(Afrique Hebdo 22/11/2010)
Madame le Greffier, pourquoi appartient-il à la Cour pénale internationale d’enquêter sur des crimes commis en République Centrafricaine ?
La Cour ne se substitue en aucun cas aux systèmes internes de justice pénale ; elle n’intervient que si le système judiciaire national n’a pas la volonté ou la capacité de rendre justice.
C’est la République Centrafricaine(RCA), Etat qui avait ratifié le statut de Rome le 3 octobre 2001, qui a demandé à la Cour de se saisir de la situation sur son territoire le 21 décembre 2004. Par la suite, après une analyse préliminaire indépendante, le Procureur de la CPI a considéré qu’il y avait une base raisonnable pour ouvrir une enquête sur les crimes commis en République Centrafricaine après le 1er juillet 2002. Des enquêtes ont été déclenchées et se poursuivent.
Pourquoi Jean Pierre Bemba, président et commandant en chef du mouvement de Libération du Congo (MLC), a-t-il été arrêté ?
Jean Pierre Bemba a été arrêté par les autorités belges, suite à un mandat d’arrêt délivré sous scellés par la Cour pénale. Il a été remis à la Cour, le 3 juillet 2008 et transféré au quartier pénitentiaire à la Haye où il est détenu.
La chambre préliminaire II de la Cour a considéré, en confirmant certaines des charges portées contre M. Bemba le 15 juin 2009, qu’il y avait des preuves suffisantes donnant des motifs substantiels de croire que Jean Pierre Bemba Gombo est pénalement responsable, pour avoir effectivement agi en qualité de chef militaire des crimes de guerre ( meurtre, viol et pillage) et de crimes contre l’humanité (meurtre et viol). Ces crimes auraient été commis dans le contexte d’un conflit armé qui a eu lieu en RCA du 26 octobre 2002 au 15 mars 2003. Durant ce conflit, les forces du MLC auraient mené une attaque systématique ou généralisée contre la population civile, notamment dans la localité dénommée PK 12, PK 22 et dans les villes de Bossangoa, Bossembélé, Damara et Mongoumba. Par conséquent la chambre préliminaire a renvoyé l’affaire en jugement devant la chambre de première instance III. Cette dernière a fixé la date d’ouverture du procès le 22 novembre 2010.
Qui prend en charge les frais des avocats de Jean Pierre Bemba ?
Le 25 août 2008, l’aide judiciaire demandée par Jean Pierre Bemba a été refusée. M. Bemba n’est pas considéré par la Cour comme indigent, ses ressources lui permettant de garantir ses obligations vis-à-vis des personnes qui sont à sa charge, ainsi que celle d’une équipe de défense.
Cependant, le 20 octobre 2009, la Chambre de première instance III a ordonné au Greffier de la Cour d’avancer à M. Bemba une somme mensuelle, jusqu’à ce que les circonstances matérielles aient changé, pour répondre à ses obligations financières à l’égard de ses conseils. M. Bemba remboursera par la suite cette somme à la Cour sur ses fonds personnels.
Combien de temps durera le procès ?
Le procès durera plusieurs mois. L’Accusation et la Défense présenteront leurs moyens de preuve et leurs témoins devant les juges. Les représentants légaux des victimes pourront également présenter leurs observations et poser des questions aux témoins des deux parties. Les juges veilleront à l’équité du procès et au respect des droits de chacune des parties et des droits des victimes.
Après la fin des audiences, les juges de la Chambre de première instance III rendront leur décision dans un ‘’délai raisonnable’’. Cette sentence sera lue en public : elle acquittera ou condamnera l’accusé. Les différentes parties pourront ensuite interjeter appel de la décision devant la Chambre d’appel de la Cour.
De quelles garanties de l’équité du procès bénéficie M. Bemba ?
Le Statut de Rome, traité fondateur de la Cour Pénale Internationale, a été établi dans le but de rendre justice aux victimes. Cependant, seul un procès équitable à l’égard des suspects et accusés permettra à la justice de remplir son rôle dans l’établissement d’une paix durable et de lutter contre l’impunité.
Le Statut de Rome prévoit un certain nombre de garanties de l’équité du procès. A cette fin, une série de garanties sont prévues dans les documents juridiques de la Cour : être présumé innocent et voir sa cause entendue publiquement, équitablement et de façon impartiale : être défendu par un avocat et présenter ses propres éléments de preuve ; citer ses propres témoins, et disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, pour n’en citer que quelques unes. En outre, le Procureur doit communiquer les éléments de preuve en sa possession ou sa disposition, lorsqu’il estime qu’ils disculpent l’accusé ou tendent à le disculper ou à atténuer sa culpabilité, ou sont de nature à entamer la crédibilité des éléments de preuve à charge.
Le Greffier de la Cour est en charge de soutenir les équipes de la Défense, de faciliter leur missions d’enquêtes en RCA, ainsi que de leur fournir l’assistance logistique nécessaire.
Comment les victimes peuvent-elles exprimer leurs préoccupations et faire entendre leur voix devant la Cour ?
Le Statut de la Cour est novateur à plusieurs égards. L’un des points les plus importants est la reconnaissance aux victimes de droits qui ne leur avaient jamais encore été accordés devant une juridiction pénale internationale.
Les victimes peuvent être impliquées dans les procédures devant la CPI soit en envoyant des informations au Procureur pour lui demander d’ouvrir une enquête, soit en témoignant de leur plein gré devant la Cour, soit encore en participant aux procédures par le biais de leurs avocats. Cette participation volontaire permet aux victimes d’exprimer une opinion indépendante de celle des parties et leur donne l’opportunité de parler de leurs propres préoccupations et intérêts.
Les témoins et victimes participant au procès sont-ils en sécurité ?
Oui. L’Unité d’aide aux victimes et aux témoins, qui fait partie du Greffe, adopte les mesures de protection proportionnelles aux menaces que peuvent encourir les témoins et victimes en raison de leur interaction avec la Cour.
La Cour veille à ce que l’expérience de comparution devant les juges ne soit pas à l’origine d’autres préjudices ou traumatismes. La protection ne vise pas seulement à assurer la protection physique des personnes, mais également à protéger leur bien-être psychologique, leur dignité et le respect de leur vie privée, dans la mesure où cette protection n’est ni préjudiciable ni contraire au droit de l’accusé à un procès équitable.
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