(Afriscoop 24/07/2010)
(AfriSCOOP Analyse) — Les faits et gestes des politiques togolais sont relégués au second plan dans l’actualité de leur pays depuis la décision gouvernementale qui a « suspendu provisoirement le 09 juillet dernier les activités du ReDeMaRe (Réseau de développement de la masse sans ressources) ». Depuis ce 09 juillet 2010, beaucoup sont les membres de l’intelligentsia togolaise ou de responsables de premier plan qui dénoncent le laxisme de l’Etat du Togo devant l’ampleur des activités du ReDeMaRe, et surtout le quotidien misérable du Togolais moyen qui a servi de terreau à l’enrôlement d’un grand nombre d’adhérents par ce Réseau.
ReDeMaRe ne se « réduit pas à une structure de microfinance », rappelait son Pdg, le sieur Sama Essohamlon dans un reportage de « Tvt » (Télévision nationale du Togo) quelque semaines avant la « suspension provisoire » de son Réseau. Pourtant, c’est la mutation de l’objet de l’autorisation délivrée par le ministère togolais du Commerce au ReDeMaRe (pour « exercer des activités de distribution des produits de consommation et prestations diverses ») qui a motivé la « suspension provisoire » de la structure de Sama Essohamlon. L’argumentation gouvernementale était toute simple : « Au lieu des activités de distribution des produits de consommation et prestations diverses, ReDeMaRe exerçait des activités financières, notamment de microfinance qui nécessitent l’obtention d’un agrément préalable du ministre chargé des Finances » ! Une somme d’inexactitudes qui n’est pas du goût de l’intelligentsia togolaise.
Pauvreté des Togolais = succès du ReDeMaRe
« Les produits que proposent ReDeMaRe sortent de l’ordinaire ; cela est invraisemblable ! Il n’y a pas de placements au Togo, dans une caisse d’épargne ou une banque, qui peuvent vous rapporter autant d’intérêts comme le propose ReDeMaRe (…) En France, ces taux s’élèvent à 1,5% ; au Japon, ils sont de 0,5%. Même quand vous investissez sainement, il faut attendre un moment (une année) avant de commencer à toucher des intérêts », fait remarquer Blaise Amoussou-Kpeto, expert togolais en Banque-Finances. En insistant sur le côté mirobolant des services offerts par la structure de Sama Essohamlon, Aglamey-Pap (secrétaire général du Groupe des syndicats autonomes du Togo) schématise : « 212% d’intérêt gagné contre 285% payé à l’adhérent : ainsi se présente le fonctionnement du ReDeMare ». Et M. Aglamey-Pap d’ajouter au passage : « Les Kabyèphones doivent se sentir interpellés par la signification profonde du nom du promoteur de ce Réseau. Essohamlon, pour ceux qui ne le savent pas, signifie “Dieu m’a donné l’intelligence et la ruse”. Cela peut peut-être tout dire » ! « Le succès de ces genres de réseaux est dû à l’affluence vers eux de nouveaux adhérents de bouche à oreille. Nous courons un risque systémique d’implosion économique (…) Figurez-vous que les 100 milliards de fcfa en jeu dans le scandale d’Icc-Services au Bénin représentent 1/7ème du crédit de toutes les Banques en terre béninoise », avertit M. Amoussou-Kpeto. Et d’élargir ses explications du succès du ReDeMare au contexte socio-économique du Togo : « C’est aussi parce que les banques locales ont été défaillantes dans la diversification de l’épargne proposée à leurs éventuels clients que les Togolais se montrent hyper attirés par des structures comme ReDeMare (…) Cette donne illustre tout simplement le désarroi dans lequel vit le Togolais lambda. Il est temps que l’Etat offre d’autres opportunités aux Togolais. Il faut également que le ministère des Finances du Togo et la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest, antenne du Togo, à travers sa commission bancaire, cherchent à connaître les fins auxquelles est destiné l’argent collecté auprès des adhérents du ReDeMare ».
Aimé Gogué, président de l’Addi (Alliance des démocrates pour le développement intégral) et professeur d’économie à l’Université de Lomé aborde de son côté l’« affaire ReDeMaRe » sous l’angle socio-politique, et sans détours : « C’est l’Etat togolais lui-même qui a balisé le terrain à la survenance de l’affaire ReDeMare, allusion à la paupérisation qui sévit au Togo ». Même son de cloche auprès de Jean-Pierre Fabre, secrétaire général de l’Ufc, et également ancien professeur d’économie : « C’est plutôt le Rpt (parti au pouvoir) qui a enseigné la culture du gain facile au peuple ; c’est le pouvoir en place qui a délivré l’agrément au ReDeMaRe ; il doit donc répondre des mauvais actes posés par ce Réseau, c’est-à-dire mener des investigations autour des tenants et les aboutissants des activités du ReDeMaRe ». Avant sa « suspension provisoire », la structure de Sama Essohamlon version microfinance offrait à ses adhérents des intérêts en nature ou numéraires contre le versement de frais d’adhésion s’élevant à 50.000 fcfa et d’un capital bloqué à vie de 420.000 fcfa.
samedi 24 juillet 2010 par Edem GADEGBEKU, © AfriSCOOP
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