(IPS 03/08/2010)
BAMAKO - Le gouvernement du Niger a décidé de renoncer à toute cérémonie fastueuse à l’occasion de la commémoration du 50ème anniversaire de l’indépendance du pays. Pour les autorités, l’heure n’est pas au gaspillage de fonds publics alors que près d’un quart des 13 millions de Nigériens a du mal à se nourrir chaque jour.
Le président Salou Djibo, chef de la junte militaire qui dirige ce pays sahélien d’Afrique de l’ouest depuis le coup d’Etat de février dernier, n’a pas préféré, comme son prédécesseur Mamadou Tandja, courir le risque de laisser mourir en silence ses compatriotes affamés plutôt que de faire appel à l’aide étrangère, au nom d’une curieuse idée de la dignité d’un pays souverain.
Le général Djibo et le gouvernement de transition ont vite reconnu que le Niger affronte cette année une crise alimentaire grave, susceptible de se transformer en famine dans certaines régions si rien n’est fait par l’Etat et ses partenaires internationaux. Devoir lutter contre la faim 50 ans après la proclamation de l’indépendance suffit à caractériser le bilan d’étape de la vie de cette nation, qui occupe un immense territoire largement désertique entre l’Afrique du nord et l’Afrique de l’ouest.
Deuxième producteur mondial d’uranium
La nature n’a pas fait cadeau au Niger de terres arables abondantes ni des conditions climatiques qui verdissent tout au long de l’année ses voisins du sud, le Bénin, le Nigeria et les autres pays côtiers de la région. Les contraintes naturelles au développement de l’agriculture et de l’élevage ne sont cependant pas une explication convaincante de la récurrence des crises alimentaires dans le pays et de la grande pauvreté qui y sévit. D’autant plus que cette nature a gratifié le sous-sol du désert nigérien d’uranium, un minerai stratégique dont ce pays très pauvre est le deuxième producteur mondial.
L’empire colonial français n’aura finalement pas fait une mauvaise affaire en plantant son drapeau sur ce territoire aride a priori peu hospitalier. La France n’a pas tardé à repérer les exceptionnels gisements d’uranium du pays et à garantir que l’indépendance, accordée le 3 août 1960, ne changerait rien à son privilège d’accès à cette ressource précieuse pour le développement de son industrie nucléaire.
Si l’ancienne puissance colonisatrice a fort bien su comment transformer l’uranium nigérien en énergie électrique pour ses populations, les dirigeants qui se sont succédé à la tête du pays n’ont pas su transformer l’économie du pays, demeurée rentière, rurale et peu productive.
Les Nigériens ont «faim»
Le fait que le Niger célèbre le cinquantenaire de son indépendance sous un régime d’exception est une illustration de l’histoire politique tourmentée du pays. Le putsch du 18 février 2010 restera peut-être dans les mémoires comme un «bon coup d’Etat» parmi les nombreux qu’a connus Niamey. Le premier du genre a mis un terme en 1974 aux quatorze ans de pouvoir du père de l’indépendance Hamani Diori.
Le lieutenant-colonel Seyni Kountché prend alors solidement les rênes du pays et ne les lâche pas jusqu’à sa mort en 1987. Son successeur, le général Ali Saibou, cède face à la montée des revendications démocratiques qui secouent l’ouest africain au début des années 1990. Le premier président élu de l’ère du multipartisme ne finit pas son mandat, chassé par un coup d’Etat militaire en 1996. Le pays fait son retour à la démocratie en élisant en 1999 un colonel retraité comme président, Mamadou Tandja.
C’est en décidant envers et contre tout de se maintenir au pouvoir au-delà de son deuxième et dernier mandat constitutionnel que Tandja, oublieux de l’histoire de son pays et trop sûr de son contrôle de l’armée, s’est fait éjecter du fauteuil présidentiel en février dernier. Il est toujours en résidence surveillée en août 2010 et compte désormais sur la magnanimité du président de la transition.
Salou Djibo a promis de remettre le pouvoir à un président élu démocratiquement avant mars 2011. En attendant, le Niger dont la croissance démographique est l’une des plus fortes du continent, a faim. Hélas, comme trop souvent au cours des cinq dernières décennies.
*(Gilles Olakounlé Yabi est journaliste à InfoSud, une agence de presse suisse basée à Genève. Cet article est publié en vertu d'un accord de coopération entre InfoSud et IPS). (FIN/2010)
Gilles Olakounlé Yabi*
2 août (IPS)
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