lundi 3 janvier 2011

Madagascar 2011 : deux ans après la crise, où en est la sortie? (ANALYSE)

(Xinhuanet 03/01/2011)
ANTANANARIVO -- La Haute Autorité de Transition (HAT) malgache, présidée par Andry Rajoelina, a récemment mis en place la IVème République dans l'espoir de faire sortir le pays de la crise politique, qui persiste toujours malgré deux ans de tractations.
Pourtant, cette république, tout comme les multiples démarches entreprises précédemment - que ce soit le nouvel accord de sortie de crise signé en août ou les initiatives conclues à Maputo et à Addis-Abéba au cours de l'année 2009 - ne serait pas un remède miracle. La voie pour débourber cette île pauvre de l'océan Indien devrait être, aux yeux d'un nombre d'analystes, longue et pénible.
UNE CRISE CHRONIQUE
L'enlisement politique d'aujourd'hui ne se fait pas en un jour.
En décembre 2008, le président d'alors Marc Ravalomanana a fermé la télévision VIVA (propriété du maire d'Antananarivo, Andry Rajoelina), pour avoir diffusé des propos de son prédécesseur Didier Ratsiraka à ses dépens, ce qui a mis le feu aux poudres.
Avec le soutien de l'armée ayant fait défection contre le régime Ravalomanana, Andry Rajoelina a chassé le président Ravalomanana du pouvoir en mars 2009, avant de se nommer à la tête de la Haute autorité de transition (HAT).
Ce scénario peut trouver son écho dans l'histoire. Le président évincé Ravalomanana, qui vit actuellement en exil en Afrique du Sud, avait été proclamé vainqueur par la Haute Cour constitutionnelle (HCC) fin 2001 sans que la communauté internationale ne reconnaisse sa légitimité, tandis que le président sortant alors Didier Ratsiraka avait dû s'exiler à Paris.
Le cycle vicieux de transfert de pouvoir est d'autant plus compliqué qu'avec un changement de rapport de force entre les formations politiques.
Au moment du bras de fer engagé entre Rajoelina et Ravalomanana, les deux anciens présidents, Didier Ratsiraka (1975-1991 puis 1997-2001) et Zafy Albert (1993-1996), ont fait front commun avec le précédent dans les contestations populaires pour destituer le dernier.
Cependant, faute d'un consensus sur la concrétisation de l'accord de Maputo, Ratsiraka et Zafy se sont réconciliés avec Ravalomanana pour former un bloc nommé Mouvance Madagascar, de manière à unir leur force pour contrer Rajoelina. Désormais, la crise politique est devenue une contestation entre d'une part la HAT de M. Rajoelina et d'autre part la Mouvance Madagascar des trois anciens présidents.
"Tel est le cas de Madagascar, la grande île est actuellement divisée par les politiques, les uns supportent la HAT, et les autres supportent les anciens présidents. Les deux camps prennent les peuples comme leur bouclier politique", a déploré un haut fonctionnaire malgache, qui a requis son anonymat.
La crise à Madagascar a tant inquiété la communauté internationale qu'elle n'a ménagé aucun effort pour parrainer des négociations. Ces efforts, allant de l'accord de Maputo signé le 9 août 2009, à l'acte additionnel d'Addis-Abéba conclu en novembre 2009, en passant par les pourparlers de Pretoria, n'ont pourtant pas réussi à porter des fruits espérés.
Un expert en science politique a pour sa part estimé qu'il y aurait encore une longue voie pour terminer cette crise politique, car les protagonistes de cette crise "insistent sur leurs idées respectifs".
LA IVe REPUBLIQUE CONTRE UNE NOUVELLE TRANSITION
Le 11 décembre, l'histoire malgache a tourné une nouvelle page avec la proclamation de la IVe République de Madagascar par Andry Rajoelina, à l'issue d'un référendum constitutionnel tenu en novembre dernier, dans lequel 74% des électeurs malgaches se sont prononcés en faveur de l'adoption d'une nouvelle Constitution.
"Il est temps de se pencher sur le fondement de la IVe République en instituant une constitution crédible et qui servira tout le peuple malgache, mais non plus les seuls tenants du pouvoir comme auparavant", a souligné le président de la HAT, tout en oeuvrant pour la tenue des élections législatives, municipales et présidentielles.
L'autorité a récemment annoncé qu'une élection législative aurait lieu à Madagascar le 16 mars 2011, conformément au calendrier électoral compris dans le dernier accord conclu le 13 août 2010, qui prévoit aussi la tenue de l'élection présidentielle le 4 mai 2011.
Cependant, l'empressement de la HAT s'est heurté à la réticence des mouvances des trois anciens présidents, qui réclament la mise en place d'abord d'une nouvelle transition qu'ils dirigeront ensemble avec la HAT avant d'installer les institutions de transition et de décider des dates des élections.
Jusqu'ici, la communauté internationale considère ce processus électoral initié par la HAT sans l'adhésion des mouvances politiques des trois anciens présidents comme étant unilatéral.
Selon le juriste Sahondra Rabenarivo, l'installation de "la IVe République ne va pas apporter de changements majeurs, et ce n' est qu' un moyen de légitimer le pouvoir hâtif".
"La mise en place de la IVe République ne signifie pas grande chose pour nous, puisqu'il n' y avait pas de respect de règle et que c'est une décision unilatérale par Andry Rajoelina", a déclaré de son côté Emmanuel Rakotovahiny, un responsable de la mouvance Albert Zafy dans une interview à Xinhua.
"Rien ne peut être résolu à partir de cette mise en place de la quatrième république...La crise ne se résoudra jamais sans le retour de Andry Rajoelina à la table de négociation", a-t-il poursuivi.
Jean Eric Rakotoarisoa, un expert en droit constitutionnel, a mis l'accent sur la nécessité de parvenir à un accord politique entre les protagonistes dans le cadre de la IVe République.
"La crise n' est pas encore résolue. Il s' agit de convaincre une partie de l' opposition pour participer à la mise en place de la IVe République", a-t-il noté.
Pour la recherche d' un accord entre les protagonistes, l'émissaire de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), Leonardo Simao, semble être plutôt optimiste. Au terme de ses récentes consultations avec les responsables politiques malgaches, il a confié qu'un protocole d'accord concernant la résolution de la crise serait déjà en gestation.

Par Eric LAPEROZY
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