(Le Pays 21/06/2013 - 16:20)
L’agression lâche et barbare des étudiants africains par la police indienne fait des gorges chaudes en RD Congo. A Kinshasa, de nombreux Congolais écœurés ont ainsi tenu à exprimer leur ras-le-bol à des dirigeants gagnés par l’affairisme au point d’oublier la détresse de leurs concitoyens. Sous le couvert de la coopération Sud-Sud, de la solidarité entre peuples, de nombreuses bourses d’études ou de formation sont accordées régulièrement à nos jeunes qui ne craignent pas d’embarquer pour l’étranger. Convaincus aussi que partout, le monde est aussi « beau et gentil » comme chez nous, d’autres se laissent également tenter par l’aventure. « Chez nous, l’avenir est sombre », avancent-ils le plus souvent pour se justifier. Le résultat en est que généralement, les nôtres se font berner par les trafiquants de toutes sortes : vendeurs de faux visas, passeurs qui abandonnent les passagers en plein désert, en pleine mer ou aux contrôles frontaliers, non sans les avoir dépouillés de tout (argent et papiers d’identité notamment). Certains ont la chance de vivre dans des pays en apparence paisibles et hospitaliers. Il leur arrive ainsi de croiser sur leur route de gentilles personnes, chaleureuses et disponibles. Avec ces personnes, vont plus tard se nouer de solides amitiés, lesquelles se traduiront effectivement par des actions de jumelage-coopération, etc. Mais, dans d’autres cas, la chose tourne malheureusement parfois au cauchemar, et de façon inattendue. C’est que le contexte dicte toujours sa loi. Les rivalités de toutes sortes, les mesquineries, les propos déplacés et les comportements ouvertement racistes sont de nature à provoquer des drames. Souvent, à l’insu des principaux acteurs du rapprochement des peuples. Malheureusement, ils sont de plus en plus nombreux, ces cas d’agression perpétrés à l’endroit d’étudiants, de travailleurs ou de migrants noirs d’Afrique. Ce qui s’est passé récemment en Inde, ne fait donc que rappeler des faits analogues dans les pays arabes, en Europe de l’Est, et en Asie. Régulièrement, la presse rapporte des excès, sans que cela n’émeuve les autorités des pays concernés. Lorsqu’on réagit, c’est toujours pour minimiser les faits et promettre de saisir qui de droit. Sans aucune suite le plus souvent. En la matière, force est de reconnaître que les réactions des gouvernements africains sont bien souvent déconcertantes. Non contents d’oublier de payer les bourses nationales, certains responsables s’illustrent dans des propos du genre : « Ne peuvent-ils pas rester tranquilles ? » Ou encore : « Qu’ils se débrouillent. Personne ne les oblige à y rester ». Outre le fait qu’elles manquent de compassion, de maturité et de patriotisme, de telles propos encouragent les abus. Car, elles dissuadent le pays d’accueil d’adopter des mesures de protection, et surtout de rechercher et de punir ceux qui agressent. Pourtant bien des fois, ces « pays amis », sont à l’origine des offres de bourses d’études ou de formation et de multiples appels à candidature lorsqu’il y a défection. Maintes fois, nous avons dénoncé la démission de nos gouvernants. Une fois encore, nous déplorons de voir les étudiants et les travailleurs africains de la diaspora délaissés par la majorité des gouvernants africains. Ils résident pourtant à l’extérieur au nom du renforcement de liens de coopération « mutuellement avantageux ». Combien de fois n’a-t-on pas applaudi à la présentation de lettres de créances, à la création de commissions mixtes, aux échanges de visiteurs, à l’organisation de foires et autres festivals impliquant Africains et partenaires étrangers ? Mais il faut en convenir, l’on a mille fois été outré de voir des visas refusés pour un rien, des ressortissants expulsés comme de vulgaires malfrats, etc. A quoi servent donc les organisations de coopération multilatérales si au plan bilatéral, il y a autant de lacunes à combler ? Rarement des Africains ont perpétré des actes aussi délictueux à l’endroit de ceux que nous recevons chez nous. Notre hospitalité est si célébrée et chantée ailleurs, que nous sommes toujours surpris de voir les autres nous mépriser. L’indignation atteint son comble lorsque le citoyen lambda constate, impuissant, que les autorités de son pays abdiquent dans des situations fâcheuses, face à des tiers, naguère présentés pourtant à l’opinion comme étant de solides partenaires. Comment peut-on demeurer aussi naïfs et passifs à l’égard de l’autre ? Quand donc l’Afrique se fera-t-elle respecter ? Quand donc, à l’unisson, exigera-t-elle le respect de ses ressortissants à l’extérieur ? Nous avons pourtant les moyens d’exiger ce minimum : des ressources naturelles en abondance, et qui font frémir d’appétit nombre de pays « nécessiteux ». Des appuis diplomatiques que nous pouvons accorder ou non à ceux qui les sollicitent sur les tribunes internationales. Il est donc salutaire que les peuples révoltés fassent sentir de temps à autre leur mécontentement à ceux qui gouvernent ce continent, comme à ceux qui y viennent en prêchant la bonne parole, et en prenant des engagements que jamais ils ne respectent. Il faut féliciter les efforts déployés au fil des ans par les étudiants, les travailleurs africains et la société civile, pour faire reculer les frontières de l’ignorance dans les pays d’accueil. Des festivals cinématographiques, des journées culturelles, spectacles de musique, chants et danses, arts divers, rencontres sportives, entre autres, continuent ainsi de donner de ce continent une image que mille discours ne parviendront jamais à rendre, face à des opinions toutes faites. Dommage que les acteurs politiques ne parviennent pas toujours à capitaliser de tels acquis. Cela aurait pu au moins aider à réduire les brutalités policières, lesquelles sont malheureusement parfois le prolongement du phénomène de la répression que les autres ont toujours observé chez nous, depuis la « belle époque » du colon dominateur. Dans le cas particulier de l’Inde, il faut regretter que les héritiers du Mahatma Gandhi aient si vite tourné la page. Naguère considéré comme « La Mecque de la non- violence », ce pays a aujourd’hui basculé dans une violence inouïe. Certes, des injustices sociales sur fond d’existence de castes, on en parle beaucoup. Mais de l’Inde de Gandhi raciste, notamment à l’endroit de Noirs venus d’Afrique, on voudrait ne pas y croire. Comment des agents assermentés, des policiers en l’occurrence, peuvent-ils se permettre de prendre à partie et de brutaliser des étrangers qui sont là au titre de la coopération bilatérale et de la solidarité humaine ? De tels excès ne doivent pas rester impunis. Et les Africains doivent se mobiliser pour exiger que justice soit faite. En la matière, il faut saluer la réaction rapide de la population congolaise qui, du coup, a obligé le gouvernement de la RD Congo à sortir de sa réserve. Mais, l’affaire mérite d’être suivie par la société civile, les gouvernants africains nous ayant habitués à leur laxisme et à leur langue de bois. Parallèlement, il faut partout travailler à peaufiner davantage les textes de coopération bilatérale. Dans le toilettage, il convient de faire ressortir clairement les aspects en rapport avec la sécurité en général, la protection des Africains en particulier. Les gouvernements africains doivent s’assurer d’un minimum de garantie en ce qui concerne la protection de leurs ressortissants, et prendre les dispositions pour réagir rapidement en cas de violations des engagements pris. Pour l’heure, en Afrique, on gardera du pays du Mahatma Gandhi, une image peu habituelle : derrière la pauvreté de masse, plaie de la démocratie indienne, se cacherait-il une société de violence, difficile à contrôler ? C’est à croire que les gouvernants actuels de l’Inde ont oublié que durant son séjour en Afrique du Sud, Gandhi s’était lui-même nourri de la sagesse de nos peuples ? Sinon, il va bien falloir le leur rappeler, afin qu’ils sensibilisent et responsabilisent davantage autour d’eux, notamment tous ceux qui sont en contact avec des Africains. De telles initiatives devraient être encouragées partout où résideraient des Africains. Car trop, c’est vraiment trop ! L’Inde, pays émergent, a toujours été considérée comme un exemple pour les Africains. Aussi lui accordent-ils volontiers leur soutien, dans sa quête d’une meilleure audience au sein de la communauté internationale. Mais, si certains comportements déviants devaient perdurer, il y aurait à craindre que ce soutien ne s’effiloche au fil du temps. Car, les peuples africains admettront difficilement qu’on ostracise leurs enfants où qu’ils se trouvent ; même si bon nombre de leurs dirigeants ont pris l’habitude de toujours démissionner de leurs responsabilités. En attendant, il faut féliciter les manifestants congolais, pour avoir réussi à exiger des autorités de la RDC de demander des comptes à l’ambassade de l’Inde à Kinshasa. L’acte en valait la peine. De telles initiatives sont inhabituelles sur ce continent, et il nous faut les encourager. D’autant que l’irresponsabilité et la corruption ont suffisamment gangréné l’appareil d’Etat africain, et égaré nombre d’élites au pouvoir.
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