(Le Monde 03/11/2010)
La cour d'appel de Paris a donné mercredi son feu vert à la remise à la Cour pénale internationale (CPI) du Rwandais Callixte Mbarushimana, un rebelle hutu soupçonné de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité en 2009 dans l'Est de la République démocratique du Congo.
La remise à la CPI ne devrait toutefois pas intervenir tout de suite, les avocats de M. Mbarushimana ayant l'intention de former un pourvoi en cassation qui suspend la procédure.
M. Mbarushimana, 47 ans, vivait en France depuis 2002, où il a obtenu le statut de réfugié politique, quand il a été interpellé le 11 octobre à Paris sur la base d'un mandat d'arrêt sous scellés (secret) délivré par la CPI.
Secrétaire exécutif des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), M. Mbarushimana est soupçonné de crimes de guerre et contre l'humanité, notamment des meurtres, viols, tortures et persécutions, commis durant le conflit armé qui a opposé en 2009 son organisation aux Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et aux Forces rwandaises de défense (FRD).
Sans se prononcer sur le fond du dossier, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a donné mercredi son feu vert à la remise à la CPI du Rwandais, conformément aux réquisitions du parquet général de Paris.
Présent à l'audience, M. Mbarushimana, veste noire et petites lunettes rondes, n'a pas exprimé de réaction.
La cour a toutefois assorti sa décision d'une "réserve: qu'en aucun cas M. Mbarushimana ne soit remis de quelque manière que ce soit au Rwanda".
Les avocats s'opposaient en effet à la remise de leur client à la CPI, y voyant une "première étape" vers un transfert au Rwanda où les garanties d'un procès équitable ne "sont pas réunies", selon eux.
Selon un de ses avocats, Me Christophe Gouget, c'est le Rwanda qui est à l'origine du mandat de la CPI, cherchant à "instrumentaliser la justice pour nuire à un opposant politique".
Basées dans l'est de la RDC, les FDLR, dont des éléments ont pris part au génocide de 1994 - qui a fait plus de 800.000 morts, essentiellement des Tutsi - sont considérées comme l'un des principaux fauteurs d'insécurité dans la région des Grands lacs africains.
Plus de 15.000 cas de violences sexuelles ont été recensés en RDC en 2009, selon le bureau du procureur de la CPI.
M. Mbarushimana publiait régulièrement des communiqués de presse à partir de la France, dont le dernier, daté du 26 août, démentait l'implication des FDLR dans ces viols.
"C'était un des rôles de Mbarushimana, de couvrir ces crimes", avait assuré le 19 octobre Luis Moreno-Ocampo, procureur de la CPI. "Certaines des personnes qui ont commis les crimes et qui sont en prison disent que les leaders du FDLR ont donné l'ordre de les commettre", avait-il ajouté.
Le Rwandais est également visé depuis le 29 septembre par une information judiciaire à la suite d'une plainte en 2008 du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), pour "génocide" en 1994 au Rwanda.
Ibuka ("souviens-toi", en langue rwandaise), la principale organisation de survivants du génocide, l'accuse de s'être "distingué dans les massacres de Tutsi" à plusieurs barrages routiers dans la capitale, Kigali, où, affirme encore l'organisation, il a même "fait massacrer" des collègues tutsi qui "travaillaient avec lui au Pnud" (Programme des Nations unies pour le développement).
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