(Afriscoop 24/07/2010)
(AfriSCOOP Analyse) —Le Bénin vivait depuis plusieurs mois sa pré-campagne en prévision du jamboree électoral très attendu de 2011. Le scandale d’« Icc-Services », du nom d’une société de placement d’argent qui s’est rendue coupable d’une escroquerie à une grande échelle, a ravivé d’un cran les tensions politiques qui meublent le quotidien du Bénin considéré comme le « Quartier latin » de l’Afrique de l’ouest depuis le début du processus de démocratisation en Afrique sub-saharienne. Ces différends politiques mis de côté, le dernier scandale financier mis à nu au pays des Amazones repose la question de l’impéritie des hommes d’Etat d’Afrique devant les défis du développement ; qu’ils soient ou non bardés de diplômes.
100 milliards de fcfa : c’est le montant de l’escroquerie orchestrée par « Icc-Services » au Bénin en promettant depuis décembre 2006 monts et merveilles aux citoyens béninois. Bref, « Icc-Services » était un raccourci indirect de la vie pour devenir riche en terre béninoise en quelque mois, à la seule condition de consentir à des placements d’argent dont le montant variait selon la mise que l’on voulait décrocher ! Qui a dit que « l’argent ne fait pas le bonheur » ? « Les 100 milliards de fcfa escroqués par les responsables d’Icc-Services, c’est 1/7ème du crédit de toutes les Banques au Bénin », souligne Blaise Amoussou-Kpeto, expert togolais en Banque-Finances. Comment en est-on arrivé là quand on sait que le président Thomas Yayi élu en mars 2006 avec plus de 70% des voix avait vanté dans son programme de société « la restauration des valeurs républicaines et principalement la lutte contre la corruption qui gangrenait l’administration en place » ?
Adrien Houngbédji, candidat unique de l’opposition au pays de Mathieu Kérékou à la présidentielle de 2011 connecte les fondements du scandale « d’Icc-Services » à la gouvernance sous T. Yayi : « Nous avons élu le chef de l’Etat pour qu’il protège le peuple, pour qu’il travaille dans l’intérêt du peuple et non pas pour qu’il protège les escrocs (…) Vous avez vu du matériel de campagne fabriqué à l’effigie du président de la République par Icc, des pagnes, des calendriers, du vin et du champagne ainsi que les nombreuses manifestations organisées par la mouvance présidentielle et prises en charge par Icc-Services », accuse l’opposant dans une déclaration dont AfriSCOOP a eu copie.
Des accusations que l’entourage de Thomas Yayi réfute du revers de la main en indiquant qu’ « Icc-Services » « a plutôt vu le jour » dans le village natal de l’accusateur ! Au-delà de ce ping-pong politique, on ne peut aborder la problématique du scandale précité sans revenir sur le parcours du Dr Yayi. Comment un ex-président de la Boad (Banque ouest-africaine de développement) a pu laisser le serpent de mer « d’Icc-Services » devenir une “hydre” ? C’est trop facile d’attirer le courroux des Béninois escroqués vers le seul procureur de la République en lui reprochant de ne pas avoir diligenté des enquêtes quand plusieurs de ses compatriotes se sont plaints au sujet de diverses inconduites « d’Icc-Services ». C’est également vouloir filer la patate chaude à autrui que d’avoir mis sous les verrous non seulement le procureur de la République et le ministre de l’Intérieur (ce dernier a été relâché, alors que le procureur est toujours en détention).
A côté des compétences de haut cadre de la finance internationale de M. Yayi, l’exécutif béninois bénéficie également de l’expertise de ses ministres des Finances et du Plan qui sont aussi d’anciens hauts cadres de la Bceao (Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest). C’est une insulte à l’intelligence des habitants de l’ancien royaume d’Abomey que d’affirmer qu’aucune de ces têtes bien faites d’un point vue macroéconomique n’a point vu venir le drame !! L’Afrique de l’ouest et partant de là « l’Afrique qui gagne » ne saurait s’accommoder d’une gouvernance approximative pour rattraper ses gaps de retard sur les autres régions du monde. Thomas Boni Yayi est mieux placé pour répéter cela à tous ceux qui se battent pour une autre Afrique.
La coalition au pouvoir au Bénin a dû sûrement trouver dans le fonctionnement « d’Icc-Services » un mot posé sur les corollaires des maux de la pauvreté qui touche une bonne partie de sa population. Solution facile quand on n’a eu de cesse de répéter durant la campagne présidentielle de 2006 que les mauvaises pratiques sous l’ère Kérékou vont « changer » car étant une nécessité pour « un Bénin nouveau et émergeant ». Le scandale « d’Icc-Services » vient assurément de lancer un avertissement au régime du Dr Yayi. De sa capacité à bien se sauver la face dans ce qui pouvait s’avérer être un drame économique dépendra une partie de ses chances de reconduction à la tête du Bénin en 2011.
vendredi 23 juillet 2010 par Jacques GANYRA
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