(Le Potentiel 20/07/2010)
Une fois encore, tous les projetteurs de l’actualité sont braqués sur l’Est de la RDC où l’insécurité, particulièrement dans le Nord-Kivu, a repris droit de cité. Ce regain des tensions a une explication : la fragilisation des groupes de résistance au vieux projet de balkanisation de la RDC. Jusques à quand résistera le dernier verrou du Nord-Kivu, cible des attentats perpétrés ces derniers jours dans la province ? Le gouvernement a le devoir d’agir.
La violence n’est-elle pas en train de devenir une seconde nature dans la province du Nord-Kivu où la sécurité est désormais une denrée rare. Pas une nuit, pas une journée ne se passe sans que l’on signale des cas d’assassinats sur la partie Nord de la province. L’Association africaine de défense des droits de l’homme (Asadho) en fait largement écho dans un communiqué publié hier lundi 19 juillet.
A travers ce communiqué, l’Asadho exprime sa « vive préoccupation face à l’insécurité créée par les hommes en uniforme dans la province du Nord-Kivu » ; les mêmes censés garantir la sécurité des biens et des personnes.
Selon le recoupement des informations, note l’Asadho, cette « série noire de meurtres et assassinats commis par des hommes en uniforme » vise principalement « les notables de la province, les commerçants et les acteurs de la Société civile », c’est-à-dire les forces vives de la province.
Il s’agit donc des assassinats ciblés qui, logiquement, devraient avoir un mobile. Alors lequel ? C’est tout l’intérêt de la question.
Par ailleurs, l’Asadho s’étonne que « les opérations Ruwenzori lancées dans cette province pour mettre fin aux violations des droits de l’homme commises par les hommes en uniforme contribuent aussi à l’insécurité des populations dans la mesure où elles ont mis hors de chez eux environ 40.000 déplacés qui sont aujourd’hui sans aucune assistance de la part de Ocha ».
En procédant par déduction à partir des faits relevés par l’Asadho, on aboutit à la conclusion selon laquelle un plan programmé de mise à mort de l’élite du Nord-Kivu est mise en œuvre pour atteindre un objectif que l’on ignore encore. Mais, de fil en aiguille, l’on peut aisément imaginer ce à quoi rime l’insécurité qui s’est érigée en mode de vie dans cette province.
LA COMMUNAUTE NANDE CIBLEE
Il paraît clairement que malgré la résistance intérieure qui s’est enracinée dans la mentalité des Congolais pour barrer la route au plan de balkanisation de la RDC, les tireurs des ficelles de ce projet n’ont pas encore désarmé. Bien au contraire, ils ont changé de stratégie pour concrétiser ce vieux projet. La stratégie semble donc être orientée désormais vers la fragilisation, puis l’isolement de différents groupes de résistance.
C’est dans la logique de ce plan macabre que les différents groupes Maï-Maï, qui ont longtemps résisté à l’occupation de cette partie de la RDC, ont été d’abord fragilisés, puis dispersés, finissant par perdre leur unité, vecteur de force. Les Maï-Maï vaincus, la communauté Nande qui tient le pouvoir économique de la province se présente donc comme le dernier verrou pour arriver à créer un couloir entre la Province Orientale et le Nord-Kivu. L’enjeu étant comme toujours le contrôle des ressources naturelles de cette partie de la RDC, notamment le pétrole du Graben, l’or de l’Ituri, la cassitérite et le coltan du Nord-Kivu. Et cerise sur le gâteau, c’est aussi les terres arables, curieusement concentrées dans la partie Nord de la province du Nord-Kivu, qui sont visées. Alors, pour atteindre ces objectifs, il n’y a plus grande stratégie que de créer la psychose au sein de la communauté Nande, particulièrement, pour les affaiblir aux fins de la mâter.
L’insécurité au Nord-Kivu n’est donc pas le fait du hasard. Ce regain d’insécurité procède d’un plan bien orchestré pour des objectifs que nul n’ignore. Le plan se décline en trois actes : créer l’insécurité, accélérer le déplacement des populations et s’accaparer de leurs terres.
Au-delà de ces faits, il y a bien des questions qu’il faut se poser. Depuis plus de sept ans, à compter de l’accord de Sun City en 2003, la guerre est officiellement terminée en RDC. Cependant, l’Est continue à constituer le ventre mou de l’espace national du fait de l’insécurité qui s’y est enracinée.
Des promesses ont été faites, parfois avec des échéances réduites pour sécuriser les espaces. Des initiatives ont été imaginées à tous les niveaux pour tenter de réduire cette insécurité, la dernière en date étant la reconfiguration de la Monuc qui s’est muée en Mission des Nations Unies pour la stabilisation de la RDC, en concentrant l’essentiel de ses effectifs dans l’Est. Aussi, l’insécurité dont on fait écho s’amplifie-t-elle sous la barbe de la Monusco sans qu’elle s’interpose pour contrecarrer toute violence contre la population civile, pour la plupart.
La passivité de la Monusco étonne. Il y a certainement, susurre-t-on dans certains milieux, un agenda caché sur base duquel la Monusco se serait en priorité déployé à l’Est. Sa présence ne se justifierait-elle pas pour faciliter l’éclatement de l’Est de la RDC ? Tout se résume en une seule évidence : la balkanisation a changé des méthodes. Tout est mis en place pour créer le chaos afin de mieux occuper les riches terres de l’Est.
REGARD SUR KINSHASA
Le gouvernement a intérêt à ouvrir l’oeil pour préserver l’intégrité de la RDC. Car, si le Kivu saute, c’est toute la RDC qui risque d’imploser. Kinshasa a donc tout à gagner en apportant son assistance au dernier verrou du Nord-Kivu. Ce soutien servira non seulement à crédibiliser les FARDC dont la réputation est terriblement souillée par ceux qui sèment la terreur au Nord-Kivu en se couvrant derrière son étiquette, mais cet acte a l’avantage de ramener la sérénité dans le rang de la population.
Le désarroi de cette population se lit clairement sur le site benilubero.com. Un appel de détresse que Kinshasa ne devait pas ignorer. En voici la teneur : « Les tueries des civils et le déplacement forcé des populations congolaises continuent de planter durablement leur décor macabre à l’Est du pays sans faire la Une de l’action du gouvernement congolais ni provoquer la création d’un comité de crise au parlement national ou provincial. Les victimes des tueries et du déplacement forcé n’ont jamais reçu un message de sympathie du gouvernement congolais, encore moins une aide humanitaire pour soulager leur peine. Au contraire, le gouvernement congolais peut faire une opération de charme sur la scène internationale en accordant une aide aux victimes du séisme d’Haïti mais jamais aux victimes des rebelles étrangers de Beni-Lubero. Il en est de même du charme pour consommation étrangère des festivités grandioses du Cinquantenaire. Il est, selon toute évidence, plus facile de mettre sur pied plusieurs comités d’une fête qu’un comité pour la sécurité des millions de Congolais menacés d’extermination par des terroristes étrangers tels les FDLR, LRA, ADF-NALU. Aussi, pendant que les Congolais du territoire de Beni enterraient les victimes des opérations Ruwenzori, on a lu à la Une des médias « coupagistes » de Kinshasa les nouvelles de l’attentat de Kampala attribué aux militants somaliens El-Shabab. Et pourtant, de tristes événements se déroulent avec autant de violence sur le sol congolais, plus près de Kinshasa que de Kampala! ».
Par Le Potentiel
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