Au Sud-Kordofan, la guerre a repris entre Khartoum et les anciens rebelles de l’Armée populaire de libération du Soudan.
L’évêque de la région parle d’attaques ciblées des forces du président Béchir contre les Nubas, une ethnie africaine.
Barack Obama a réclamé, hier, la « fin immédiate des actions militaires soudanaises ».
Une nouvelle guerre a débuté au Soudan. Le face-à-face oppose des milices arabes soutenues par les troupes de Khartoum aux anciens rebelles africains du SPLA, l’Armée populaire de libération du Soudan.
Les deux camps s’affrontent dans la région du Sud-Kordofan, vaste territoire sous-développé au cœur du Soudan, où cohabitent des tribus arabo-musulmanes et des Africains de l’ethnie Nuba, majoritairement chrétiens. Ce combat à huis clos frappe cruellement les populations civiles.
Plus de 70 000 habitants en fuite
Les Églises parlent même « d’atrocités de masse ». Le forum œcuménique du Soudan, qui regroupe les principaux mouvements chrétiens du pays, évoque « des civils en fuite chassés comme des animaux par des hélicoptères de combat » de l’armée soudanaise. Des villages sont bombardés. Plus de 70 000 habitants ont pris la fuite. Dans la ville de Kadugli, plusieurs témoins accusent les troupes de Khartoum de ratisser les quartiers, maison par maison, arrêtant toute personne susceptible d’être un sympathisant des rebelles.
Ils rapportent des cas d’exécutions sommaires, des violences contre des femmes, le pillage systématique et méthodique des maisons. « Notre cathédrale a été détruite ; des fidèles sont tués, alerte l’archevêque anglican Daniel. Khartoum chasse de la ville les Africains et les chrétiens. » Pour Mgr Macram Gassis, évêque catholique d’El-Obeid, chef-lieu de la région, « Omar El Béchir a déclaré la guerre à la population Nuba. Une tragédie est en préparation. »
Les Nubas craignent pour leurs vies
Pendant la guerre entre le Nord et le Sud du Soudan, de 1983 à 2005, les Nubas avaient combattu aux côtés des rebelles du SPLA. La réplique de Khartoum avait été sanglante : bombardement aérien des villages, attaques au sol des milices, recours au viol et à la famine comme arme de guerre. « Omar El Béchir utilise la même stratégie aujourd’hui, s’alarme Mgr Gassis. Il veut vider le Sud-Kordofan des populations Nubas. Il a d’ailleurs nommé comme gouverneur Ahmed Haroun ». Cet homme traîne une réputation de boucher aux yeux des Nubas qu’il a combattus pendant la guerre civile.
Passé entre-temps par le Darfour, il est poursuivi par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre. De retour au Kordofan, il a remporté les élections locales en mai dernier, un résultat contesté par l’opposition.
Une paix impossible
À peine élu, Ahmed Haroun a demandé aux anciens rebelles de rendre les armes qui fourmillent dans la région. Demande rejetée. La réponse n’a pas tardé. « Le 1er juin, les communications ont été coupées, raconte un travailleur humanitaire de retour en Europe.
Trois jours après, l’armée soudanaise bombardait Kadugli. Aussitôt, les Nubas ont repris les armes. Nous avons dû fermer les écoles, faute d’élèves, partis se battre aux côtés de leurs pères. Les femmes et les enfants se sont réfugiés dans les monts Nuba. Pour tous, c’est une lutte à mort. Avec un seul mot d’ordre, le rattachement au Sud-Soudan. »
Les États-Unis ont demandé un cessez-le-feu.
Préoccupées par l’échéance de l’indépendance, le 9 juillet, les autorités du Sud-Soudan refusent de se lancer dans une conflagration générale avec le Nord. Des armes et des munitions circulent cependant des deux côtés de la frontière, sous les yeux d’une communauté internationale incapable d’empêcher l’escalade et de protéger les populations civiles.
Selon des témoignages recueillis par les Églises, des sympathisants supposés des rebelles auraient été exécutés devant le camp de la Mission de la paix au Soudan (Minus).
« Les bombardements sont en train de causer d’énormes souffrances à la population civile », a reconnu le porte-parole de la Minus. Alliés du Sud-Soudan, les États-Unis ont demandé hier un cessez-le-feu. « Khartoum doit prévenir toute nouvelle escalade de ce conflit en cessant immédiatement ses actions militaires, y compris les bombardements aériens, les déplacements forcés (de populations) et les mesures d’intimidation », a déclaré le président Barack Obama.
OLIVIER TALLÈS
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