(Afrik.com 11/05/2012) La trêve de cinq jours décrétée dimanche 6 mai par l’armée
pour suspendre les combats l’opposant aux ex-rebelles du Congrès national pour
la défense du peuple (CNDP) dans le Nord-Kivu a pris fin ce vendredi. Le
lieutenant général Didier Etumba avait enjoint ses troupes de stopper les
affrontements, exigeant en même temps des mutins qu’ils se rendent. Mais des
tirs ont éclaté ce jeudi soir entre les deux parties dans l’est, près de la
frontière du Rwanda et de l’Ouganda. Le Nord-Kivu pourrait bien être à nouveau
en proie à des violences meurtrières. Retour sur un conflit à
rebondissements.
Reprise des hostilités dans le Nord-Kivu. Des tirs ont
éclaté jeudi soir entre l’armée et les ex-rebelles du Congrès national pour la
défense du peuple (CNDP) dans l’est, près de la frontière du Rwanda et de
l’Ouganda. Dimanche 6 mai, les Forces armées de la République démocratique du
Congo (FARDC) avaient décidé pourtant d’interrompre durant cinq jours les
combats qui les opposent depuis le 29 avril aux ex-rebelles du (CNDP) dans le
Nord-Kivu.
L’objectif des mutins est de reconquérir la région du
Nord-Kivu, notamment les territoires du Masisi, qui furent longtemps sous leur
contrôle. Ce sont ces mutins issus de l’ancienne rébellion qui ont été à
l’initiative des premiers combats contre l’armée, il y a quelques semaines,
provoquant la mort d’au moins cinq soldats.
M. Bosco Ntaganda est «
responsable » des combats
Les mutins ont ainsi eu pendant cinq jours le
temps de se manifester et de répondre à cette main inattendue qui se tend vers
eux. Il convient de souligner que l’appel n’a pas été entendu par tous, car
selon plusieurs sources locales une bonne partie des mutins se serait déjà
repliés dans des vallées reculées du grand parc national des Virunga, exprimant
ainsi leur volonté de continuer les combats, leur détermination à tenir tête aux
forces militaires et par ricochet au gouvernement en place.
Ces
démonstrations de force viennent donc semer le doute sur une réelle possibilité
de capitulation des mutins, d’autant plus que ces derniers n’ont de cesse
d’afficher leur attachement et leur fidélité à leur porte-drapeau, le général
Bosco Ntaganda. Celui-ci est recherché depuis longtemps par la Cour pénale
internationale (CPI), pour de multiples exactions et crimes. Il est l’ancien
chef rebelle du CNDP et avait intégré en 2009 l’armée régulière du Congo. Il est
aujourd’hui également poursuivi par la justice congolaise.
Le
gouvernement congolais estime que M. Ntaganda est « responsable » des combats
qui se déroulent dans l’est du pays depuis plusieurs jours. Le gouverneur du
Nord-Kivu, M. Julien Paluku, avait d’ailleurs, dans une déclaration publique,
évoqué la possibilité d’arrêter M. Ntaganda : « Tout ce qui se passe dans l’Est
est sous la responsabilité du général Bosco Ntaganda et il doit être recherché
pour cela » et « si nos unités mettent la main sur lui, il répondra devant les
juridictions congolaises de tous ses actes ».
Au moins 20 000 civils en
fuite vers Goma et le Rwanda voisin
Depuis le déclenchement de ce
conflit, fin avril, pas moins de 20 000 civils ont fui leurs lieux d’habitation
dans le Nord-Kivu. Ce sont parfois des familles entières qui sont contraintes de
renoncer à leurs activités commerciales ou agricoles par crainte de perdre leur
vie dans les combats. D’autres, dans la mesure du possible, partent avec leur
bétail en direction des villes plus calmes, comme la capitale provinciale,
Goma.
Les autorités provinciales auraient mis à disposition des terrains
autour de Goma, selon RFI. Plusieurs milliers de personnes auraient passé les
frontières des pays voisins, comme le Rwanda. En raison de l’instabilité de la
RDC, le nombre de déplacés aurait franchi la barre des deux millions au premier
trimestre de cette année, soit une augmentation d’environ 300 000 par rapport à
l’année dernière. Les deux zones Nord et Sud de la province Kivu compteraient à
elles seules environ 70% des effectifs des personnes en déplacement. Cet
effectif a augmenté de 35% depuis la fin de l’année dernière.
Le Sud-Kivu
également en proie aux tensions ethniques
Les affrontements entre l’armée
et les ex-rebelles sont dus au fait que quelques anciens combattants du CNDP,
réintroduits dans l’armée nationale en 2009, sont redevenus des rebelles après
leur désertion. L’ancien mouvement, censé être enterré depuis longtemps, a ainsi
donné l’impression de vouloir s’implanter à nouveau dans la région du Nord-Kivu,
notamment dans les territoires du Masisi, qu’il revendique depuis longtemps. Les
ex-rebelles entendaient marquer plus que jamais leur emprise sur cette
zone.
Dans sa fuite le Général en rupture de ban Bosco Ntaganda a
abandonné derrière lui, dans sa ferme de Kirolirwe à Masisi, une grande quantité
d’armes et de munitions qui ont été présentées à la presse et au Gouverneur de
la Province, Julien Paluku Kahongya, par le Général Major, Gabriel Amisi dit
Tangofor.
La région du Sud Kivu est aussi très instable. L’assassinat
d’un chef coutumier de quatre balles dans la tête le 25 avril dernier avait
également fait renaître les tensions ethniques qui sont monnaie courante dans la
zone depuis longtemps. Ce chef, appartenait à la communauté des Barundi qui se
dispute depuis toujours le pouvoir traditionnel avec une autre communauté, qui
dirige actuellement la zone et avait accepté de la céder. Ce dernier avait été
suspendu de ses fonctions en tant que chef de collectivité en 1996 et il était
prévu qu’il reprenne sa fonction traditionnelle la semaine même de son décès.
Dans ce genre de situation les abus ne sont pas rares. Certains témoignages ont
fait état de recrutement forcé de jeunes par les rebelles.
La main tendue
provisoire de l’armée régulière congolaise aux anciens rebelles qui reprennent
les armes n’est donc pas seulement tactique : elle vise à pacifier par d’autres
moyens que la force des armes une région où s’entrecroisent de multiples lignes
de fractures ethniques, politiques, identitaires, historiques, et où le pouvoir
central doit compter avec les pouvoirs locaux, qu’ils soient ou non
légitimes.
vendredi 11 mai 2012 / par Thomas Yonkeu
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