(Les Afriques 08/06/2011)
3 mois après le début d’une insurrection armée présentée sous le couvert d’une révolution populaire, le Guide libyen, le colonel Mouammar El Kadhafi, se retrouve dans un isolement croissant.
Les rangs des « alliés » et ex amis africains de Kadhafi enregistrent des défections à l’image des présidents mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz et sénégalais, Abdoulaye Wade. Toujours unanimes à rejeter les frappes aériennes de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), contre les positions des troupes fidèles au pouvoir de Tripoli, les pays africains laissent cependant apparaître des signaux assimilables à des divergences sur le plan diplomatique qui entraîneront inéluctablement un délitement de la position commune.
Les membres du comité ad-hoc de haut niveau formé par l’Union Africaine (UA), composé du président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, sud africain, Jacob Zuma, Congolais, Denis Sassou N’Guesso et ougandais, Yoweri Museweni, ont échoué dans leur tentative visant à nouer le dialogue entre le pouvoir de Kadhafi et l’opposition regroupée au sein du Conseil National de Transition (CNT). Le double déplacement à Tripoli et Benghazi n’a pas permis d’aplanir les angles.
La mission continentale de haut niveau était porteuse d’une proposition de sortie de crise pacifique dans le cadre d’une feuille de route dont les étapes se déclinent ainsi : cessez le feu immédiat, acheminement de l’aide humanitaire, instauration d’une période de transition. Le tout ponctué d’un dialogue débouchant sur des élections générales libres, démocratiques et transparentes.
Faute de confiance, les chefs d’état africains n’ont pas trouvé une oreille attentive au sein d’un CNT visiblement méfiant vis-à-vis de leaders dont certains sont redevables au Guide libyen pour une foule de raisons. Le président Jacob Zuma est retourné à Tripoli pour une mission « secrète » dont l’objectif était, semble-t-il, d’obtenir la démission du Guide.
La suite est connue : poursuite de la guerre, dont les différents paramètres renvoient à un enlisement du conflit. Ce qui amène aujourd’hui la France et l’Angleterre à pousser plus loin l’escalade par une stratégie plus rapprochée, avec l’engagement récent d’hélicoptères de combat.
Départ de Kadhafi
Dans un entretien exclusif accordé à l’Agence France Presse (AFP), lundi soir, le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, ne prends pas de gants et montre carrément au leader le tunnel de sortie. « Le colonel Mouammar El Kadhafi ne peut plus diriger la Libye. Son départ devient une nécessité. Quoi qu’il arrive, il y aura une solution négociée avec le temps ».
Le chef de l’état mauritanien doute cependant de « l’efficacité » des frappes aériennes menées par l’OTAN, notamment sur la ville de Tripoli « même si elles ont permis de diminuer l’intensité des attaques gouvernementales contre les positions des insurgés, le problème de fond n’est pas réglé ».
Le fait que Mohamed Ould Abdel Aziz, président en exercice du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine (CPS/UA) et dirigeant du haut comité ad-hoc sur la Crise en Libye, demande expressément le départ de Kadhafi apparaît comme un tournant diplomatique, selon l’avis de nombreux observateurs africains.
Le chef de la révolution libyenne de 1969 (qui a subi l’effet dévastateur du temps) avait été un soutien fervent du coup d’état du 6 août 2008 en Mauritanie conduit par le même Ould Abdel Aziz, et du scrutin présidentiel sur mesure (finalement reporté à plus tard) du 6 juin 2009.
Episode précédent du processus d’isolement du colonel Kadhafi, Quelques jours avant la déclaration du président Mohamed Ould Abdel Aziz, une délégation du CNT libyen était reçue à Dakar par le chef de l’état sénégalais, maître Abdoulaye Wade.
Dans la foulée, le gouvernement sénégalais reconnut la « légitimité » de l’insurrection libyenne et autorisa la rébellion à ouvrir un bureau à Dakar. Pour couronner le tout, Abdoulaye Wade exigeait le départ de Mouammar El Kadhafi, Roi des chefs traditionnels du continent et compagnon dans le combat pour le panafricanisme.
En fait, très engagé dans la guerre en Libye, le président français, Nicolas Sarkozy, aurait, dit-on, sollicité maître Wade à l’effet de convaincre ses pères africains de la nécessité de laisser l’OTAN provoquer la chute du régime en place depuis 42 ans à Tripoli.
La récente invitation du chef de l’état sénégalais au sommet du G8 à Deauville s’inscrirait ainsi dans la logique de la détermination de Sarkozy à obtenir la tête du « dictateur » libyen.
en fait seule la présence de 3 chefs d’états africains, Alpha Condé (Guinée), Mamadou Issoufou (Niger) et Alassane Dramane Ouatara (Côte d’Ivoire)-qui présentent la particularité d’avoir gagné des élections libres, démocratiques et transparentes, étaient le fait du G8, Wade étant là au compte du pays organisateur.
Au finish, il apparaît clairement qu’une UA marginalisée, n’avait pas les moyens de s’opposer aux desseins des occidentaux en Libye.
Du coup, sa feuille de route pour une sortie pacifique de crise prend la forme d’un baroud d’honneur.
Amadou Seck , Nouakchott
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