(Walfadjiri 20/09/2010)
Pour Wade, le maire de Dakar, Khalifa Sall, est un homme potentiellement dangereux. Sa gestion de la capitale pourrait être un solide argument de campagne face à une gouvernance libérale empêtrée dans les scandales.
Il a jugé utile de préciser qu'il n'est pas candidat à la présidentielle de 2012. C'était en mai dernier, lors de sa déclaration de patrimoine. Mais faut-il ajouter foi aux propos des hommes politiques ? Après tout, Wade avait déclaré qu'il ne se représentera pas pour 2012.
L'actualité politique sénégalaise est un scénario hitchcockien, truffé de surprises et de rebondissements. Les positions de ses acteurs changent radicalement au gré des circonstances. L'information judiciaire que le gouvernement va ouvrir sur l'acquisition par la ville de Dakar de quatre terrains à 14 milliards Cfa peut être un effet déclencheur.
C’est en tout cas un élément perturbateur de la cohabitation, jusque-là très civilisée, entre l'autorité centrale du Pds et le pouvoir local de Benno. Cette friction n’est pas une surprise. C’était prévisible que le gouvernement de Wade ne souffrirait pas longtemps, à ses côtés, un homme qui a la carrure requise pour entrer dans les habits d’opposant idéal.
Depuis son élection à la mairie de Dakar, Khalifa Ababacar Sall n'a cessé de poser des actes (volontaires ?) gênants pour la gestion libérale, marquée par des scandales à répétition. Dès sa prise de fonction, il s'érige (malgré lui?) en parangon de la nouvelle vertu sénégalaise. Ses précautions langagières n’y font rien. Sa déclaration de patrimoine est un défi lancé ouvertement à la classe politique. D’autant que rien ne l'obligeait à le faire sur la place publique. Un notaire et un jury d'honneur auraient amplement suffi. Un tel vœu de probité morale dans la gestion des deniers publics force le respect de l'opinion. Ses concurrents politiques, de tous bords, ont compris que ce geste ajoute au capital sympathie de son auteur.
Dans son camp politique, le Ps, on regrette un étalage de biens contraire à nos mœurs. Wade, en fin animal politique, surveille de près la cote de popularité du maire de Dakar. Dans sa livraison du 5-11 juin 2012, Nouvel Horizon, reprenant Souleymane Jules Diop, chroniqueur à Seneweb, soutient que Wade aurait dit au nouvel homme fort de la capitale : ‘Les renseignements m'ont dit que vous êtes très populaire (...) Heureusement que je ne vous ai pas eu comme adversaire à la dernière présidentielle.’
Qu'il veuille l'assumer ou pas, Khalifa Sall est un dangereux rival pour le pouvoir en place. Plusieurs choses l’expliquent. Avec la relocalisation des marchands ambulants, il est en train de prendre à son compte un projet-phare du pouvoir libéral. Là où l'Etat met 5 milliards, il donne huit fois, 41 milliards. Ce dossier sur lequel son prédécesseur, Pape Diop, a dangereusement échoué, plongeant la capitale dans une situation insurrectionnelle, Sall le gère avec tact. N’eût été l'information judiciaire du gouvernement, l’affaire aurait passé comme lettre à la poste.
Il faut ajouter que l'édile de Dakar a hérité d'une des plus grandes fiertés de l'Alternance : les infrastructures routières de la capitale. Les retombées de telles réalisations ne sont pas indissociables de l’actif du maire socialiste à l'heure du bilan.
Un contre-exemple à l’administration libérale
Khalifa Sall occupe un fauteuil cher à Wade. Pour l’avoir brigué quand il était opposant. On se souvient : il fut candidat malheureux aux élections de 1996. Devenu président de la République, le père a caressé le rêve d'offrir la capitale à son fils, Karim. Et si le Sopi n'avait pas pris une branlée en mars 2009, Dakar serait devenue, sans doute, la pierre de touche de la dévolution dynastique du pouvoir.
Le maire de Dakar est à prendre au sérieux dans la compétition politique. Des exemples foisonnent dans le monde qui montrent que la capitale est souvent le meilleur tremplin pour la magistrature suprême : Chirac en France, Lula au Brésil. Il faudra cependant régler l’inévitable question du leadership au sein du Parti socialiste. Khalifa Sall a les atouts pour déranger Tanor. Son âge lui donne plus de fraîcheur. Son parcours politique le prédispose plus au pardon collectif que son secrétaire général. Il n’était pas au cœur du système, donc moins comptable de la lamentable gestion socialiste que l’ancien bras droit de Diouf. Avec Dakar, pour peu qu’il réussisse son bilan, il dispose d’un important bassin électoral.
Mais si Khalifa Sall n'est pas partant pour la présidentielle, comme il l'a précisé, son bilan peut redonner du crédit à son camp politique. Le candidat de son parti ne se priverait pas de brandir sa ‘gestion transparente et solidaire’, comme un quitus de bonne gouvernance. Un contre-exemple à l’administration libérale. Benno Siggil Sénégaal, ou le Parti socialiste, selon le schéma retenu par l'opposition, pourra, non seulement dénoncer les fautes du pouvoir central, mais prêcher par l'exemple. C’est pourquoi quand Khalifa Sall déclare publiquement : ‘Nous gérons des derniers publics et nous faisons les choses dans la transparence’, cela est vite assimilé à un gros cailloux dans le jardin libéral.
Abdou Rahmane MBENGUE
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