(Liberation 05/11/2010)
Pas moyen de faire autrement, dès que tu vas faire une course à Bamako, tes achats se retrouvent dans un sachet en plastique, noir, blanc, transparent ou même rayé rose et blanc .Que ce soit une boîte d'allumettes ou un kilo de bananes, tu as droit à ton sac plastique. Pour la boisson, même chose, le petit sachet plastique transparent est devenu la norme, il remplace à moindre coût les gobelets et les bouteilles. Ces petits sacs plastiques qui nous pourrissent la vie sont devenus tellement communs que l'on n'y fait guère plus attention. Du nord au sud du Mali, ils sont devenus les objets d'une habitude alimentaire qui pose de sérieux problèmes. Ça ne loupe pas, à tous les carrefours, auprès des gares routières et des marchés, à chaque manifestation culturelle ou sportive, on rencontre ces petites vendeuses ou vendeurs (presque toujours des mineurs) qui vendent de l'eau fraîche ou des jus à la volée. «Dji suma bé .... Dji suma bé ....» Qui, dans les rues de Bamako, n'a jamais entendu ce cri?
Pratique, bien sûr, de pouvoir à tout moment acheter pour 10 ou 20 FCFA d'eau potable fraîche quand il fait chaud. Pratique mais ni très raisonnable, ni très écolo. Invariablement, les sacs de plastique se retrouvent à terre à peine consommés, parfois à moitié pleins, et vont tranquillement nous polluer le paysage, boucher les égoûts ou transformer les arbres du quartier en arbre de Noël, bien décorés qu'ils sont après un coup de vent. Même le fleuve Niger, le "Djoliba" en supporte une bonne part et en aval de Sotuba les épineux qui poussent dans la plaine inondable font office de "filtres" ou de "dégrilleurs", et stoppent ainsi une partie du flux de ces plastiques emportés par le fleuve vers Koulikoro.
L'amoncellement dans les rues, les égoûts et dans les champs de ces sacs qui, sitôt franchie la porte du magasin, sont jetés, devient un réel problème de salubrité (et donc de santé publique).
Parfois je m'énerve. Le toubab qui lance un coup de klaxon ou un appel de phare à Bamako quand, conduisant en centre ville, vous jetez votre sac plastique ou votre bouteille au milieu de la chaussée .... c'est moi. Et pas la peine de me jeter un regard indigné en me demandant «et alors, j'en fais quoi ?», je vous répondrais de faire comme moi, de le garder dans votre bagnole et d'attendre le retour à la maison même si votre voiture n'est pas une poubelle, qu'on est samedi soir et que vous avez rendez-vous avec votre copine au maquis du coin.
Les sachets d'eau fraiches sont vendus, suivant leur conditionnement et leur volume, de 5 à 50 FCFA (1 euros vaut 656 FCFA). Certains sachets sont plus ou moins officiels, portant le logo de sociétés de distribution d'eau avec une autorisation administrative, mais ce n'est pas toujours le cas. Le problème est que cette activité, en saison chaude, est le fait de beaucoup de particuliers possédant un congélateur et désirant s'assurer un complément de revenus. La famille passe la soirée à remplir ces petits sacs d'eau, de da bléni (ou bissap, sirop d'oseille rouge) ou de niamakudji (jus de gingembre) avant de les mettre au congélateur. Il est bien évident que les conditions les plus élémentaires d'hygiène ne peuvent pas être réunies lorsque ce travail se fait dans une cour familiale et que les bonnes volontés disponibles sont requises pour le remplissage. Ajoutons que ces sacs sont congelés, que malheureusement EDM SA ne parvient pas toujours à assurer la continuité du service public de l'électricité et donc .... congélation lente, décongélation ... recongélation. Scénario idéal pour la prolifération de germes en tout genre et ayant un effet spectaculaire, voire explosif, sur les intestins. J'ai dû être chanceux, jamais de problèmes, car je suis un amateur de Niamakudji en sachet aux postes de contrôle, mais tout le monde n'a pas eu ce bonheur et des histoires, plus ou moins drôles, de course à pied pour arriver à temps aux latrines circulent avec pour accusés ces petits sachets plastique. Il est bien évident que personne ne connaît l'origine de l'eau enfermée dans ces sacs, on imagine forcément qu'elle vient du robinet, mais parfois sa couleur, et même son odeur, font craindre le pire.
Plus grave encore, mais je n'en ai pas confirmation, cette histoire. Dans la Région de Mopti, un jeune homme prend un sachet plastique plein d'eau fraîche en disant «je vais prendre mon médicament». Devant notre étonnement il raconte que pour augmenter la vitesse de congélation de l'eau, en saison très chaude quand les congélos peinent, certaines personnes y ajouteraient de l'aspirine!...
D'une manière plus générale, les sacs plastiques constituent un vrai problème pour les pays émergents, quelle que soit leur utilisation. Certains pays commencent à bannir ou à taxer lourdement les sacs de moins de 30 microns, ceux qui se déchirent avant même de les utiliser à tel point qu'à Bamako certains vendeurs les utilisent en les doublant. Des pays africains sont en avance sur ce point, comme le Kenya et le Rwanda, et appliquent une politique basée à la fois sur l'éducation et la répression, pusique c'est malheureusement le seul langage connu... prendre les usagers au porte-monnaie.
En France, il a fallu attendre 2005 pour voir cette interdiction des sacs plastiques à usage unique prononcée. Interdiction qui aurait dû être totale à partir du 1er janvier 2010. Quelles sont les voies à explorer? Les sacs biodégradables, les biomatériaux ou les sacs réutilisables, pas facile de trancher car il faut prendre en compte le coût et l'impact de la fabrication. Ici, au Mali, pour acheter les fruits et légumes, les paniers en fibres traditionnelles sont les bienvenus, ils existent et sont vendus sur tous les marchés artisanaux à des prix modiques. Et à la limite, faites vos courses avec une bassine.
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