lundi 5 juillet 2010

Guinée - L'espoir prend le pas sur l'inquiétude en Guinée

(La Croix 05/07/2010)
Pour la première fois en cinquante ans de dictature depuis l’indépendance, les électeurs devront se déplacer pour un second tour
«C’est la première fois qu’à la veille du scrutin, il était impossible de connaître le nom du futur président ! » s’était enthousiasmé le journaliste guinéen Souleymane Diallo. Le premier tour de la première élection réellement démocratique depuis l’indépendance du pays, en 1958, est un succès.
L’annonce, vendredi soir, des résultats partiels s’est déroulée dans le calme, même si plusieurs candidats ont émis des recours, jugeant qu’il y avait eu de nombreuses fraudes. Pour le deuxième tour, prévu le 18 juillet, mais dont la date n’a pas été confirmée, les Guinéens devront choisir entre deux candidats : Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé.
Avec 39,7 % des voix, selon les résultats provisoires du premier tour, Cellou Dalein Diallo arrive largement en tête. À 58 ans, cet ancien premier ministre sous la présidence de Lansana Conté, est déjà connu par la population. Natif de Moyenne-Guinée (centre), le chef de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) bénéficie du soutien d’une grande partie de l’ethnie peule, l’une des plus importantes du pays.
Premier succès du premier tour : le vote massif des Guinéens
Son plus proche adversaire, Alpha Condé, a recueilli 20,7 % des voix. L’éternel opposant, âgé de 73 ans, a déjà été candidat à l’élection présidentielle en 1993 et 1998. Ce diplômé en droit de la Sorbonne, fondateur et président du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), a fait l’objet de nombreuses condamnations par les despotes au pouvoir, dont une condamnation à mort par contumace en 1970. Il a obtenu ses meilleurs résultats dans la région de la Haute-Guinée (est), habitée en majorité par des membres de son ethnie, les Malinkés.
Mais le premier succès du premier tour, c’est le vote massif des Guinéens. Pressés d’en finir avec les régimes militaires, trois millions d’entre eux se sont rendus aux urnes le 27 juin dernier, soit 77 % des inscrits. « Dès sept heures du matin, il y avait de grandes queues. Malgré les problèmes d’organisation, personne de voulait rentrer chez soi avant d’avoir voté », témoigne pour La Croix Gilles Yabi, consultant et analyste politique.
Les péripéties récentes qu’a vécues le pays rendent presque surprenante l’organisation de ces élections. Le 28 septembre dernier, l’armée avait tué au moins 156 personnes qui participaient à un rassemblement politique pacifique pour s’opposer à la candidature du chef de la junte, le capitaine putschiste Moussa Dadis Camara.
Le fonctionnement démocratique reste fragile
Celui-ci avait pris le pouvoir après la mort du « général président » Lansana Conté en promettant l’instauration d’un régime démocratique. Arrivé au pouvoir, c’est son second, Sekouba Konaté, qui a organisé finalement les premières élections libres.
Le fonctionnement démocratique de la Guinée reste toutefois fragile. Il a fallu attendre près d’une semaine pour que les résultats provisoires du premier tour soient publiés par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), qui a reconnu « beaucoup de cas de fraudes ».
Arrivé troisième avec 15,5 % des voix, Sidya Touré, ancien ministre sous le régime de Conté, est convaincu que son absence au second tour est le résultat de fraudes. Il a porté plainte auprès de la Cour suprême. « En plus de la méconnaissance des procédures, il y a peut-être eu dans certains cas des manipulations, notamment dans les “fiefs” de différents candidats », analyse Gilles Yabi.
La Cour, qui doit normalement statuer dans les huit jours, pourrait prendre plus de temps. Alors que « certains électeurs ne comprennent pas encore la nécessité et le fonctionnement d’un second tour », Gilles Yabi estime que « sa date pourrait être repoussée pour organiser une campagne de communication vers la population et revoir l’organisation du vote, qui a péché au premier ».

Julien DURIEZ
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