(Le Pays 26/07/2010)
Guillaume Soro, le Premier ministre ivoirien, a désigné Ousmane Koné, ministre ivoirien de la Justice, pour assurer l’intérim de son poste de secrétaire général des Forces nouvelles.
Officiellement, cette décision s’inscrit dans la volonté du Premier ministre ivoirien de pouvoir mieux se consacrer au processus électoral en vue de parvenir à une élection présidentielle le plus vite possible. Mais cette décision, pour autant qu’elle soit, est tout de même quelque peu surprenante. Il n’ y a aucun doute que Soro doit son poste de Premier ministre à son statut de chef des rebelles rebaptisé "Forces nouvelles". C’est dire qu’il doit beaucoup de ce qu’il est aujourd’hui à ce poste. Cette réalité suscite inexorablement des questionnements.
Il est clair que la gestion de ces Forces nouvelles est intimement liée à l’ensemble du processus de sortie de crise en Côte d’Ivoire, qui devrait être couronné par la tenue d’une élection présidentielle démocratique dans tous les sens du terme. On s’interroge donc sur la capacité de Soro à influencer son camp s’il n’en détient plus vraiment les rênes. On se souvient que l’homme a certes toujours dit être en phase avec sa base. Mais on sait également que Soro semble s’être coupé de cette base, ou du moins, semble y avoir un peu fragilisé sa voix depuis qu’il a accepté ce poste de Premier ministre au sortir des négociations de Ouagadougou.
Cette décision serait plus compréhensible si la date de l’élection était clairement fixée et que la durée de cet intérim était de façon subséquente, clairement déterminée. On peut peut-être comprendre la volonté du chef du gouvernement ivoirien de se placer au-dessus de la mêlée, mais la position dans laquelle il se met semble tout de même curieuse au regard du contexte dans lequel il se trouve. Il est évident que son poste de Premier ministre n’est pas neutre parce que représentant une des parties à l’Accord politique de Ouagadougou. Cumulant ce poste avec celui de patron des Forces nouvelles, il tenait en main les leviers nécessaires pour conduire les choses.
A-t-il la certitude de toujours disposer, en agissant de la sorte, du poids et de la poigne nécessaires pour influencer réellement, raisonner le cas échéant, ses troupes en cas de désaccord dans la conduite du processus ? Rien n’est moins sûr. Alors, on se demande quelles sont les vraies motivations de Soro. Et les explications officielles ne convainquent pas d’aucuns qui estiment que cet intérim est pour lui une ruse pour s’éloigner des Forces nouvelles avec qui il ne serait plus en odeur de sainteté. Si cette hypothèse se confirme, cette décision l’isolerait et le mettrait quasiment à la solde du président Gbagbo. Il jouerait ainsi à un jeu de poker avec son avenir tant il est vrai qu’en politique, on ne pèse que si on a une base solide. En tous les cas, il a dû sûrement peser et soupeser à maintes reprises la décision avant de la prendre et l’avenir nous en dira davantage.
Reste à espérer que cela ne vienne pas impacter négativement la sortie de crise et que l’on se hâte maintenant d’aller à cette élection dont la silhouette sans cesse évanescente a fini par prendre des allures de spectre qui hante les rêves de tous ceux qui aiment la démocratie et ce pays pris en otage par certains de ses fils.
Relwendé Auguste SAWADOGO
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