(L'Express 15/06/2011)
L'intervention de l'Otan divise les dirigeants africains. Celui qui chantait "les Etats-Unis d'Afrique" compte encore des soutiens dans la région.
La secrétaire américaine Hillary Clinton a appelé ce lundi les dirigeants africains à faire pression sur le colonel Mouammar Kadhafi afin que celui-ci décrète "un véritable cessez-le-feu" en Libye et "quitte le pouvoir".
L'Afrique divisée
La question qui divise l'Afrique. Il est difficile d'évincer un homme aussi lié aux dirigeants africains et à leurs économies. L'Union africaine a proposé une feuille de route 23 jours après le début des conflits en Libye mais cette percée diplomatique s'est soldée par un échec. L'Union africaine préconisait une réponse politique à la crise libyenne, ce qui explique les réticences suscitées par l'intervention de l'Otan. Les dirigeants et les intellectuels africains ne parlent pas d'une même voix: à ce jour, seuls deux pays africains, le Sénégal et la Gambie, ont officiellement reconnu la rébellion du CNT comme "représentant légitime du peuple libyen".
Par ailleurs, l'Afrique participe à cette guerre car elle constituerait le principal vivier des légions qui se sont battues au côté des forces de Kadhafi. Les Tchadiens, Soudanais et les Nigériens tiendraient une place significative dans les rangs armés du Guide libyen. "Le départ de Touareg nigériens vers la Libye est un secret de polichinelle", écrivait par exemple Le Monde, le 22 mars dernier. C'est ainsi une partie de l'Afrique qui se mobilise pour défendre le pouvoir de la famille Kadhafi. Les motivations qui poussent ces jeunes Soudanais ou Tchadiens à défendre un régime extérieur sont loin d'être évidente. On pense naturellement à des accords de soutiens militaires signés entre les différents pays mais également à des engagements volontaires pour protéger le dernier "roi d'Afrique".
Le dernier roi d'Afrique
Cette image de roi a certes amusé les dirigeants africains eux-mêmes mais elle perdure dans de nombreux pays. Lorsque Mouammar Khadhafi est élu à la tête de l'Union africaine le 2 février 2009, il se présente, vêtu d'une tunique aux reflets d'or, comme "le roi des rois traditionnels d'Afrique". Après avoir déserté la Ligue des Etats arabes, le guide a misé sur une Afrique où il faudrait "une seule monnaie et un seul passeport africain", une idée mise en avant le 27 juin à Abidjan. L'utopie du leader libyen ne faisait aucun doute, toutefois les images de ses tournées en Afrique, vêtu d'une chemise à l'effigie du continent, marquent les esprits. "Les Etats-Unis d'Afrique", promis par le Guide libyen, dévoilaient à la fois sa folie et son ambition pour le continent africain.
Les investissements économiques libyens dans la région confortent la position stratégique de son pays. Les boulevards ou les grands hôtels à l'effigie du Guide libyen ponctuent le centre-ville de nombreux pays africains comme le Mali. Le soutien économique apporté au président malien Amadou Toumani Touré a en partie profité aux Maliens, comme les grands projets hôteliers de la capitale ou la télévision nationale financée dès ses débuts par le régime libyen. "La Libye investit plus d'1 milliard d'euros par an en Afrique subsaharienne (hôtels, banques, domaines fonciers, mines) et a probablement financé certaines campagnes électorales", affirmait encore Le Monde.
Le rapprochement avec les Occidentaux qui le percevaient comme un rempart contre l'afflux d'immigrants sur les côtes européennes, ces dernières années, a quelque peu entaché l'image du roi en Afrique. Enfin presque.
Par Nadéra Bouazza, publié le 15/06/2011 à 16:30
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