mercredi 15 juin 2011

Tunisie - Ben Ali encourt la peine de mort

(Paris-Match 15/06/2011)

L’ex-président tunisien Zine el Abidine ben Ali comparaîtra dès lundi prochain pour deux des 93 chefs d’accusations pour lesquels il est poursuivi. L’homme de 74 ans sera jugé par contumace par des tribunaux militaire et civil. Il encourt de 5 ans de prison à la peine de mort.
Quatre-vingt treize chefs d’accusation. Cinq ans de prison à la peine capitale. Voici ce à quoi fera face l’ancien président tunisien Zine el Abidine ben Ali, le 20 juin prochain, devant la chambre criminelle du Tribunal de Première instance de Tunis. Le Premier ministre de transition, Béji Caïd Essebsi l’a annoncé mardi: l’ancien raïs, qui s'est enfui le 14 janvier en Arabie saoudite sous la pression de la rue, sera jugé par contumace, «par des tribunaux militaire et civil», a-t-il précisé lors d'une interview accordée à Al Jazeera. Les autorités provisoires tunisiennes ont instruit plusieurs dossiers juridiques contre Ben Ali et son entourage, accusés, en vrac, d’homicide volontaire, d’abus de pouvoir, de complot contre la sécurité de l’Etat, de malversation financière, de blanchiment d’argent, ou encore de violation de la réglementation sur les marchés publics et de trafic de pièces archéologiques… Lundi prochain, seuls deux volets de l’affaire seront concernés: accaparement de fonds publics et vol de biens, rapporte Jeune Afrique, pour lesquels il encourt cinq à 20 ans d’emprisonnement. Il devra en l’occurrence s’expliquer, avec sa femme Leïla Trabelsi, sur les bijoux et les 27 millions de dollars retrouvés en cash dans ses palais présidentiels (notamment ceux de Sidi Dhrif et de Sidi Bou Said) mais aussi, dans un deuxième temps, sur les armes et les drogues –notamment deux kilos de cannabis-, a précisé une source à la chaîne de télévision. Pour certaines accusations, il encourt la peine de mort.
Caïd Essebsi confirmait ainsi la décision annoncée le 3 juin par le ministère tunisien de la Justice, de juger «dans les jours ou les semaines à venir» l’ancien chef d’État. Les autorités saoudiennes n'ont en revanche pas encore répondu à la demande d'extradition de l’ex-couple dirigeant, que la Tunisie cherche à obtenir depuis cinq mois. Un mandat d’arrêt international avait été lancé contre lui le 26 janvier dernier. Alors que l’on a un temps dit Ben Ali mourant, après un accident vasculaire cérébral (AVC) mi-février, l’homme fort du pays pendant plus de 23 ans est sorti de son silence, la semaine dernière, par l’intermédiaire de son avocat Me Jean-Yves Borgne. «Lassé (du) rôle de bouc émissaire reposant sur le mensonge et l’injustice», son client dénonce, dans un communiqué, «les perquisitions effectuées dans ses bureaux officiels et personnels», qui ne sont, à ses yeux, «que des mises en scène destinées à le discréditer». «Le procès que la Tunisie instruit à son encontre n’est qu’une mascarade dont le seul sens est d’illustrer une rupture symbolique avec le passé», ajoute-t-il, assurant que Ben Ali «ne possède ni biens immobiliers ni avoirs bancaires en France, pas plus que dans un autre pays étranger.»
A l’ombre de Djeddah
Cependant, plusieurs pays ont gelé les avoirs du «clan Ben Ali-Trabelsi», à commencer par la Tunisie, dès le mois de mars (112 personnes, liées de prêt ou de loin à Ben Ali, sont concernées), puis la Suisse en mai –Berne a fait de même pour les dirigeants égyptien et libyen, Hosni Moubarak et Mouammar Kadhafi- mais aussi Paris. En mai, 12 millions d’euros ont été saisis en France sur douze comptes bancaires appartenant à quatre proches de l'ancien président tunisien, a révélé l'association Sherpa. Suite à la plainte de l’ONG et de deux autres (dont Transparency International France), une enquête préliminaire de police avait été ouverte par le parquet de Paris fin janvier sur les biens que détiendrait la famille Ben Ali en France. Le but de la plainte, déposée pour «corruption, recel de corruption, recel de détournement de fonds publics et blanchiment», est de faire recenser ces avoirs, les faire saisir et les restituer à la Tunisie s'il est avéré qu'ils ont été mal acquis.
Depuis sa chute, Zine el Abidine ben Ali aurait été hospitalisé à Ryad, avant d’être installé dans une grande demeure bourgeoise de Djeddah, prêtée par la famille royale saoudienne. La Tunisie, elle, peine à retrouver sa stabilité. Les élections pour désigner une Assemblée constituante ont été reportées d'une semaine et fixées au 23 octobre, a annoncé mercredi dernier le Premier ministre tunisien. S’il assure que la raison est la garantie de la «transparence», alors que près de 400 000 Tunisiens n'ont toujours pas de carte électorale, certains craignent que les autorités de transition n’aient pas les intentions démocratiques qu’elles revendiquent. Encore dimanche, environ 150 personnes ont manifesté dans le centre de Tunis pour demander la libération de Samir Feriani, haut fonctionnaire civil de la police mis en détention pour avoir publiquement critiqué le ministère de l'Intérieur. Feriani avait été arrêté le mois dernier pour avoir dénoncé dans une lettre ouverte la politique de recrutement menée par le ministère de l'Intérieur, ce qui a été considéré comme la divulgation d'informations confidentielles.

Marie Desnos - Parismatch.com
© Copyright Paris-Match

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire