(TF1 18/01/2011)
Le maintien au gouvernement tunisien de nombreuses figures politiques du régime de Ben Ali irrite la rue, malgré l'entrée remarquée de quelques personnalités de l'opposition.
Les Tunisiens découvrent la première des libertés d'une démocratie : celle de critiquer leurs dirigeants. Et ils ne s'en privent pas : à peine formé, le gouvernement de transition subit les foudres des opposants. Le Premier ministre Mohammed Ghannouchi a annoncé lundi à Tunis la formation d'une équipe "d'union nationale" marquée par l'entrée de trois chefs de l'opposition au régime du président déchu Zine El Abidine Ben Ali... mais dans lequel l'équipe sortante conserve les postes clés. Le nouvel exécutif a été formé trois jours après la chute du régime de Ben Ali, contraint à l'exil par un mois de révolte populaire.
Des opposants en exil comme de simples citoyens ont d'ores et déjà exprimé leur scepticisme, voire leur colère, face à la composition de ce gouvernement. Certains pourraient vouloir reprendre les manifestations qui ont conduit à la disgrâce de l'ancien président après 23 ans de pouvoir. Environ un millier de personnes ont ainsi manifesté lundi à Tunis pour dénoncer le maintien au pouvoir de la "vieille garde" du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti de Ben Ali. Les forces de sécurité ont utilisé des canons à eau et des grenades lacrymogènes et elles ont effectué des tirs de sommation pour disperser ce rassemblement.
Donner des gages en matière de libertés
Le ministre de l'Intérieur, Ahmed Friaa, fait partie des personnalités reconduites à leur poste ; c'est lui qui a annoncé le bilan officiel des troubles à la télévision publique, en indiquant qu'au moins 78 personnes avaient été tuées durant ce mois de contestation dans la rue. Les ministres de la Défense, de l'Intérieur, des Finances et des Affaires étrangères conservent leurs attributions dans le nouveau gouvernement. Najib Chebbi, fondateur du Parti démocratique progressiste (PDP, opposition), devient ministre du Développement régional. Moustafa Ben Jaafar, président du Forum démocratique pour le travail et la liberté (FDTL), obtient le portefeuille de la Santé; et Ahmed Ibrahim, du parti Ettajdid, récupère celui de l'Enseignement supérieur. Des représentants de la société civile figurent enfin dans ce gouvernement, dont le bloggeur Slim Amamou, 27 ans, nommé secrétaire d'Etat à la Jeunesse et aux sports. (Ecoutez son interview sur TF1 News : Exclusif : Tunisie : J'étais en prison, j'entre au gouvernement").
"Nous sommes résolus à accroître nos efforts pour rétablir le calme et la paix dans le coeur de tous les Tunisiens. Notre priorité, c'est la sécurité, ainsi que les réformes politiques et économiques", a expliqué le Premier ministre au cours d'une conférence de presse. Mohamed Ghannouchi, en poste depuis 1999 et qui fait lui aussi partie de la "vieille garde", a promis la libération de tous les prisonniers politiques et une enquête contre toutes les personnes soupçonnées de corruption. Il a également annoncé la légalisation de tous les partis politiques qui le demanderont et prolongé le délai prévu pour l'organisation des prochaines élections. Deux importantes formations, le parti islamiste Ennahda et le Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT), sont notamment interdits. Il a enfin promis des mesures d'ouverture démocratique : "liberté totale d'information", et levée de l'interdiction d'activité des organisations de défense des droits de l'homme.
La France risque une timide autocritique
Le gouvernement provisoire compte ainsi que la population mettra pour l'instant de côté son scepticisme dans l'espoir d'une certaine stabilité. Mais si les Tunisiens jugent que leurs nouveaux dirigeants ressemblent trop à la vieille garde, les changer par leur vote pourrait être plus difficile qu'il n'y paraît. Le scrutin se tiendra en effet dans le cadre d'une Constitution taillée sur mesure pour Ben Ali. Elle stipule notamment que quiconque brigue la présidence doit avoir dirigé un parti politique au cours des deux années précédentes. Cette disposition avait été ajoutée pour empêcher Najib Chebbi, farouche adversaire de Ben Ali, de se présenter à l'élection présidentielle de 2009. Chebbi avait abandonné peu auparavant la direction de sa formation. Reste à savoir si ces règles pourront être amendées au cours de 59 jours restant à courir avant la date limite pour le scrutin.
La France, pour sa part, a entamé son autocritique sur le soutien qu'elle a apporté jusqu'à la dernière minute au régime de Ben Ali, la ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, parlant encore mardi dernier de "mouvements sociaux" et proposant l'aide de la France aux forces de l'ordre qui les réprimaient. Alain Juppé, le ministre de la Défense, a jugé que la France avait "sous-estimé l'exaspération du peuple tunisien face à un régime policier et à une répression sévère".
Par TF1 News le 18 janvier 2011 à 07:21
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