jeudi 19 août 2010

Sénégal - La justice va départager le Sénégal et la société pétrolière suisse Oryx

(Les Afriques 19/08/2010)
Nouvel épisode qui montre que l’électricité au Sénégal n’est pas un long fleuve tranquille. Que cache donc la rupture du contrat liant l’Etat du Sénégal à Oryx ?
Le ministre sénégalais de l’énergie a le premier jeté un pavé dans la mare en annonçant publiquement la rupture du contrat liant l’Etat du Sénégal à Oryx, filiale de la société pétrolière suisse Addax& Oryx Group (AOG) dans le cadre de la livraison du fuel nécessaire à la production de l’électricité. Interpellée par Les Afriques, la direction générale d’Oryx reste zen et estime que l’enquête sur son supposé « mauvais fuel » est menée par la justice et qu’à ce jour elle n’a reçu aucune notification officielle de rupture de contrat de la part des autorités sénégalaises.
Tout est parti d’une plainte des responsables de la société sénégalaise d’électricité (SENELEC) qui ont accusé Oryx de leur avoir livré le « mauvais fuel », responsable de la dégradation des machines et, par ricochet, de l’important déficit énergétique constaté dans le pays. Précision de taille, la plainte a été déposée contre x. Résultat, l’Etat annonce que toutes les importations de produits pétroliers seront désormais assurées par la société africaine de raffinage (SAR). Les autorités sénégalaises ont, à ce sujet, obtenu une ligne de la Banque islamique de développement (BID) permettant à la SAR d’acheter avec un crédit revolving de 25 millions de dollars en attendant l’arrivée de la fameuse turbine à gaz annoncée avec le soutien de la coopération chinoise. Cependant Serigne Momar Dièye, directeur général d’Oryx Sénégal annonce aux Afriques qu’ « il y a beaucoup d’amalgames, de non-dits et de silences dans cette affaire ». Pourtant les clauses du contrat liant l’Etat du Sénégal au groupe pétrolier suisse, précisent que l’accord peut-être dénoncé à tout moment moyennant un préavis de 2 mois par lettre recommandée avec accusé de réception. Ce qui n’est pas le cas actuellement, malgré les déclarations du ministre de l’Energie, selon les responsables de la société pétrolière. Le Sénégal et Oryx sont à ce jour liés par un contrat dit de passage de produits pétroliers. Cela veut dire que la société pétrolière a l’obligation de veiller à la qualité du produit, du début à la fin du processus. Mieux, un laboratoire permet d’effectuer des analyses sur les produits reçus, stockés et livrés. En fait précisent les responsables de la filiale d’AOG, ce n’est pas Oryx qui a vendu le produit à la SENELEC. Le tanker qui a déchargé le produit chez le pétrolier a aussi déchargé dans d’autres dépôts. Ce qui est constant pour l’heure, c’est qu’Oryx détient encore plus de 60% de parts de marchés au Sénégal dans le secteur du soutage de navires car elle livre du gaz oil, du fuel et des lubrifiants dans le Port ou au large de Dakar. C’est un véritable régulateur dans le secteur des hydrocarbures, en ce sens qu’elle occupe une position de courroie de transmission entre la SAR, les majors (Total, Shell, Elton…) et les distributeurs indépendants. Elle exporte des produits pétroliers en Gambie, au Mali et en Guinée-Bissau.
Oryx a été créée en 1989 suite au rachat et à la réhabilitation du dépôt Esso à Dakar par le groupe suisse Addax & Oryx Group qui détient actuellement 98,4% du capital ; le reste du capital étant détenu par des privés sénégalais. AOG est résolument tourné vers l’Afrique dont il demeure un acteur remarquable du secteur de l’énergie. Il évolue dans le stockage et la distribution de produits pétroliers dans 15 pays africains et a réalisé un chiffre d’affaires de 700 millions de dollars. AOG est présent, outre au Sénégal, au Bénin, au Burkina, en Côte-d’Ivoire, au Mali, au Niger, au Nigeria, en Sierra-Léone, au Togo et récemment en Guinée-Conakry. Le groupe développe aussi un projet de production de bioéthanol d’un coût de 250 millions de dollars en Sierra-Léone.

Par Mohamed Ndiaye
18-08-2010
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