(L'Express 02/07/2010)
Des décennies de régime autoritaire et de corruption ont laissé la Guinée dans un tel état qu'elle aura besoin d'une aide internationale massive pour assurer la transition vers un régime civil, après la première élection libre de son histoire, dimanche dernier.
Quel qu'il soit, le vainqueur de la présidentielle devra d'abord apporter la paix, puis l'électricité et l'eau, bâtir des écoles et des routes, disent des Guinéens lassés des régimes répressifs, du chaos et de la violence.
Rien de tout cela ne semble hors de portée dans un pays qui tire chaque année plusieurs dizaines de millions de dollars de ses ressources naturelles, notamment de la bauxite, dont il est le premier producteur mondial. Les autorités guinéennes viennent en outre de conclure deux gigantesques contrats pour l'exploitation du minerai de fer.
L'argent, également attendu des bailleurs internationaux si le processus électoral se déroule conformément à leurs attentes, ne dispensera toutefois pas Conakry d'une vaste réforme politique.
"C'est un pays pauvre qui a été mal gouverné", juge un diplomate occidental en poste dans la capitale. "Le véritable coût pour faire des affaires ici est très élevé. Les infrastructures et la corruption sont pitoyables", poursuit-il.
De nouvelles structures, conçues avec l'aide financière et technique de la communauté internationale, devront donc être mises en place pour assurer le succès de la transition démocratique.
L'une des clés de ce succès sera la capacité des nouvelles autorités à surmonter les divergences politiques et claniques, estime Saïd Djinnit, représentant spécial du secrétaire général de l'Onu en Afrique de l'Ouest.
"L'Etat est affaibli. La corruption est partout. On a laissé se développer une culture de la corruption, mais c'est aussi parce que les gens ne sont pas correctement payés."
"VIEILLE GARDE"
"Seul un système de gouvernance ouvert (...) peut susciter une aide internationale suffisante. La Guinée aura besoin d'une aide internationale massive. Il s'agit d'une reconstruction de sortie de crise, une crise de 50 ans", poursuit-il.
Après la longue dictature de Sékou Touré, entamé à l'indépendance, en 1958, Lansana Conté, qui s'est emparé du pouvoir par la force en 1984, a gouverné sans partage pendant 24 ans.
A sa mort, en décembre 2008, l'armée a aussitôt pris la relève, mais le capitaine Moussa Dadis Camara, chef de la junte, a été écarté du pouvoir après avoir échappé de peu à une tentative d'assassinat commise par son aide de camp, le 3 décembre dernier.
Le général Sékouba Konaté, qui lui a succédé, a ouvert la voie à un pouvoir civil. Entre autres priorités, le futur chef de l'Etat devra donc réformer l'armée sans s'aliéner ses cadres.
"Il doit bâtir sa politique sur des institutions solides, capable de stabiliser le pays et d'éviter le retour des militaires au pouvoir", souligne le politologue guinéen Youssouf Sylla.
Vingt-quatre candidats, tous issus de la société civile, ont brigué la présidence. La publication des résultats, initialement prévue mercredi, a été reportée de 48 heures, pour des raisons logistiques et des problèmes de sécurité, a annoncé mercredi la Cour suprême.
Cellou Dalein Diallo, chef de file de l'Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG), et Sidya Touré, de l'Union des forces républicaines (UFR), font figurent de favoris. Tous deux anciens chefs du gouvernement, ils n'incarnent toutefois pas le renouveau attendu.
Alpha Condé, qui porte les couleurs du Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG), fait également partie des principaux prétendants, mais il est lui aussi perçu comme un membre de la nomenklatura.
"Les grands candidats ne sont pas nouveaux, ce sont d'anciens ministres, d'anciens Premiers ministres, et ils se connaissent tous (...) C'est la vieille garde, ce sont les gens qui ont le pouvoir", commente le diplomate occidental précité.
Un second tour aura vraisemblablement lieu le 18 juillet. Les observateurs de l'Union européenne se sont dits dans l'ensemble satisfaits du déroulement du premier.
Par Reuters
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