lundi 10 mai 2010

Togo - La « brillante » victoire de Faure Gnassingbé en question, Quand un «plébiscité » s’oblige à un gouvernement de « large ouverture »

(Togosite 10/05/2010)
La nouvelle était tombée mercredi. Le Premier ministre Gilbert Fossoun Houngbo a déposé sa démission. Selon un communiqué de la Présidence rendu public ce jour, Faure Gnassingbé a accepté la démission, mais mandate le «Technocrate » de gérer les affaires courantes en attendant la nomination de son successeur. Les consultations se poursuivent pour la formation d’un gouvernement de… large ouverture, précise ensuite le fameux communiqué.
Un gouvernement de large ouverture ? Voilà qui est dit. La prochaine équipe gouvernementale ne sera donc pas la chose exclusive des seuls militants et sympathisants du Rassemblement du Peuple Togolais (RPT),
des responsables des nombreuses associations de soutien à son « candidat indépendant », des amis de Faure Gnassingbé, bref de tous ceux qui ont milité pour sa réélection. Même des leaders de l’opposition, ceux-là mêmes qui ont œuvré pour lui arracher le pouvoir y seraient les bienvenus.
Agitation de la petite opposition
Une telle idée doit être bien accueillie dans certains milieux proches de l’opposition. Celui qui doit beaucoup sourire, c’est le tout dernier classé des candidats à l’élection du 4 mars, le patron du Parti du Renouveau et de la Rédemption (PRR). Depuis la proclamation des résultats, Nicolas Lawson ne manque pas d’occasion pour adresser des « J’ai l’honneur… » indirects à l’« heureux élu » afin qu’il lui trouve une place à la « mangeoire ». L’ami personnel de Lady Donita Neequaye l’a même publiquement déclaré qu’il voudrait travailler aux côtés de Faure Gnassingbé. C’est certainement dans cette optique qu’il était dans la loge officielle lors du défilé du cinquantenaire, et au grand marché de Lomé pour dissuader les bonnes femmes d’assister aux manifestations du FRAC- cette sortie était une expérience malheureuse pour lui, il a dû prendre la poudre d’escampette devant la furie des bonnes femmes.
Une telle idée de gouvernement de large ouverture doit faire aussi beaucoup bander au sein du club des AGO, les fameux Amis de Gilchrist Olympio. Jean-Claude Homawoo et compagnie doivent commencer à rêver de rentrer sous peu dans le gouvernement. On parie que certains ont même déjà commencé à renouveler leur garde-robe en vestes « ministérielles ».
On doit également beaucoup s’agiter dans le microcosme des partis « confidentiels ». Ces leaders de partis « micro organiques » dont le programme de société est leur ventre doivent depuis mercredi entreprendre des connexions impossibles pour faire partie des élus du roi. Mais quelle réelle chance les Justin Yidi, Gilbert Atsu, Dosseh-Anyronh, Dénis Nayone et compagnie ont-ils, quand on sait que le pouvoir RPT recherche plutôt de gros morceaux pouvant légitimer la réélection contestée de Faure Gnassingbé ?
La nouvelle n’est pas tombée comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. Des bruits circulaient depuis le début de la contestation qu’il serait prévu un gouvernement d’union pour calmer les cœurs endoloris. Des tentatives de débauchage ont été surtout opérées à l’endroit des leaders du Front républicain pour l’alternance et le changement (FRAC) à qui il est miroité des portefeuilles ministériels et autres avantages majeurs. Mais le communiqué de la présidence vient confirmer. Cependant cette idée de gouvernement de large ouverture remet à jour la problématique de la victoire même de Faure Gnassingbé.
L’aveu tacite
Si l’on en croit les résultats officiels proclamés par la Cour Constitutionnelle, le « candidat indépendant » du RPT l’a emporté avec 60,88% des suffrages exprimés, soit environ les 2/3 des votants. Cela équivaut à dire que c’est plus de la moitié des Togolais, près des 2/3 qui ont aussi approuvé ses idées, son projet de société. Assez suffisant comme soutien pour avancer. Les 1/3 restant qui ont voté pour l’opposition, donc contre lui, il pouvait les ignorer et foncer. Le vote des 2/3 est une marge suffisante de confiance, et on n’est pas obligé de tendre la main à l’opposition pour gouverner. Mais si Faure Gnassingbé en vient à penser à un gouvernement, pas de simple ouverture qui suppose la concession d’une poignée de strapontins aux leaders de l’opposition, mais de large ouverture qui induit un nombre plus important de portefeuilles aux adversaires, c’est tout simplement qu’il a des états d’âme. Et c’est ici qu’on est tenté de conclure que dans son âme et conscience, Faure Gnassingbé lui-même sait qu’il n’est pas le véritable gagnant des urnes, et que le score qui lui est attribué est factice. Et qu’ainsi pour consoler les déshérités, il faut leur réserver une grande part du gâteau. Sinon le bon sens n’arrive pas à s’expliquer que l’on puisse gagner avec plus de 60% des suffrages, donc l’aval de la très grande majorité des citoyens, mais vouloir opérer une large ouverture. « Même Ali Bongo qu’on a dit avoir gagné avec juste 43% des suffrages, donc pas la moitié des suffrages exprimés, n’est pas allé jusque là… Tout simplement Faure Gnassingbé se reproche quelque chose, il sait qu’il n’a pas gagné », glose un compatriote.
Il faut au demeurant voir en cette proposition un aveu tacite de culpabilité de Faure Gnassingbé quant à sa prétendue victoire. En tout cas avec cette large ouverture en perspective, il faut d’ores et déjà s’attendre à un gouvernement mammouth, c'est-à-dire à effectif pléthorique. Une mangeoire nationale.

Tino Kossi
SOURCE: LIBERTE HEBDO
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