(Afrique Actu 22/07/2010)
Aujourd’hui, jeudi 22 juillet 2010, s’ouvre à N’Djamena le Sommet des chefs d’Etat de la Communauté des Etats Sahélo-Sahariens (Cen-Sad). Parmi les présidents invités, s’il y a bien un dont la présence fait couler beaucoup d’encre et de salive, c’est le Soudanais Omar El-Béchir, dont l’avion a atterri sur le tarmac de la capitale tchadienne hier mercredi aux environs de 16h30.
Et cela, pour deux principales raisons : le mandat d’arrêt international de la Cour pénale internationale (CPI) à l’encontre de Béchir et la normalisation en cours des relations entre les deux pays.
Il faut dire que l’heure n’est plus à la guerre par rebelles interposés entre le Tchad et le Soudan, qui a duré près de cinq ans, mais plutôt à un amour de raison caractérisé par un refus de part et d’autre de servir de refuge aux « maquisards » de l’Etat voisin.
La preuve de cette entente tacite en vue d’un rapprochement : quelques jours après le départ du sol soudanais du secrétaire général de l’Union des forces de résistance (UFR), Abakar Tollimi, ce sont deux autres chefs rebelles tchadiens (Timane Erdimi et Mahamat Nouri) qui ont été priés par Khartoum de faire leurs valises.
En mai 2010, c’est le leader du MJE et ennemi numéro 1 du Raïs (chef) soudanais qui était déclaré persona non grata par les autorités du Tchad où il était hébergé.
D’ailleurs, aux hommes de médias témoins de son arrivée, le chef de l’Etat soudanais a affirmé être venu à N’Djamena pour témoigner de la volonté partagée avec son homologue « de tourner la page après les différends qui ont opposé leurs deux pays ». « Nous sommes dans une nouvelle phase de l’histoire de nos deux pays, dans l’intérêt de nos deux peuples », a-t-il confié aux journalistes.
Un ennemi sage, c’est mieux qu’un ami imprudent, dit l’adage. C’est donc dire que c’est la raison qui prévaut désormais dans les relations entre les deux ennemis jurés d’hier. Chose venant compliquer la position du président tchadien Idriss Déby, qui va devoir recevoir son encombrant ami dans un contexte marqué par l’ajout aux chefs d’accusation d’Omar El-Béchir de celui de génocide.
La participation de ce dernier au Sommet de la Cen-Sad est d’autant plus délicate que c’est la première fois que l’homme fort de Khartoum se rend dans un pays reconnaissant la juridiction de la Cour.
Un dilemme pour N’Djamena donc, et encore plus pour Idriss Déby qui, comble du paradoxe, est de l’ethnie zaghawa, l’une des trois concernées par l’accusation de génocide qui pèse sur son homologue. C’est un peu, disons, comme accueillir l’assassin de vos parents, malgré le fait qu’il est poursuivi par la justice.
Force est de reconnaître, pour l’instant, que le Tchad semble cependant avoir déjà choisi son camp et qu’il n’a pas l’intention de se plier aux injonctions de La Haye. Le Raïs n’a rien à craindre de son voisin, comme l’a indiqué mercredi le chef de la diplomatie tchadienne, Moussa Faki Mahamat :
« Omar El-Béchir est invité à ce Sommet en tant que président d’un pays membre de la Cen-Sad et il n’a aucune inquiétude à se faire. » Il a ajouté que son pays reste attaché à la position de l’Union africaine qui a décidé de ne pas coopérer avec la CPI après l’émission, en mars 2009, du premier mandat contre le président soudanais pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité au Darfour.
C’est le tapis rouge qui est de mise pour cet hôte encombrant qui ne manque pas d’air, car il a, d’ores et déjà, exigé et obtenu comme condition de sa venue (en soi, un geste de défiance de la Cour) le départ des mirages français positionnés au Tchad dans le cadre de l’opération Epervier et déplacés pour son bon plaisir au Gabon.
Le premier à crier haro sur l’hospitalité tchadienne, c’est l’organisation Human Rights Watch (HRW), qui a invité le Tchad à refouler ou à arrêter Béchir au risque de recevoir une « distinction honteuse » de premier pays membre de la CPI « à héberger un criminel de guerre poursuivi par la Cour ».
Tenu d’exécuter le mandat d’arrêt international, le Tchad va-t-il respecter le traité qu’il a ratifié en 2007 ou va-t-il camper sur ses positions au nom « de la bonne relation retrouvée » avec le génocidaire voisin ? Livrer ou ne pas livrer Béchir, telle est la question. Seul l’avenir permettra d’y répondre.
Hyacinthe Sanou
par Hyacinthe Sanou - L'Observateur Paalga dans la catégorie Soudan
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