(Afriscoop 20/09/2010)
Les autorités et la société civile au Cameroun s’accordent sur la difficulté de disposer de données fiables et complètes sur l’exploitation pétrolière quasi totalement aux mains de compagnies étrangères, selon un rapport sur la transparence dans les industries extractives publié jeudi à Yaoundé.
A caractère indépendant, le troisième rapport, après ceux de 2006 et 2007, du Comité de suivi et de mise en œuvre de l’Initiative de transparence dans les industries extractives (ITIE) au Cameroun est une conciliation des chiffres et volumes des sociétés pétrolières, gazières et minières au titre des exercices 2006, 2007 et 2008.
S’agissant du secteur pétrolier, c’est un recueil de données physiques (volumes revenant à l’Etat dans le cadre des contrats pétroliers) et financières dont Xinhua a obtenu copie, portant sur les activités de 12 compagnies : Total, Pecten, Perenco, Mobil, Euroil, Noble, Sterling, Addax, Rodeo, Kosmos, Glencore et la Société nationale de raffinage (SONARA, étatique).
Au cours des trois années, relève le rapport, la production pétrolière du Cameroun a évolué de 31,91 millions de barils en 2006 à 31,24 millions en 2007 puis 30,70 millions en 2008, soit une baisse continuelle. La quote-part de l’Etat, représenté par la Société nationale des hydrocarbures (SNH), a augmenté de 65,8% la première année à 66,4% la seconde et 66,8% la troisième.
Le bilan de masse établit à 10,924 millions de barils la production déclarée par les compagnies et 20,986 millions par la SNH en 2006, contre 10,494 millions et 20,750 millions en 2007 puis 10,183 millions et 20,511 millions en 2008. Les volumes réceptionnés par la SONARA varient de 1,310 millions de barils en 2006 à 3,107 millions en 2007 puis 2,954 millions en 2008.
Le rapport se limite aux données globales sans préciser ni la rente versée à l’Etat ni les volumes de production et d’exportation de chaque compagnie. Par ailleurs, les experts des cabinets Mazars Cameroun et Hart Group Ltd publient une liste de 5 compagnies sur les 12 concernées n’ayant pas fourni d’informations : Mobil, Noble, Addax, Rodeo et Glencore.
"Pour toutes les sociétés parties prenantes où l’information avait été préalablement collectée, les données retournées étaient généralement complètes, mais pour celles dans lesquelles le processus était nouveau, les tableaux de collecte étaient en général incomplets et non renvoyés", souligne le document.
Aucune compagnie pétrolière, précise-t-il encore, n’a renvoyé d’information "concernant la production et l’utilisation de gaz, ainsi que la méthode de quantification ou d’estimation des volumes et ce qui a été fait de ce gaz".
De même, un tableau récapitulatif des données financières déclarées versées par les compagnies et des flux financiers déclarés reçus par l’Etat et ses démembrements laisse découvrir des vides dans les cases liées à chacune des parties prenantes sur la redevance proportionnelle à la production et le bonus de production.
Autre fait important, des différences de chiffres ou écarts notables apparaissent à tous les niveaux, tant pour l’impôt sur les sociétés que pour les droits fixes, la redevance minière proportionnelle, la redevance superficiaire, le bonus de signature, les dividendes et les formations. Ainsi par exemple, alors que les compagnies déclarent 33,447 millions USD de dividendes en 2007 et 70,997 millions en 2008, l’Etat signale plutôt 35,527 millions et 83,466 millions. Soit des écarts respectifs de 2,080 millions et 12,468 millions.
Concernant l’impôt sur les sociétés, les montants déclarés versés par les compagnies sont de 198,680 millions USD en 2006, 265,113 millions en 2007 et 292,880 millions en 2008. Contre des perceptions de 191,017 millions, 264,230 millions et 278,357 millions pour l’Etat. Ce qui, au final, produit des écarts respectifs de 7,662 millions, 883.000 et 14,523 millions.
Interrogé par la presse pour se prononcer sur la pertinence des données compilées, le ministre des Finances, Essimi Menye, a déclaré : "le rapport conciliateur qui est là est fonction de ce tout ce qu’il a pu avoir comme accès à l’information, ses capacités aussi de collecter. Mais il faisait tout ce travail sur la base des termes de références. Donc, il ne peut pas faire ce que les termes de référence n’ont pas prévu. C’est pour cela que nous allons revisiter aussi les termes de référence afin d’améliorer la qualité des données rendues disponibles au public".
Le ministre Essimi Menye a évoqué un éventuel recours aux méthodes inverses qui consistent à aller vers les pays importateurs pour regarder les quantités déclarées qu’on peut rapprocher. Parce que, a-t-il dit, les statistiques dans les pays développés sont assez fines. Mais, la tâche s’annonce toujours ardue, dans la mesure où "la plupart des sociétés pétrolières ont leurs maisons mères à l’étranger. Ce qui parfois est compliqué pour avoir les informations", a noté à Xinhua Aka Amuam, ancien député à l’Assemblée nationale (Parlement) du Social Democratic Front (SDF, principal parti d’opposition) et membre du comité national de suivi et de mise en œuvre d’EITI.
"C’est intéressant de dire que les compagnies pétrolières ou minières ont donné un tel montant, ce montant est authentique. Mais est-ce que c’est le montant qu’elles auraient dû donner ? Ça ne peut être vérifié que lorsqu’on a regardé le contrat qui dit quelle est la part qui est dévolue à chacun", a pour sa part estimé Honoré Ndoumbé Nkotto, responsable d’une organisation de la société civile, Focarfe.
Par Raphaël MVOGO
(Xinhua)
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