
Na Tchuto et Antonio Indjai ? Pourquoi les autorités américaines refusent-elles
d’extrader Indjai vers son pays d’origine ? Qu’est-ce qui empêche le
gouvernement bissau-guinéen de résoudre le problème du trafic de drogue dans ce
pays ?
Vincent Foucher, chercheur à International Crisis Group et
spécialiste de la Guinée Bissau, apporte des éléments de réponse. Interrogé par
Afrik.com sur les accusations qui pèsent contre Bubo Na Tchuto et Antonio
Indjai, il répond : « ils sont accusés d’avoir conspiré pour organiser un trafic
de cocaine entre l’Amérique Latine, l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Afrique.
Des enregistrements ont été réalisés par les agents américains. Indjai est par
ailleurs accusé d’avoir voulu organiser un tafic d’armes à destination des FARC.
Il faut noter cependant que pour le moment les poursuites américaines portent
seulement sur des intentions criminelles, et pas sur des actes criminels
effectivement accomplis ».
Concernant le lieu de l’arrestation de Bubo Na
Tchuto, Vincent Foucher note que deux versions s’opposent. Les autorités
américaines affirment avoir capturé Na Tchuto dans le territoire national. Une
information démentie par les autorités bissau-guinéennes qui déclarent que l’ex
chef d’Etat-major de la Marine du pays a été arrêté sur les eaux territoriales.
Ce qui pousse Bissau d’ailleurs à demander aux américains de le soumettre aux
autorités bissau-guinéennes pour qu’il soit jugé dans son pays.
Une
requête sur laquelle les Américains ne se sont pas encore prononcés. « Aucune
déclaration n’a été faite par les autorités nord-américaines quant à cette
requête. Je pense qu’ils y répondraient favorablement d’ailleurs », note Vincent
Foucher.
Sur les difficultés pour les dirigeants de ce pays à résoudre le
problème du trafic de drogue en Guinée Bissau, le chercheur souligne que tout
indique que le trafic bénéficie de certaines complicités dans la classe
politique et militaire. Quelques militaires subalternes et quelques trafiquants
latino-américains, ont été arrétés, mais ils ont à chaque fois été libérés avant
procès. Les seules condamnations prononcées ont visé des petits trafiquants, des
mules. Entre la faiblesse de leurs ressources, l’implication de certains d’entre
eux, la corruption et les menaces, les juges et policiers ont bien du mal à
faire leur travail.
par Cheikh Dieng
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