(Xinhuanet 10/06/2011)
N'DJAMENA -- Les prix des denrées alimentaires augmentent sans cesse sur les marchés, au grand dam des ménages tchadiens alors que les différentes mesures prises par le gouvernement pour les faire baisser n'y ont rien fait.
"Je dépense 3.000 francs CFA chaque jour pour la ration alimentaire de la famille. Même avec cette somme, nous ne mangeons de la bouffe de qualité, mais c'est très souvent la boule avec du poisson séché au point où les enfants en sont dégoûtés", confie Dénéram Lucie, mère de quatre enfants.
Pour cette secrétaire de direction, comme pour la plupart des chefs de familles, il est très difficile de nourrir chaque jour sa progéniture et les visiteurs qui s'invitent inopportunément tous les jours à votre table.
Le menu est (presque) toujours le même: boule de céréales accompagnée d'une sauce de gombos ou de légumes au poisson séché. Car la viande et le poisson frais sont un luxe.
Au marché des céréales de N'Djaména, le sac de maïs est vendu à 25.000 francs CFA, alors qu'au moment de la lutte acharnée contre la vie chère, on pouvait l'acquérir à 14.000 francs. Le sac de mil pénicillaire, quant à lui, vaut 26 000 francs.
"Où sont passées les récoltes de la dernière saison?", s' interroge Masra Jean, fonctionnaire. Pendant la dernière campagne agricole, il y a eu un excédent céréalier de 400.000 tonnes, a affirmé Pahimi Padacké Albert, ministre de l'Agriculture et de l' Irrigation le 1er juin dernier.
Le bidon d'huile importée de cinq litres, qui était vendu à 5. 000 francs CFA, coûte aujourd'hui 7.500, voire 8.000 francs. Le litre d'huile d'arachide locale est également passé de 800 à 1.250 ou 1.300 francs.
Même le prix du sucre fabriqué par la Compagnie Sucrière du Tchad, qui bénéficie des facilités fiscales, a monté pour stagner à 1.000 ou 1.100 francs le paquet (contre 750 francs auparavant).
"Au mois de février, nous avons alerté le gouvernement sur le risque d'instabilité des prix des denrées sur les marchés", confie à Xinhua Mahamat Ahmat Saleh, secrétaire général de la Commission nationale de lutte contre la vie chère.
La Commission a proposé au gouvernement de subventionner certaines denrées de première nécessité. Mais au lieu de cela, le gouvernement a décidé de supprimer certaines mesures instaurées pour lutter contre la vie chère: levée de l'interdiction d' exporter certains produits, restauration des taxes sur les produits alimentaires importés, etc.
"Du coup, les commerçants ont augmenté les prix des marchandises", regrette Mahamat Ahmat Saleh.
"La levée de la défiscalisation des denrées comme la farine, les pâtes alimentaires, le sucre, le lait et l'huile décidée par le gouvernement n'a pas entraîné la baisse des prix de ces denrées sur les marchés nationaux", explique un inspecteur des Douanes qui requiert l'anonymat. Au contraire, elle a fait perdre au Trésor public près d'un milliard francs CFA par semaine.
20 octobre 2010, le président Idriss Déby Itno décide de s' investir personnellement contre la cherté de la vie.
"Depuis cinq ans, les prix des denrées de première nécessité continuent de flamber, rendant ainsi la vie très chère à N'Djaména et dans es autres centres urbains du pays", déclare-t-il devant les membres du Comité interministériel de crise sur la vie chère. Hélas! Huit mois après, le constat fait par le chef de l'Etat est toujours d'actualité.
Pour beaucoup d'observateurs (dont le président de la République), ce sont des commerçants véreux qui rendent la vie chère aux Tchadiens.
"Par des pratiques aussi illicites les unes que les autres, nos compatriotes commerçants sans foi ni loi s'enrichissent au détriment des consommateurs et des producteurs", a constaté le président Idriss Déby Itno.
Pour ces commerçants véreux, la manoeuvre est simple: créer des pénuries artificielles en constituant des stocks, puis imposer des prix exorbitants aux consommateurs.
"Cette pratique doit prendre fin, a martelé le chef de l'Etat. Et nos commerçants doivent comprendre qu'ils ne peuvent indéfiniment escroquer la population en complicité avec les transporteurs, en réalisant des superbénéfices sur le dos de celle- ci. Il faut que cela change!" Aussi a-t-il engagé le gouvernement, l'administration centrale et tous ses services déconcentrés à s' investir contre la cherté de la vie. Mais rien n'a changé jusqu' aujourd'hui.
"Le commerce, dans notre pays, n'est pas organisé. Il y a une absence totale de régulation. L'Etat doit faire en sorte que les règles du marché fonctionnent normalement pour qu'il n'y ait pas de dysfonctionnement", note Daouda ElHadj Adam, secrétaire général de l'Association pour la Défense des droits des Consommateurs (ADC) .
"Tous ceux qui font obstacle au commerce doivent être sanctionnés. C'est l'impunité qui encourage cette pratique. On dirait que le ministère du Commerce ne joue pas son rôle", ajoute- t-il.
Deux jours après le coup de gueule du président de la République d'octobre dernier, le ministre du Commerce est descendu dans tous les marchés de la capitale.
La Commission nationale de lutte contre la vie chère a été mise sur pied. La brigade de contrôle des prix a été réactivée. Elle a imposé aux commerçants de publier les prix des différents articles dans leurs échoppes.
A plusieurs reprises, le ministère du Commerce a présenté une grille des prix des produits de première nécessité. "Mais il ne suffit pas seulement d'arrêter un maxima des prix pour résorber le problème. L'Etat doit s'investir pour qu'il soit effectivement appliqué", déclare Daouda ElHadj Adam.
Dans les boutiques, les commerçants affichent bien les prix des articles, mais ils les vendent plus chers. A prendre ou à laisser.
La période de soudure (de juin à août) risque d'être dure beaucoup de ménages, prévient Mahamat Ahmat Saleh. Le "huitième mois", tant redouté ici pour ses pluies abondantes et son austérité, coïnciderait cette année avec le ramadan, synonyme de hausse des prix des denrées alimentaires.
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