(Liberation 02/05/2012)
La confusion régnait hier dans la capitale malienne, alors
qu’une offensive des fidèles du président déchu aurait été repoussée. Un bilan,
dans la soirée, faisait état de 14 morts.
Hier soir quelques tirs
sporadiques d’armes automatiques résonnaient le long du fleuve Niger sans que
l’on sache s’ils provenaient des forces de l’ex-junte. Elle a déjoué ces deux
derniers jours une tentative de contrecoup d’Etat fomenté par d’anciens
loyalistes «bérets rouges» fidèles à l’ex-président Amadou Toumani Touré (ATT)
renversé le 22 mars. C’est du moins l’explication donnée hier par des proches du
capitaine Sanogo. L’ex-responsable de la junte semble toujours tenir le pays
alors qu’il avait accepté de retourner dans son QG de Kati et de se plier «à
l’ordre constitutionnel» sous l’injonction de la Communauté économique des Etats
d’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Par ailleurs, une source de l’hôpital
Gabriel-Touré avançait hier soir un bilan «de 14 morts et de 40 blessés
admis».
Documentaires animaliers. La rumeur qui courait faisait part de
la participation «d’éléments extérieurs qui auraient joué un rôle majeur» dans
la tentative de prise de contrôle de l’ORTM (la télévision malienne) dans la
nuit de lundi à mardi. Au siège de l’ex-junte, on évoquait«la présence de
mercenaires dans les rangs des bérets rouges», mais sans en apporter la
preuve.
L’ORTM alternait toute la journée communiqués triomphants de la
junte et documentaires animaliers. Le siège des médias nationaux a été l’une des
cibles principales visées avant-hier par les militaires loyalistes avec
l’aéroport et le camp de Kati. «J’étais avec le directeur général dans son
bureau, raconte un fonctionnaire. Vers 18 h 40 [lundi soir, ndlr], ça a commencé
à tirer dans la cour. A travers les vitres, on voyait des gens qui couraient. Ma
voiture a pris deux balles. Après les tirs, nous sommes descendus. Une trentaine
de travailleurs de l’ORTM étaient dans la cour. Les militaires de la junte nous
ont évacués. Je pense que je vais aller me mettre au vert en brousse pendant
quelques jours», raconte ce témoin, qui était également au palais présidentiel
lors de son attaque par les putschistes le 22 mars. Joint par Libération, un
membre du Front antiputsch, déjà arrêté par l’ex-junte, déclarait :«Je n’ai pas
l’intention de quitter Bamako.» Alors que résonnaient toujours hier à la
mi-journée coups de feu et tirs d’armes lourdes dans plusieurs quartiers de la
capitale, les habitants continuaient de vaquer à leurs occupations, avec des
embouteillages sur les deux ponts du centre-ville. A la sortie du pont du
roi-Fahd, les voitures étaient arrêtées et fouillées par les militaires pro
junte du Comité national pour le redressement de la démocratie et la
restauration de l’Etat (CNRDRE) au niveau du rond-point du monument de la Paix.
Ils filtraient notamment la bretelle menant au camp parachutiste de
Djicoroni-Para, base des «bérets rouges», sur laquelle des 4×4 chargés de
militaires faisaient des allers-retours.
Canon. Reste que la situation
était toujours confuse sans que l’on puisse savoir si la base des «loyalistes»
avait été reprise par la junte. «Nous n’avons pas de compte rendu militaire
concernant ce camp pour le moment», a annoncé un commandant du CNRDRE joint par
téléphone depuis Kati, le QG des pro junte, où la situation était redevenue
«calme» après les affrontements d’hier. Sur la route allant du monument de la
Paix au rond-point Kwame Nkrumah, des militaires étaient postés sur les toits
des bâtiments de la base aérienne. Dans le centre-ville, le secteur de l’ORTM
était à nouveau bouclé et contrôlé par la junte après avoir été libéré de ces
check-points et d’un canon sans-recul qui en protégeait l’accès ces deux
dernières semaines. Quant au Premier ministre, Cheik Modibo Diarra, invisible,
il serait toujours à Bamako. «Il n’est inquiété par personne, il va très bien»,
commentait le service de son protocole. Le chaos régnait toujours à l’aéroport
de la capitale, où le trafic a été interrompu jusqu’au 7 mai.
Par
jean-louis le Touzet avec Fabien Offner (correspondance à Bamako)
© Copyright
Liberation
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