mercredi 15 juin 2011

Guinée - Redresser la concession du port de Conakry : un pari à 500 millions d'euros

(Les Echos 15/06/2011)

Nouvel opérateur du terminal à conteneurs de la capitale de la Guinée, Bolloré Africa Logistics hérite à Conakry d'un site étroit et obsolète.
Aucun outil informatique pour suivre la position des conteneurs, un personnel en surnombre et pas ou peu formé, trois sanitaires sur le site en tout et pour tout, des règles de sécurité défaillantes... Opérateur, depuis le 11 avril dernier, du terminal à conteneurs de Conakry en Guinée, Bolloré Africa Logistics a fort à faire pour le redresser. En septembre 2008, la branche africaine du groupe Bolloré avait perdu l'appel d'offres pour la concession de ce terminal sur 25 ans, coiffée au poteau par l'entreprise Getma (filiale du français NCT Necotrans).
Deux ans plus tard, Bolloré tient sa revanche: Alpha Condé, nouveau président de la République démocratiquement élu après une décennie de dictature, a brutalement résilié en mars dernier la concession de Getma arguant de son incapacité à tenir ses promesses, et l'a confiée dans la foulée à Bolloré Africa Logistics, arrivé deuxième lors de l'appel d'offres initial. Cette éviction avait déclenché une violente polémique, l'ancien concessionnaire ayant notamment porté plainte contre X pour corruption. Une accusation vigoureusement réfutée par Dominique Lafont: dans un entretien aux «Echos» du 24 mars , le directeur général de Bolloré Africa Logistics affirmait qu'elle «repose sur un dossier complètement vide».
De nombreuses surprises
Sur place, force est de constater qu'un changement de concessionnaire n'était pas du luxe, tant le terminal dont hérite Bolloré est étroit et obsolète. «Nous avons eu notre lot de surprises», témoigne Jean-Michel Maheut, directeur de Bolloré Africa Logistics pour la Guinée. Il a ainsi découvert qu'en plus des 200 salariés officiels de la concession, dont les contrats de travail ont été automatiquement transférés sur le nouvel opérateur, 180 autres travaillaient sur le site en dépendant d'une mystérieuse société d'intérim.
Une pratique qui, en France, pourrait être assimilée à du délit de marchandage et de prêt de main-d'oeuvre illicite. Depuis, la situation de ces personnels a été régularisée. Mais la correction d'autres anomalies prendra plus de temps. Ainsi, au dire des dirigeants locaux de Bolloré, 20% des grutiers pilotant les énormes grues mobiles Gottwald pour déplacer les conteneurs sur le quai sont analphabètes, ce qui nécessite le lancement en urgence de plans de formation touchant aussi bien à la sécurité qu'à l'apprentissage de la lecture et de l'écriture.
Des cadres et ingénieurs dépêchés en urgence
Pour remettre au carré le terminal au plus vite, le nouveau concessionnaire a fait venir ses propres engins de manutention, le vieux matériel de Getma ayant été remisé dans un coin, mais a également mis le paquet sur l'encadrement, dépêchant en urgence à Conakry une quinzaine de cadres et d'ingénieurs français et africains, dont l'ancien patron du terminal à conteneurs d'Abidjan, Jean-Michel Maheut. Au-delà de ces actions immédiates, il s'agit de mener à bien un ambitieux plan de développement du port, préalable indispensable pour désenclaver la Guinée en la reliant au Mali et au Burkina Faso via un corridor logistique, et pour lui permettre d'exploiter au mieux ses nombreux gisements de bauxite et de minerai de fer. Pour ce faire, Bolloré s'est engagé à investir 500 millions d'euros sur la durée de la concession, dont de 150 à 200 millions déployés en urgence, dans les trois ans. Le quai, très insuffisant avec une longueur de 270 mètres seulement ne permettant de recevoir qu'un seul navire à la fois, sera alors doublé, puis triplé, ainsi que les surfaces de stockage des conteneurs.
Cela permettra, à terme, de décupler la capacité annuelle du terminal à 1,2 million de conteneurs équivalent vingt pieds. «Notre objectif, résume Dominique Lafont, c'est de hisser dans les deux ans Conakry à hauteur de 80% de ce qui se fait à Abidjan, le port de référence de la côte ouest africaine.»

Ecrit par
Claude BARJONET
© Copyright Les Echos

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