(Courrier International 07/06/2011)
Depuis le début de l'année, le gouvernement est confronté à une vague de mutineries sans revendications précises. Les changements dans la hiérarchie militaire n'y ont rien fait. Le 1er juin, un nouveau soulèvement a eu lieu, mais, cette fois, le gouvernement l'a réprimé.
Des milliers d'étudiants manifestent dans les rues de Ouagadougou vers le ministère de l'Education, 23 mai 2011.
Après avoir essayé en vain de ramener le calme dans le pays en tentant des remaniements au sein du gouvernement et du commandement, le pouvoir avait opté pour la poursuite du dialogue. La promptitude avec laquelle le président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, et son équipe gouvernementale accédaient aux revendications des différents corps avait fini par faire croire que le régime avait trouvé la formule idéale pour juguler la crise. Mais l’accalmie qui a suivi ces mesures qui se voulaient conciliantes et rassurantes a fait long feu, troublée qu’elle fut par des mutineries dans certaines garnisons du pays. Visiblement las de voir son autorité bafouée par des "hommes de tenue" censés défendre et protéger la population sur qui ils commettent des exactions, le pouvoir exécutif a fini par taper du poing sur la table. C’est ainsi qu’il a diligenté une opération commando menée par un groupe lourdement armé qui est parvenu à restaurer la quiétude dans la ville de Sya [Bobo-Dioulasso] en désarmant manu militari les mutins. Au-delà des résultats immédiats obtenus, à savoir l’arrestation des militaires qui s’étaient mués en vandales, en pillards et en violeurs, le bien-fondé de cette intervention et ses conséquences ne manquent pas de susciter quelques réflexions.
Le gouvernement qui, certes, porte la principale responsabilité dans l’éclatement de la crise a tellement fait preuve ces derniers temps d’esprit d’ouverture et de concessions multiples que toute revendication gagnerait à passer avant tout par la table du dialogue qu’il a dressée au début des troubles. Fallait-il tolérer encore longtemps les fauteurs de troubles qui préfèrent se faire entendre hors de ce cadre républicain ? Un corps comme l’enseignement, bien que n’ayant pas d’armes, a engrangé des résultats. Le chef-lieu de la province de Houet semble juste avoir été le cobaye d’une nouvelle stratégie que les dirigeants burkinabés veulent expérimenter après l’échec de sa méthode douce et pacifique. Et nous doutons fort qu’à sa place un autre gouvernement attende naïvement que toutes les casernes du pays se mutinent une deuxième fois pour pouvoir justifier l’usage d’une force républicaine, qui ne serait plus sous ses ordres. En plus d’avoir contribué à prouver aux violents mutins qu’ils n’avaient pas le monopole de la force pour faire plier l’échine aux autorités, cette intervention musclée sonne comme une mise en garde capable de dissuader d’éventuels candidats à l’anarchie. Les civils qui paient le plus lourd tribut de ces sorties incontrôlées d’hommes en treillis se sentiront ainsi rassurés, convaincus désormais que ceux à qui ils ont délégué leur pouvoir ont encore du mordant et sont capables d’assurer leur sécurité.
Toutefois, le gouvernement doit savoir gérer les conséquences de cette opération. Il faut éviter qu’elle ne suscite une autre raison de grogne au sein de l’armée. N’adoptons pas le même battement d’ailes que les oiseaux de mauvais augure en n’envisageant que le pire dans le dénouement de la nouvelle stratégie du régime du président Compaoré. Reconnaissons donc qu’il serait trop tôt et même risqué de se réjouir ou de s’inquiéter de la répression de la mutinerie bobolaise, qui ne doit d’ailleurs pas être le dernier acte du pouvoir d'Ouagadougou en matière d’apaisement de la situation nationale. Car une résolution efficace de la crise nécessite des solutions appropriées à ses causes que l’on sait profondes. Ainsi, les traitements discriminatoires et inéquitables doivent être bannis de la gestion des ressources humaines au sein de la grande muette. Et, afin de permettre aux soldats de mieux comprendre et de s’approprier le bien-fondé de la discipline dans leur corps, un accent particulier doit être mis dorénavant sur le rôle du soldat dans un Etat de droit.
En somme, c’est une armée plus républicaine et plus disciplinée qu’il faut travailler à reconstruire afin d’éviter que ceux qui la composent retournent les armes, acquises aux frais du contribuable, contre ce dernier. Ainsi, les populations civiles seront épargnées de ces situations comme cet affrontement entre éléments du même corps armé, dont elles ne savent réellement pas s’il faut en rire ou en pleurer.
Le Pays
© Copyright Courrier International
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire