(Affaires Stratégiques 02/06/2011)
Si Barack Obama a récemment décidé de réorienter sa politique étrangère au Moyen-Orient en se plaçant clairement du côté des mouvements démocratiques, notamment en Egypte et en Libye, l’attitude des Etats-Unis est plus ambiguë vis-à-vis d’autres pays autoritaires qui sont moins sous le feu des projecteurs médiatiques. The New York Times prend l’exemple de la Guinée équatoriale, quatrième exportateur africain de pétrole.
Ancienne colonie espagnole, la Guinée équatoriale, après avoir commencé à exploiter son pétrole dans les années 90, est devenue l’une des économies à avoir connu la croissance la plus rapide au monde. Elle reste l’un des pays d’Afrique ayant la croissance la plus forte de même qu’une des principales destinations pour les investissements étrangers. Cependant la Guinée équatoriale est caractérisée par un régime autoritaire implacable. Mainmise sur l’économie, culte de la personnalité, corruption, absence de pluralisme, presse strictement encadrée, le chef de l’Etat, Teodoro Obiang Nguema, dirige le pays d’une main de fer depuis 1979. La Guinée équatoriale occupe, d’ailleurs, la 167e place, sur 178 pays, dans le classement mondial 2010 de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières.
Pourtant Teodoro Obiang Nguema se maintient confortablement au pouvoir notamment grâce à la complicité active des diplomates et hommes d’affaires américains. Comme le formule le New York Times « le fait qu’il soit critiqué en matière de libertés élémentaires n’a guère fait obstacle à un large engagement commercial et diplomatique américain ».
En effet, des compagnies pétrolières américaines comme Chevron, Marathon Oil et Noble Energy se soucient peu des droits de l’homme et investissent fortement en Guinée équatoriale, quatrième exportateur africain de pétrole.
Jusqu’en 2005, le Département d’Etat américain avait opposé son veto quant à l’implantation d’une société américaine privée, Military Professional Resources Inc (MPRI) en Guinée équatoriale en raison du non-respect des droits de l’homme mais le gouvernement Bush a cédé quand Obiang a promis de mettre en place des réformes qui n’ont jamais vu le jour. Aujourd’hui cette société détient un contrat d’une valeur de 250 millions pour assurer la sécurité maritime du régime, afin d’empêcher toute tentative de coup d’Etat venant de la mer, ou encore pour former les troupes de police nationales qui selon les organisations internationales et les opposants politiques pratiquent systématiquement la torture.
Un ancien conseiller de Bill Clinton est quant à lui chargé de redorer l’image d’Obiang qui souffre d’une image peu flatteuse contre un contrat d’un million de dollars par an.
Un télégramme diplomatique révélé par Wikileaks montre également que l’actuel ambassadeur américain à Malabo, la capitale de la Guinée équatoriale est sur la même ligne que le gouvernement américain puisqu’il préconise « d’abandonner la posture morale » tout en minimisant la corruption de ce régime.
Alors que pour l’organisation Freedom House, la Guinée équatoriale fait partie des pires régimes répressifs du monde aux côtés de la Libye, de la Birmanie ou encore du Turkménistan, les Etats-Unis font ce qu’ils peuvent pour mettre à bas l’image désastreuse de pays. Le mois dernier, des opposants politiques ont été arrêtés pour avoir collé des affiches appelant à manifester contre Obiang, or les Etats-Unis ne cessent d’affirmer que la « situation s’améliore ». Les inégalités entre une élite proche du pouvoir et le reste de la population ne cessent de croître. L’ONG Human Rights Watch ainsi que la Banque mondiale affirment que 77% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et que la mortalité infantile n’a pas cessé d’augmenter depuis la découverte de réserves pétrolières.
Sources : Libération, The New York Times, Slate Afrique
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