(Le Temps.ch 05/10/2010)
Selon une étude, le taux de mortalité en République centrafricaine est quatre fois plus élevé que dans les autres pays du continent noir. En cause, les violences récurrentes et l’incurie de l’Etat depuis l’indépendance
En 2010, la République centrafricaine (RCA) aura perdu 6% de sa population. Une moyenne qui prévaut depuis une décennie dans ce pays enclavé d’Afrique centrale, frontalier de voisins turbulents comme le Tchad, le Soudan ou la République démocratique du Congo (RDC). Avec un taux de mortalité mensuel d’environ 5 pour 1000, la RCA se situe à un niveau bien plus élevé que le 1,3 pour 1000 évalué pour l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, ou encore le 0,7 pour 1000 estimé aux Etats-Unis. «Le taux pour la RCA est comparable ou plus élevé que celui de crises bien connues comme celles du Darfour ou de la RDC», relève Patrick Vinck, chercheur au Centre des droits humains (HRC) de l’Université de Berkeley aux Etats-Unis.
Crise humanitaire oubliée
Patrick Vinck et sa collègue Phuong Pham ont mené en 2009 une vaste enquête de terrain en RCA, pour connaître l’impact des violences dans le cadre d’une étude sur les processus de paix et de reconstruction dans les pays en guerre. Ils entendent ainsi répondre à une absence quasi totale d’information sur un pays dont l’espérance de vie ne dépasse pas 44 ans. Depuis 1996, la RCA a connu près de 11 coups d’Etat et mutineries, dont une guerre civile en 2002-2003.
Les combats localisés n’ont jamais cessé, entraînant une grande partie de la population sur la voie de l’exode interne, obligée de se déplacer au gré des heurts et de se réfugier parfois au cœur de la forêt durant des années. Ces coups d’Etat s’expliquent aussi bien par le manque de loyauté de l’armée régulière envers ses dirigeants que par la situation géostratégique du pays qui en fait un pion dans les rapports de force des puissances régionales.
Premier résultat surprenant: seul un décès sur cinq apparaît directement lié aux violences. Même dans les zones relativement exemptes de combats, comme la partie sud, les taux de mortalité sont bien au-dessus du seuil d’urgence aiguë, selon le rapport. «En fait, la majorité des décès sont dus à une pauvreté extrême et une pénurie de centres de soins que les conflits n’ont fait qu’exacerber, fait valoir Patrick Vinck. La conséquence est un manque total d’investissement dans les infrastructures, ou dans le capital humain, comme l’éducation ou la santé.»
Indice: 179e sur 182
Peu visible sur la scène internationale, le pays peine à attirer des financements des grands bailleurs et les acteurs humanitaires sont peu présents sur le terrain. Un exemple de ce sous-investissement? Sur 24 000 km de pistes, seuls 500 sont en bitume. Le reste est peu, voire pas du tout entretenu, et les longs déplacements au nord ou dans le sud-est du pays se font en avion plutôt qu’en voiture, pour des raisons pratiques et sécuritaires. Sur les routes défoncées, on ne dépasse pas les 25 km/h. Une lenteur qui fait souvent la différence entre la vie et la mort lorsqu’il s’agit d’accéder à des soins.
Classée au 179e rang sur 182 de l’indice de développement humain 2009 des Nations unies, la République centrafricaine est sous-peuplée. Un million d’habitants vivent à Bangui, la capitale et seule ville électrifiée du pays avec Mobaye. Trois autres millions sont éparpillés sur tout le territoire.
«Etre classé parmi les derniers sur l’échelle du développement, c’est très abstrait, remarque Patrick Vinck. Imaginez plutôt être à plusieurs dizaines de kilomètres, voire une centaine, du centre de santé décent le plus proche, sans moyen de transport. Il n’y a pas de personnel qualifié pour des soins prénataux. Un accouchement qui se passe mal se finit mal, parce que le docteur est simplement trop loin. On meurt du diabète ou d’autres maladies facilement guérissables, juste parce que les médicaments ne sont pas disponibles, ou trop chers.»
L’un des rares points positifs de l’étude est qu’une grande majorité des sondés dit vouloir participer à la prochaine élection présidentielle. Réponse le 23 janvier prochain, avec toutefois peu d’option importante de changement: les deux candidats déclarés sont le président actuel, François Bozizé, et son prédécesseur, Ange-Félix Patassé.
Sandra Titi-Fontaine/InfoSud
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