(L'Express 20/09/2010)
Seize ans après l'attentat déclencheur du génocide rwandais, de la mousse et des oiseaux se nichent dans la carcasse du Falcon 50 de l'ancien président rwandais hutu Juvenal Habyarimana.
Des juges français inspectent les vestiges du Falcon 50 de l'ancien président rwandais hutu Juvenal Habyarimana abattu en 1994, à l'origine du génocide. Selon le procureur de la République Xavier-Rolai présent au Rwanda, le rapport de l'enquête pourrait être terminé d'ici mars 2011. (Reuters/Hereward Holland)
Depuis le 6 avril 1994, les vestiges de l'avion sont restés là où ils étaient retombés après l'attentat qui a cristallisé les tensions entre la France et le Rwanda.
Les relations diplomatiques entre Kigali et Paris ont été rompues en 2006 lorsque le juge Jean-Louis Bruguière a lancé des mandats d'arrêt contre neuf proches de Paul Kagame dans le cadre de l'enquête.
Kagame, l'actuel président tutsi du Rwanda, a accusé le gouvernement de François Mitterrand d'avoir entraîné et formé les milices hutues qui ont tué 800.000 personnes en 100 jours après l'attaque de l'avion.
Les relations diplomatiques entre les deux pays ont été rétablies l'année dernière et une équipe d'enquêteurs français se trouve actuellement au Rwanda pour réexaminer une dizaine de témoignages afin de déterminer l'origine exact des tirs.
Une enquête du gouvernement rwandais publiée en 2010 accuse des extrémistes évoluant dans le cercle restreint d'Habyarimana d'avoir abattu l'avion afin de saborder un accord sur la répartition du pouvoir.
"Nous avons demandé que des experts viennent au Rwanda. C'est important de connaître la vérité de cette histoire", a dit Lef Forster, avocat d'une proche de Kagamé, Rose Kabuye.
Kabuye, visée par une mandat d'arrêt d'Interpol, a été arrêtée en Allemagne avant d'être libérée et de revenir au Rwanda.
"Depuis des années, tout a été fait pour prouver leur culpabilité et rien n'a été fait pour trouver les vrais responsables de l'accident", a déploré Forster dans une mission catholique située à 14Km de Kigali où un témoin des Nations unies affirme avoir vu la trajectoire des missiles.
Derrière Forster, l'un des enquêteurs scrute avec des jumelles la piste d'atterrissage de l'aéroport tandis que des experts géomètres utilisent des cartes et du matériel pour confirmer l'origine des missiles.
ENQUÊTE INDÉPENDANTE
Selon l'enquête rwandaise, connue sous le nom de rapport Mutsinzi, les Forces armées rwandaises (FAR) hutues se trouvaient dans les baraquements de Kanombe situés à proximité de l'aéroport.
"L'assassinat du président rwandais Habyarimana est l'oeuvre des extrémistes hutus conscients que la mort de leur propre leader allait torpiller l'accord de partage de pouvoir connu sous le nom des accords d'Arusha", indique le rapport.
Le rapport du juge français Jean-Louis Bruguière de 2006 impute pour sa part la responsabilité de l'attentat à Kagame désireux selon lui de provoquer des représailles entre Tutsis et Hutus.
Le ministre de la Justice Tharcisse Karugarama a indiqué que la nouvelle enquête des juges français aurait dû être réalisée beaucoup plus tôt. S'il croit au contenu du rapport Mutsinzi, Karugarama estime qu'une enquête indépendante va apporter de la crédibilité aux découvertes rwandaises.
"Nous avons maintenant une enquête judiciaire menée par un juge qui n'est pas rwandais donc les résultats devraient avoir plus de poids en terme d'interprétation politique que le rapport Mutsinzi", a-t-il dit à Reuters.
Les juges français Marc Trévidic et Nathalie Poux sont accompagnés de cinq experts, d'un magistrat du parquet, de deux policiers, des avocats des neuf proches de Kagame.
Selon le procureur de la République Xavier-Rolai présent au Rwanda, le rapport de l'enquête pourrait être terminé d'ici mars 2011.
Par Reuters,
Marine Pennetier pour le service français
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