vendredi 23 juillet 2010

CHINE-NIGERIA: Une nouvelle raffinerie prévue pour la Zone franche de Lagos

(IPS 23/07/2010)
LAGOS - Le Nigeria est un pays où davantage de contrats sont annoncés sans être jamais achevés. Mais le mois de juillet a connu des progrès vers la construction de l'une des trois nouvelles raffineries nigérianes qui ont fait l'objet d'un protocole d'accord entre les gouvernements du Nigeria et de Chine au début de l'année.
Le mémorandum signé en mai prévoyait la construction de trois raffineries pour un coût total de 25 milliards de dollars. Se confiant à IPS en juin, le professeur de développement à 'American University', Deborah Brautigam, a dit qu’elle doutait que l’accord soit jamais conclu.
"Je pense que ce sera très intéressant qu’une banque chinoise finance un projet d’environ 20 milliards de dollars au Nigeria parce que, oui, le Nigeria est beaucoup plus stable que la République démocratique du Congo [où la Chine a également investi massivement], mais les projets en RDC sont beaucoup plus petits".
Brautigam a déclaré à IPS que le besoin pour les raffineries est clair, mais les obstacles à l'accord sont politiques. "Peu de gens au sommet bénéficient du fait d’avoir un certain contrôle sur les produits pétroliers importés, et ils ne veulent pas que les choses changent. C'est donc un défi pour ce marché d'être conclu".
Mais elle a aussi suggéré que la démarche la plus sage serait de parvenir à un modèle de financement pratique et à un partenariat pour une seule raffinerie d’abord.
Les différents acteurs semblent être en train de penser dans le même sens.
Sans surprise, c'est à Lagos, la capitale économique très animée du pays, que les détails concrets du financement d’un partenariat public-privé pour construire une raffinerie, ont émergé.
Le projet doit être co-financé par un consortium chinois appelé 'Chinese State Construction Engineering Corporation' (Entreprise publique chinoise de construction), qui assurera 80 pour cent du capital, et la Société nationale des produits pétroliers du Nigeria (NNPC) fournira le reste.
Le gouvernement de l'Etat de Lagos fournira l'infrastructure nécessaire, notamment le terrain, de nouvelles routes et un approvisionnement adéquat en électricité.
Cette raffinerie de huit milliards de dollars sera située dans la Zone franche de Lekki (LFTZ), dans le sud-est de l’Etat, et le directeur exécutif de la NNPC, chargé de l'ingénierie et la technologie, Billy Agha, a félicité le gouverneur de l'Etat de Lagos, Babatunde Fashola, pour avoir introduit un projet pétrolier et gazier dans la LFTZ.
"Pour sa part, la NNPC appuiera la LFTZ par une assistance dans les arrangements pour la fourniture de gaz naturel à la zone en vue de la fabrication de produits pétrochimiques, des engrais et autres produits industriels tant désirés", a expliqué Agha.
Il a dit que le projet permettrait de créer environ 2.000 postes qualifiés et des travaux de construction pour 5.000 travailleurs supplémentaires.
Babatunde Ogun, président de l’Association du personnel supérieur des industries de pétrole et du gaz naturel du Nigeria (PENGASSAN), qui représente les travailleurs qualifiés dans l'industrie pétrolière du Nigeria, s'est félicité de cette coentreprise.
"C'est ce que nous demandons; avoir des raffineries gérées par le secteur privé. Ce gouvernement est sur la bonne voie en invitant le consortium chinois à construire et gérer des raffineries", a confié Ogun à IPS à Lagos.
Il a accusé l'ingérence du gouvernement dans la gestion des installations existantes, d’être à l’origine des problèmes que le pays connaît actuellement en matière d’approvisionnement en produits pétroliers raffinés.
Bien qu’il figure parmi les dix premiers producteurs de pétrole brut au monde, le Nigeria importe 85 pour cent du carburant utilisé dans le pays. Selon la NNPC, le Nigeria dépense 10 milliards de dollars par an sur l'importation de produits raffinés.
Ogun a conseillé aux investisseurs chinois qui gèreront les raffineries d'assurer des salaires équitables et de bonnes relations entre le patronat et les travailleurs lorsque le projet démarrera.
"Nous leur envoyons un signal selon lequel le Nigeria est un Etat qui respecte le travail et ils doivent donc garantir des salaires équitables et de bonnes relations entre le patronat et les travailleurs dans les raffineries. Ils doivent savoir que nous travaillons selon les normes de l'Organisation internationale du travail".
Le marché porte la marque de ce que Brautigam décrit comme des prêts assurés par des ressources de l'Afrique auprès de la Chine pour la construction des infrastructures. Le consortium chinois trouvera la majeure partie du financement pour un projet qu'il réalisera et exploitera ensuite en tant que partenaire majoritaire, assurant ainsi à la fois le contrat de construction et une source de revenu raisonnablement sûre pour recouvrer le prêt.
"Des marchés de ce genre ont été conclus à travers le continent", affirme Brautigam. "Ce n'est pas de l'altruisme, ce n'est pas l'aide étrangère: il s'agit d'affaires, mais en regardant l'Afrique d'une manière différente".
ENCADRE: Le protocole d'accord signé en mai entre la NNPC et un consortium chinois obligeait les parties à rechercher ensemble les financements pour la construction de trois nouvelles raffineries et d’une usine pétrochimique.
Ces raffineries, d'une capacité totale de 885.000 barils par jour, devraient coûter 25 milliards de dollars. Elles sont prévues pour Lagos, pour l'Etat central de Kogi, et à Bayelsa, dans le Delta du Niger, producteur de pétrole.
La 'Chinese State Construction Engineering Corporation', la sixième plus grande firme d'ingénierie dans le monde, a également promis d’aider à obtenir le financement à des conditions compétitives, à assurer que les investisseurs chinois agréés détiennent au moins 25 pour cent du capital propre dans le projet.
Une fois achevée, la raffinerie de Lagos devrait produire 300.000 barils de pétrole brut par jour.
"Elle produira également 500.000 tonnes métriques de gaz de pétrole liquéfié (GPL) par an qui, lorsqu’il est bien exploité, permettrait aux ménages de passer du bois de chauffage, du charbon de bois et du pétrole lampant au GPL à Lagos et ses environs.
"Avec le gouvernement de l'Etat de Lagos comme co-investisseur, la raffinerie de Lekki, avec d'autres raffineries, permettra au Nigeria d'éliminer totalement le flot actuel de produits pétroliers importés au cours de la prochaine décennie", a indiqué Agha, le responsable de la NNPC.

*Davison Makanga au Cap a contribué à ce reportage. (FIN/2010)
Toluwa Olusegun*
22 juil (IPS)
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