(Les Afriques 01/06/2011)
L’interdiction des exportations de grumes a provoqué une levée générale de boucliers. « Par sa précipitation, cette mesure décrédibilise Ali Bongo ! » clamait le CIAN. ABO a tenu bon. Bien lui en a pris. La conjoncture lui donne raison.
Suite à la décision d’ABO, les scieries gabonaises tournent à plein régime.
Il l’avait promis pendant sa campagne électorale. Il l’a fait. Vingt jours après son investiture, Ali Bongo Ondimba est passé aux actes en annonçant, le 5 novembre 2009, l’interdiction d’exportation des grumes.
Le fait n’est pas fortuit. Sachant ses compatriotes, comme les partenaires, plutôt sceptiques sur les ruptures annoncées pendant la campagne électorale, le nouveau chef de l’Etat a choisi une mesure difficile, coûteuse financièrement, politiquement et diplomatiquement, pour montrer sa détermination et sa volonté de changement en impulsant sa propre dynamique, sa propre politique.
« 50 ans après l’indépendance, le Gabon doit être autre chose qu’un simple réservoir de matières premières », a expliqué le Premier ministre, Paul Biyoghé Mba.
Le bois est l’un des secteurs stratégiques, emblématique de la politique économique conduite depuis l’indépendance. Grand potentiel, mais peu de profit pour la communauté nationale en raison de l’absence de toute valorisation, de toute plus-value sur place.
Avec 22 millions d’hectares, la forêt représente 85% de la superficie du pays, premier producteur forestier africain par habitant (22 ha per capita). Le secteur génère 4,5% du produit intérieur brut (PIB) avec une valeur ajoutée de 194 milliards de francs CFA (291 millions d’euros) en 2008. La filière est également le premier employeur privé du Gabon, avec 20 000 emplois directs et indirects.
« La première bille d’okoumé est partie en 1908. Il n’est pas très performant que le même mode d’exploitation continue 102 ans après (...). 50 ans après l’indépendance, le Gabon doit être autre chose qu’un simple réservoir de matières premières », a expliqué le Premier ministre, Paul Biyoghé Mba.
Malgré tout, les dispositions du Code forestier n’avaient jamais été respectées. Pas plus que les objectifs convenus entre l’Etat et les entreprises étrangères, qui prévoyaient 75% de transformation locale des grumes en 2012. A deux ans de l’échéance, le pourcentage n’atteint encore que 25% à 35%.
Lobbying
Malgré tout, un lobbying féroce est exercé par les nombreux intérêts entremêlés pour empêcher la mise en œuvre de la décision présidentielle.
Au titre de la société civile, Marc Ona, président de l’ONG environnementale Brainforest et représentant local du réseau pour la transparence Publiez ce que vous payez (PWYP), qualifie la mesure d’« irréaliste et inapplicable ». La Société d’exploitation des parcs à bois du Gabon (SEPBG) renchérit : « Il y a véritablement un risque de dépôt de bilan pour la SEPBG. »
C’est Anthony Bouthelier, président délégué du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN), qui se déchaîne le plus, faisant feu de tout bois. « Cette décision brutale prise sans la moindre concertation est un mauvais coup pour les investisseurs et passe à côté de l’objectif. Par sa précipitation, cette mesure décrédibilise Ali Bongo. »
Les industriels français saisissent l’Élysée en prévision de la visite de travail du chef de l’État gabonais en France le 20 novembre 2009.
Imperturbable, ABO explique à Sarkozy. « Cette mesure n’est pas une surprise. C’est une promesse de ma campagne électorale que je tenais à mettre en œuvre. Nous prendrons un certain nombre de mesures d’accompagnement pour indemniser certains acteurs de ce secteur, si nécessaire. A l’heure actuelle, seuls 45% des grumes de bois sont transformés au Gabon, alors que la loi forestière nous impose d’arriver à 75% en 2012. Il est donc normal que nous nous inquiétions du retard pris. »
Pertes de recettes
Ni les pressions politiques, ni les menaces syndicales, pas plus que le manque à gagner dans l’immédiat pour l’Etat, n’ont eu raison de la détermination présidentielle. Ce dernier est pourtant conséquent. 75 millions d’euros de pertes de recettes fiscales directes et indirectes, de l’impôt sur les sociétés et autres taxes intérieures. Mais surtout, 213 millions d’euros de recettes d’exportation manqueront à la balance des paiements. « Les entreprises du secteur annoncent également le licenciement de dizaines d’employés du fait d’une amputation de notre chiffre d’affaire de l’ordre de 40 à 70% », explique Franck Chambrier, gérant d’Industrie Bois Négoce Gabon (INBG).
L’enjeu est trop crucial pour que le gouvernement recule. Quoi qu’il peut lui en coûter, il maintient le cap de « la transformation locale des essences forestières en vue de créer davantage de richesse nécessaire pour juguler le chômage, notamment des jeunes et des femmes, et d’exporter des produits finis et semi-finis à forte valeur ajoutée », ainsi que l’indiquait le communiqué du Conseil des ministres ayant annoncé la décision.
Bien lui en a pris. La conjoncture est en train de tourner. Après avoir licencié, le secteur est en train de recruter. S’il n’est pas garanti que le taux de transformation atteigne les 75% fixés pour 2012, de sérieux progrès auront été faits.
CES
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