mardi 27 juillet 2010

RDC - Processus électoral. 2011 : des risques d’échec !

(La Prospérité 27/07/2010)
*Les Congolais de Montréal, de Québec et le BIEPD pensent déjà aux élections de 2011. Ils ont organisé une conférence-débat sur l’Etat de la démocratie et du développement au Congo-Kinshasa. C’était à Montréal, au Canada, le 24 juillet 2010. Parmi les intervenants, l’Honorable Kiakwama Kia Kiziki qui, à l’occasion, a ignoré d’effleurer des facteurs de succès mais s’est davantage appesanti sur les risques d’échec du processus électoral de 2011. Quels sont-ils ? S’est-il interrogé, avant de les énumérer. Il s’agit de contraintes de temps. En effet, pour les élections locales, le temps imparti est déjà dépassé. La révision des listes devrait, quant à elle, prendre 6 à 12 mois, ce qui laisse à peine assez de temps pour organiser les élections générales à la limite constitutionnelle de septembre 2011. Des contraintes physiques sont également à prendre en compte. Le gouvernement congolais ne pourra jamais, estime Gilbert Kiakwama, à lui tout seul déployer le matériel et les hommes à travers tout le pays. Or, constate-t-il, la Monuc devenue Monusco est tenue en suspicion et n’est pas associée à l’effort comme elle l’a été en 2006. Que dire de l’exactitude et de la transparence des listes électorales révisées ; la surveillance et la publicité des opérations de vote, de décompte et de publication des résultats ; la surveillance du contentieux électoral ; de la CENI qui tarde à être mise en place. Au Gouvernement de s’arrêter face à ce feu de signalisation, pour réellement se mettre au travail en vue de transformer ces risques d’échec en facteurs de succès pour un atterrissage en douceur en 2012. État de la démocratie et du développement en République démocratique du Congo Conférence-débat organisé par le Bureau d\'études pour la Paix et le développement (BIEPD), la Communauté congolaise de Montréal (COCOM) et l\'Association des Congolais de Québec (ACQ) Contribution de l\'honorable Kiakwama Kia Kiziki Montréal, le 24 juillet 2010 L\'Horable Gilbert KIAKWAMA Kia KIZIKI Chers amis, Permettez-moi d’abord de vous dire à quel point je suis heureux d’être parmi vous aujourd’hui, après une première occasion ratée. En effet je n’aime rien tant qu’un robuste débat et je remercie le bureau du BIEPD/ISBPD qui me donne l’opportunité de confronter mes analyses et mes espoirs aux vôtres. Chers amis, Il y à peine 5 décennies, moins qu’une vie d’homme, quelques fils de notre pays, nos aînés, les pères de notre Indépendance, mus par la soif de Justice et de Liberté, entreprenaient de prendre en mains les destinés de la Nation. Ils étaient forts de leur volonté de s’affranchir, ensemble, du carcan dans lequel l’ordre colonial les maintenait, animés par la tranquille confiance en leur capacité de mener leur peuple vers un avenir prospère. Malheureusement, presqu’aussitôt, leur optimisme s’est trouvé confronté à leur propre inexpérience, aggravée par l’égoïsme de certains d’entre eux. A peine la Nation congolaise célébrait-elle les espoirs de Liberté et de Justice qui s’annonçaient, que déjà les germes de la division et de l’exclusion la plongeaient dans la tourmente. Cinquante années de déclin s’en sont suivies. Le Congo n’a cessé de sombrer. Nous y vivons des réalités révoltantes : marasme socio-économique, violations graves des droits de l’homme et des principes fondamentaux de l’État de Droit, incertitudes quant à l’avenir, et j’en passe. Que d’élans interrompus, que d’espoirs suscités et amèrement déçus. La Nation congolaise n’a cessé d’aller de rupture en rupture, sans jamais capitaliser les efforts fournis, sans jamais tirer les leçons du passé et se réconcilier avec lui. Aujourd’hui la Nation se trouve rompue, pleine de méfiance, mais le génie congolais nous pousse à garder chevillé au corps l’espoir de lendemains meilleurs. Chers amis, Vous m’avez convié à un exercice difficile en me demandant de vous parler de l’État de la Démocratie et du Développement au Congo. Je suis un homme politique, pour moi ce thème comporte un double défi : il s’agit de poser un regard sans complaisance sur le présent, mais surtout, j’insiste là-dessus, le défi est d’identifier dans le présent les chances d’un avenir meilleur et de définir les voies réalistes pour y parvenir. Car en effet, une de mes maximes préférées est la suivante : « La Politique, c’est une action, pour un idéal, à travers les réalités ». Trois termes successifs : Idéal – Réalité – Action. Sans me lancer dans des définitions oiseuses, je vous entretiendrai tout au long de mon exposé de quelques principes qui guident mes analyses et mon action politiques. Démocratie et Développement – Etat de la situation Démocratie et Développement ne sont pas des états statiques. Des sortes de ports de relâche tranquilles qui, une fois atteints nous préserveraient de tout péril, nous dispenseraient de tout effort. Vous qui vivez dans ce pays dit développé, vous savez qu’on n’a jamais fini, ni de se développer, ni de se battre pour maintenir son rang. Démocratie et Développement sont donc des processus dialectiques, au cours desquels on passe d’équilibres instables en équilibres instables. L’essentiel est le mouvement vers l’avant et la capitalisation à chaque étape. Il faut continuer d’aller de l’avant et engranger un acquis à chaque étape, partir d’une position toujours plus forte. Dans cette optique, ne plus avancer, serait déjà reculer, car pendant ce temps, le monde, lui, change et évolue. Qu’en est-il de la Démocratie dans notre pays, et pourquoi est-elle nécessaire ? Nécessité de la Démocratie : Je suis un intégriste de l’instauration de la démocratie au Congo. La Démocratie comme pratique quotidienne, la Démocratie comme exigence, car au vu de l’histoire de notre pays, le système démocratique est le seul à mes yeux, qui permettent d’obtenir que les responsables, à tous les niveaux, soient comptables de leurs actes. Ceci a trois implications : 1. Les responsables doivent convaincre que les idées qu’ils veulent mettre en œuvre sont les mieux adaptées aux besoins de la population et au contexte de notre pays. J’ai été ministre des Finances dans les années 80, chargé de l’application des Programmes d’Ajustement Structurels du FMI et j’en ai tiré cette conclusion : vous ne pouvez pas avoir toujours raison, seul contre tout un peuple. Vous devez avoir un plan, pas seulement une vision à peine esquissée. Mais surtout, vous devez obtenir la participation du plus grand nombre. Car, vous pouvez vous tromper lourdement en n’ayant qu’une vision partielle des problèmes. De plus, une action sans adhésion suscitera des résistances qui vous mèneront à l’échec, tôt ou tard, car vous sèmerez sur le sable. En clair, rien de grand, rien de vrai, rien de beau ne se fera au Congo sans l’avis et l’adhésion de la majorité des Congolais, jour après jour. On ne gouverne pas de droit divin. 2. Les responsables doivent être contrôlés dans leur action au fur et à mesure. Dans un pays tel que le Congo, si grand, si difficile à gouverner après tant d’années de destruction, où la culture de la prédation, de l’irresponsabilité et de l’impunité est si ancrée, aucun pouvoir ne s’exercera durablement pour le bien, s’il n’est pas soumis incessamment à des contraintes et à des pressions de toutes parts. Les bonnes intentions ne font pas, seules, la bonne politique, surtout au Congo. 3. Les responsables doivent rendre compte de leur action à son terme. Ils doivent pouvoir être sanctionnés pour n’avoir pas accompli leur mission. Pour moi ce sont les deux faces d’une même médaille ; Responsabilité et Acomptabilité vont de pair. On ne gouverne pas impunément. Où en est-on aujourd’hui au Congo ? A la lumière de ce qui précède, il apparaît clairement que la Démocratie est affaire de Culture – c’est-à-dire, des schémas mentaux, du savoir, et des actions – des hommes qui sont chargés de la pratiquer au jour le jour, mais elle est aussi affaire de Structures – c’est-à-dire, des institutions et des règles – qui offrent l’opportunité à tous les acteurs, je dis bien tous, d’agir selon leur responsabilité. Les Structures – Institutions et Règles : Au mois de février 2008, dans un discours à l’UDPS que j’ai ensuite partiellement repris à la tribune de l’Assemblée Nationale lors des deuxièmes massacres du Bas-Congo, j’expliquais qu’il y avait à mon avis 5 institutions, 5 Piliers dont le bon fonctionnement conditionnait la vie démocratique de notre pays. Il s’agit : 1. Une Justice forte et indépendante, régulée par un Conseil Supérieur de la Magistrature digne de ce nom ; 2. Une Commission Nationale Electorale Indépendante, exempte de tout soupçon d’incompétence et de partialité ; 3. Un Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, garant de la libre expression de tous dans les médias, et de l’égal accès de tous les Congolais à une information contradictoire, libéré d’un Ministère de l’Information aux missions redéfinies ; 4. Un appareil sécuritaire (Armée, Police, Services de Renseignement) véritablement républicains, garant de la paix et de l’intégrité du territoire national et de ses habitants ; 5. Un Parlement fort, doté des moyens d’exercer pleinement ses missions de Contrôle et de Sanction de l’Exécutif, mais aussi de Législation. Où en sommes-nous sur ces fronts ? 1. La Justice ; le CSM a été mis en place, certes, mais il est pour le moment une coquille vide car il dispose de moyens insuffisants, et les schémas mentaux et les actions des hommes qui l’animent n’ont pas changés ; 2. La CENI tarde à être mise en place. Le Parlement en porte une bonne part de responsabilité car la loi instaurant la nouvelle commission électorale a fait l’objet de nombreux débats entre Majorité et Opposition, pour finir par être votée en des termes différents par les deux chambres. Ceci illustre à quel point il s’agit d’une institution sensible. Il n’en reste pas moins qu’à ce jour, les animateurs de la CENI ne sont pas désignés, et surtout ses moyens ne sont pas débloqués ; 3. La loi portant création du CSCA (Conseil Supérieur de la Communication et de l’Audiovisuelle) a été adoptée, mais n’a pas encore été promulguée ; 4. L’Appareil sécuritaire n’a pas encore fait l’objet de la moindre réforme, aucun moyen significatif n’a été dégagé pour lui permettre d’assurer ses missions, par conséquent, la formation et la culture qui règnent en son sein laissent toujours gravement à désirer ; 5. Le Parlement quant à lui dispose bien d’outils réglementaires de contrôle et de sanction de l’Exécutif, mais dans sa pratique quotidienne il refuse de les mettre en œuvre, il refuse de rationaliser son mode de fonctionnement pour accroître son efficacité, et enfin, il refuse de se doter d’outils et de moyens additionnels pour agir. Quant à sa mission de législation, la vérité est que, même si un travail appréciable a été abattu, le manque de capacités d’étude et de recherche approfondies à la disposition des législateurs obère la qualité de notre travail. Voilà pour les 5 piliers de la Démocratie, les structures. Mais je disais par ailleurs que la Démocratie est affaire de culture et d’hommes. Ces derniers appartiennent, soit à la majorité gouvernementale (pléthorique), soit à l’opposition. Qu’en est-il ? Les Hommes et leur Culture De la Majorité parlementaire et de son émanation, le Gouvernement : Au-delà de sa structuration et de son organisation, qui ne correspondent pas aux défis actuels posés par la démocratisation et surtout le développement de notre pays, notre gouvernement est affligé d’une tare congénitale et rédhibitoire ; il pense être de droit divin, et agit comme tel. Ceux qui nous gouvernent pensent tout savoir mieux que personne. Ils ont tout compris, font tout à la perfection et refuse donc toute critique, tout débat contradictoire public, tout contrôle, toute remise en question. Le Gouvernement et sa majorité au Parlement développent une mentalité de forteresse assiégée qui induit une crispation des rapports politiques, néfastes à la construction d’une démocratie apaisée. A mon sens, l’instauration des 5 piliers de la Démocratie dont je ne cesse de parler devrait faire l’objet d’un consensus minimum, mobilisateur de toutes les énergies, car ils sont des conditions nécessaires à la Démocratie et au Développement, mais certainement pas suffisantes. De l’Opposition : Elle aussi souffre d’une tare congénitale qui met en péril l’avenir même de notre pays car jamais le cadre du combat démocratique n’est posé correctement : notre opposition se dit d’abord « Opposition à Quelqu’un » avant de se définir comme « Opposition Pour Quelque chose ». Si notre opposition se définissait « Pour Quelque chose », elle se battrait alors pour des valeurs inspirants des réformes, des mesures concrètes, et non pas simplement pour que son champion arrive au pouvoir, avec obligation à tous de le soutenir, contre promesse hypothétique de récompense – pécuniaire ou autre. Entendons-nous bien. Je suis démocrate-chrétien et je me bats pour le respect des valeurs de Vérité et de Justice, de Liberté et de Responsabilité dans le souci de l’épanouissement de chaque Personne humaine. Je suis aussi assez réaliste et pragmatique pour savoir que les valeurs et les idéaux s’incarnent dans les hommes. Ce n’est pas à un chrétien que l’on doit apprendre l’importance du Signe et du Symbole. Mais je suis un chrétien engagé en politique. En tant qu’homme politique je dois m’assurer que l’Espérance à laquelle je me rallie est porteuse de fruits. Autour de quoi nous rassemblons- nous, pour quel changement, mis en œuvre de quelle manière, avec quelles garanties de bonne fin ? Voilà les questions que je pose. Voilà les questions que chaque Congolais doit poser à tout politicien qui sollicite son suffrage. A tous les Congolais sympathisants de l’opposition je dis : « Si le seul programme de l’Opposition est : qu’il s’en aille, et que le notre le remplace, tout ira mieux ! », alors nous ne bâtirons pas le Congo. Nous avons mis cette logique en œuvre en 1960 à l’indépendance, en 1965 à l’avènement de Mobutu, en 1997 à son départ, en 2001 à la mort de Laurent Kabila … sans résultat probant. A la CDC nous abordons la question de la manière suivante ; quel est l’objectif, comment y parvenir, quel sera l’apport de chacun, quelle est la meilleure personne pour incarner le combat et susciter le soutien ? Inverser la logique reviendrait à instaurer un parti unique façon 2ème République, dans lequel les courants étaient soi-disant reconnus. La géographie du Congo nous oblige à apprendre la mise en œuvre de Coalitions politiques, faites de l’apport de différentes composantes dont l’identité propre serait reconnue et respectée, et les éléments essentiels du programme pris en compte. Ainsi donc, en conclusion sur l’état de la Démocratie dans notre cher pays, je voudrais revenir sur une phrase citée en liminaire : Ne plus avancer, c’est reculer. La vérité est que sur le front de la Démocratie au Congo, nous n’avons pas avancé ces deux dernières années. 1. Les piliers, les Structures de base, ne sont pas toutes mises en place, Mais surtout, plus grave, 2. Les Schémas mentaux des acteurs de la Démocratie congolaise n’ont pas changé, loin de là. Les murs sont dans nos têtes, Chers amis, et les lignes n’ont pas bougé … ou si peu. Il existe une dangereuse dichotomie entre le discours et la pratique politique dans notre pays. Beaucoup disent que la démocratisation est un processus, qu’elle prend du temps, … On nous enjoint à la patience. A tous je ne cesse de dire que la démocratie, et son apprentissage, sont affaires de pratique quotidienne. A cela j’ajoute que l’expérience du Congo indique clairement que sans exigence, sans pression de tous les jours, sans demande permanente de résultats, les meilleures volontés s’émoussent, les plus grands efforts se relâchent. Le combat de la Démocratie doit être un combat de tous les instants et, paraphrasant Eluard je dirais que la Démocratie n’existe pas, il ne peut en exister que des preuves. Qu’en est-il du Développement socio-économique du Congo Tous nous connaissons l’état de déliquescence socio-économique de notre pays 50 ans après son indépendance. Dans le cadre des Grandes Conférences du Cinquantenaire j’ai été appelé à faire une communication sur « La Mobilisation des Ressources financières pour le Développement ». De même, lors du débat sur l’investiture du premier gouvernement de la Législature, en même temps que je critiquais, je me suis astreint à proposer les axes prioritaires d’un véritable programme de gouvernement. Ce sont des interventions relativement techniques que je vais vous faire distribuer pendant que je m’appesantis sur ce que je considère être les composantes essentielles de toute politique de développement pour notre pays : La définition d’un programme réaliste et La bonne gouvernance, manifestation de la volonté politique de développement. Il serait irresponsable de prétendre que le Congo peut se développer comme par un coup de baguette magique. Ce qui me semble primordial, vital, est d’engager notre pays dans un cercle vertueux pour le Développement. De ce point de vue il faut reconnaître que l’obtention par la RDC d’une réduction substantielle de sa dette extérieure est une excellente chose. C’est un bon point de départ. Je reste persuadé qu’en vérité nous ne la méritions pas, mais je me réjouis, pour le peuple congolais, que nous ayons passé cette étape. Ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui, et ceux qui y seront demain, ne pourront plus invoquer la dette odieuse pour justifier leurs échecs. Je l’ai dit en introduction, le Développement est un processus dynamique, et de long terme. Le défi des gouvernants congolais est de créer le cadre qui permettra de libérer l’énergie entrepreneuriale des Congolais, leur permettra d’exprimer leur créativité, et assurera la pérennité des millions d’efforts individuels consentis chaque jour par nos compatriotes. Tout ceci suppose d’abord la définition d’un programme réaliste et adapté : J’entends par programme, des axes d’actions prioritaires et structurants qui rendront tout le reste possible. Je ne considère pas par exemple que les 5 chantiers dont nous entendons tous tant parler, constituent un programme pour le développement. Ils sont au mieux une vision du développement, à peine adaptée à une campagne électorale. Ils n’expliquent en rien la succession des actions que nous devons entreprendre, ni les réformes que nous devons mettre en œuvre pour nous engager vers le développement et voir l’initiative privée prendre sa juste place. Or je pense profondément qu’aucune réforme d’aucune sorte, aucune action durable pour le développement ne sera possible dans notre pays sans une moralisation et un assainissement drastiques de l’Etat, de sa gestion, et de son outil privilégié, l’Administration. Ces différents aspects sont réunis sous le vocable, un peu passe-partout aujourd’hui, de Bonne Gouvernance, c’est-à-dire une gestion saine et honnête par un Etat humble et réaliste, via une administration moderne, avec des procédures et des moyens publics et transparents. Aujourd’hui, l’opacité et l’arbitraire règnent dans la gestion de l’Etat congolais. Au prix de pressions incessantes des bailleurs de fond étrangers, des réformes sans âmes sont adoptées par des gouvernants sans convictions et les outils techniques instaurés sont immédiatement vidés de leur substance pour permettre la continuation des pratiques prédatrices de la 2ème République. Je cite simplement quelques cas pour illustrer mon propos : - Les Contrats chinois et leur négociation à la fois secrète et défavorable, - Le Code minier et son application erratique et incomplète, - La Convention pétrolière Congo-Angola, mal négociée et jamais appliquée à ce jour, - La question du pont Brazza-Kinshasa et le manque évident de pensée stratégique sur la nécessité vitale d’un port en eaux profondes congolais, au nom d’une prétendue Intégration africaine, - L’attractivité perdue du potentiel d’Inga du fait du manque de transparence et de l’arbitraire des procédures bureaucratiques, - Les principes d’ordonnancement des dépenses publiques opaques et laxistes malgré les outils et les procédures informatisés, - La fiscalité et le Code douanier kafkaïens, principalement focalisés sur le capital, et destinés à amener l’entrepreneur à transiger, à frauder, ou à se réfugier dans l’informel. (…) et j’en passe. Au-delà de toutes les instances techniques à créer, au-delà de toutes les réformes à adopter, trois conditions sont à mon avis indispensables pour initier le développement de notre pays : 1. Une politique économique qui intègre pleinement la Décentralisation ; il faut cesser de voir les Provinces comme des concurrentes pour l’accès aux maigres ressources existantes, mais plutôt les promouvoir comme les partenaires essentielles à la mise en place des conditions propices à la création des richesses futures. Les Provinces doivent être des Pôles d’excellence, des Pôles de Production, des Pôles de développement. Après tout, lorsque les Belges sont arrivés, ils y ont trouvé encore moins que ce qu’il y a aujourd’hui. 2. La modestie et le réalisme de l’Etat dans la définition de ses capacités d’actions propres. L’Etat démocratique moderne doit savoir dégager clairement ses priorités sur base des données réelles, se concentrer sur ses métiers essentiels, et conclure des partenariats ambitieux mais responsables. Les partenaires sociaux sont là, dont les entreprises privées locales et étrangères, qui chacune peuvent contribuer au projet dans une part justement définie. 3. L’acomptabilité et une volonté politique sans faille. L’acomptabilité est un néologisme forgé de l’Anglais pour dire la nécessité pour tout responsable d’obtenir des résultats et de rendre compte. Quant à la volonté politique sans faille, je crois que ça se passe de commentaires. Qu’en est-il de l’organisation et de la tenue des élections au Congo très démocratique ? L’avant-veille de mon départ, dans une interview télévisée, l’Abbé Malu-Malu annonçait que le gouvernement congolais et ses partenaires ont conclu un accord sur le financement des élections. L’enveloppe est de 700 millions de dollars américains, financée pour 400 millions par le Congo (on se demande comment) et pour 300 millions par la Communauté internationale. L’Abbé Malu-Malu ajoutait que cet accord permettrait l’organisation des élections en 2011 et 2012. En clair, élections générales et 2011, en principe au plus tard en septembre, et élections locales en 2012, au 1er trimestre j’imagine. Votre Bureau m’a demandé de parler des facteurs de succès et des risques d’échec du processus électoral. A ce stade je vois surtout des risques d’échec. Quels sont-ils, brièvement ? 1. Les contraintes de temps ; pour les élections locales le temps imparti est déjà dépassé. La révision des listes n’a pas eu lieu à ce jour, or elle devrait prendre 6 à 12 mois, ce qui laisse à peine assez de temps pour organiser les élections générales à la limite constitutionnelle de septembre 2011. 2. Les contraintes physiques ; le gouvernement congolais ne pourra jamais à lui tout seul déployer le matériel et les hommes à travers tout le pays. Or la Monuc devenue Monusco est tenue en suspicion et n’est pas associée à l’effort comme elle l’a été en 2006. Vive le Nationalisme !! 3. L’exactitude et la transparence des listes électorales révisées ; les partis politiques et la Société civile ne disposent pas des capacités de surveiller la révision des listes électorales dans toute la République, faute d’avoir assez de militants formés, et vu le manque à gagner que représente le temps consacré à cette surveillance. Or si déjà le corps électoral n’est pas connu de tous … 4. La surveillance et la publicité des opérations de vote, de décompte et de publication des résultats ; en 2006, les témoins électoraux étaient défrayés en moyenne à 20 dollars par personne. Prenons trois témoins par bureau de vote, sur 40.000 bureaux. Total 2.400.000,- USD. Même s’il s’agissait de militants bénévoles, il faudrait au moins les acheminer au bureau de vote et leur permettre de se restaurer. Lors de mon élection, mes témoins étaient défrayés 10,- USD. Cela donnerait 1.200.000,- USD pour toute la République. Où les trouver, qui les gérerait ? 5. La surveillance du contentieux électoral ; lors des dernières élections, une corruption à grande échelle s’est manifestée à cette étape, tant au sein de la CEI que dans la magistrature. De quelles parades disposons-nous ? Voilà des problématiques concrètes pour l’opposition ; la formation des témoins électoraux et leur mise en commun, car la transparence et la publicité de toutes les opérations électorales sont primordiales. Cela suppose beaucoup de travail, beaucoup d’éthique dans le chef des témoins, et quelques moyens. Nous n’en disposons pas à ce jour et peu de gens nous font confiance. Sans cela au minimum, nous ne bâtirons pas la Démocratie au Congo, 2011 sera un échec. La dernière question qui m’est posée concerne la diaspora congolaise. Comment la mobiliser et comment l’impliquer dans le développement de la RDC ? Mettons-nous d’accord. Beaucoup parmi vous se délectent de ma franchise au Parlement, et dans les médias, face aux gouvernants de la RDC et à mes collègues politiques. On me reproche même de ne pas être plus dur. Souffrez donc que j’applique la même médecine aux membres de la Diaspora. D’abord je note que la moitié à peu près des dirigeants de la RDC est issue de la Diaspora. Et avant cela, ceux de l’AFDL et des rébellions. Il est important de le noter, pas pour stigmatiser et se dédouaner, mais pour souligner le fait que la diaspora est diverse, les motivations de l’émigration de ses membres sont nombreuses et différentes, les niveaux de formation, au départ et à l’arrivée aussi, et de ce fait enfin, le regard sur le Congo et les motivations quant à la participation à son développement. Pour ma part je vois dans tout membre de la diaspora, quel qu’il soit, trois choses potentielles : 1. Le noyau de l’Opinion publique congolaise, capable d’exercer des pressions, non seulement sur les dirigeants congolais, mais aussi sur les partenaires du Congo et sur les compatriotes au pays. 2. Un expert dans son domaine. C’est-à-dire quelqu’un qui sait et peut transmettre, rompu aux méthodes modernes, doté de professionnalisme, et surtout d’éthique citoyenne. 3. Un entrepreneur au Congo, ou à tout le moins, un contributeur à l’entreprenariat au Congo. Je pense cependant que pour que ce potentiel devant moi puisse se réaliser dans l’une des trois formes que j’envisage, il faut en appeler à John Kennedy : Ask not what your country can do for you, ask yourself what you can do for your country. Chers amis de la diaspora vous ne pourrez pas contribuer pleinement au développement du Congo si vous ne remplissez pas les exigences suivantes : 1. Connaissez la réalité du Congo. Sa réalité chiffrée – vous avez plus facilement accès aux sources documentaires pour cela -, mais aussi sa réalité humaine. 2. Ne vous croyez pas sortis de la cuisse de Jupiter. Souvenez-vous que vous avez aussi réussi dans vos pays d’accueil parce que le cadre était porteur, au-delà de vos qualités propres. 3. Ne vous croyez pas tous destinés à être ministres. Vous le pouvez, bien entendu, mais ce n’est pas la seule voie possible. D’ailleurs vous ne l’êtes pas ici, et vous n’en êtes pas moins heureux. 4. Tournez vos regards vers l’intérieur du Congo, quel que soit votre projet. Parlant du pays et de ses partis politiques, j’aimerais entendre les membres de la diaspora répondre à deux questions que je ne cesse de poser à nos compatriotes au Pays. S’agissant des partis politiques et des hommes qui les animent ; Qu’attendez-vous concrètement d’un parti politique, en terme d’organisation, en terme de proposition ? S’agissant du pays, pour vous y investir ; Qu’attendez-vous concrètement en terme de cadre institutionnel et réglementaire (je pense notamment à la politique fiscale et douanière), dans quels domaines d’intérêt pour vous, quel est la profondeur d’investissement pour vous (vous pouvez souhaiter être sur place, être propriétaire d’une entreprise gérée par un délégué, etre actionnaire d’une entreprise, être contributeur à une mutuelle de santé, d’assurance-maladie, ou d’assurance scolaire). Dans ma Conférence du Cinquantenaire sur le Développement, j’aborde la question de la contribution de la diaspora, notamment via une Banque de l’Habitat. Je crois indispensable de canaliser l’apport de toute la diaspora congolaise à travers le monde. Diable, les estimations basses sont de 2 millions de Congolais à l’étranger, formés pour la plupart, dynamiques. Je souhaite ardemment que notre pays offre à tous ces compatriotes le cadre pour qu’ils s’y réinvestissent, d’une manière ou d’une autre. Je pense que la possibilité d’obtenir la double nationalité ainsi que celles de participer aux élections seraient un bon début. Malheureusement, l’histoire récente de notre pays et la sensibilité sur l’appartenance des populations frontalières à la nation congolaise rendent ces deux questions très difficiles à résoudre. Ce sont des problèmes d’importance, auquel seul le temps et la sagesse nous permettront d’apporter des solutions satisfaisantes. Voilà donc mes chers amis et compatriotes, mes contributions au débat qui nous réunit aujourd’hui, et pour longtemps encore j’espère, sur le Démocratie et le Développement en République démocratique du Congo. Après avoir pu si longtemps vous dire ce que je pense, il est temps pour moi d’entendre vos réactions et vos suggestions. Je forme le vœu cependant qu’au-delà des débats et des échanges, nous pourrons enfin commencer à agir et apporter très concrètement l’espoir à notre peuple. Un autre américain que nous connaissons tous, Barak Obama a parlé pendant sa campagne électorale de l’impérieuse urgence d’agir maintenant. Suivons l’exemple. Je vous remercie, Honorable Kiakwama Kia Kiziki

La Pros.
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