(Le Pays 20/08/2010)
Les Ivoiriens iront aux urnes pour élire leur prochain président le 31 octobre 2010. Du moins, si l’on s’en tient à l’annonce faite par le Premier ministre, Guillaume Soro. Tous les amis de ce pays croisent les doigts pour que cette date soit enfin la bonne. Toutefois, beaucoup d’appréhensions demeurent, tellement certains acteurs politiques sur les bords de la lagune Ebrié nous ont habitués à des promesses sans lendemain. Ces appréhensions sont renforcées par la recrudescence d’incidents, comme les menaces dont le porte-parole du Premier ministre a fait l’objet.
En effet, Méité Sindou a reçu des visiteurs indésirables au petit matin du 17 août 2010, qui lui ont signifié qu’il a intérêt à se méfier. Qui a des raisons de s’en prendre de façon si radicale au porte-parole du Premier ministre ivoirien ? Vise-t-on in fine Guillaume Soro à travers la personne de M. Méité ? Les questions fusent, mais convergent toutes dans la même direction : le sens de ces menaces. Simple fait divers ou une affaire aux relents politiques ? Aucune menace de ce genre n’est tolérable, encore moins souhaitable quelles qu’en soient les raisons. Au cas où ce sont des visées politiques qui sous-tendent ces intimidations, il y a lieu de s’inquiéter et de réaliser que la sortie de crise en Côte d’Ivoire n’est pas pour demain. D’autant que les observateurs sont accoutumés, depuis bien longtemps, à une sorte de course d’obstacles servie par les acteurs de cette sortie de crise.
Dès qu’il y a une éclaircie vers l’élection présidentielle, de façon presque implacable, des écueils sont dressés à desseins sur le chemin des élections. Cette situation de "un pas en avant, deux autres en arrière", tous les observateurs ont fini par s’y habituer de sorte que dès qu’une difficulté est franchie, les esprits, comme mus par quelque automatisme, demeurent dans une certaine méfiance et cherchent obstinément à détecter, dans les brumes du futur, la prochaine muraille qui sera érigée par l’un ou l’autre des protagonistes pour retarder l’échéance de l’appel des urnes. Au stade actuel, le noeud gordien, en ce qui concerne la tenue de l’élection le 31 octobre 2010, comme l’ont souvent relevé certains membres de la galaxie Gbagbo, reste l’épineuse question du désarmement. Désarmement des ex-combattants des Forces nouvelles, soit.
Mais désarmement aussi de toutes les milices loyalistes. C’est là que se trouve la ligne de méfiance la plus observée entre les deux camps. Lorsque l’on jette un coup d’oeil au rétroviseur du bus de la sortie de crise en Côte d’Ivoire, un des éléments qui sautent à l’oeil, c’est qu’il y a eu depuis 2005, à propos de cette élection présidentielle, beaucoup d’engagements, de professions de foi, mais au finish, jusque-là, très peu d’honnêteté, de responsabilité, de respect de la parole donnée. C’est une lapalissade de dire que ces comportements, cet état d’esprit, impactent négativement le processus de normalisation complète de la situation. Dans un tel contexte fait d’intrigues, de combines et de crocs-en-jambe incessants, l’hypothèse des faux complots n’est pas à exclure dans cette affaire de menaces contre le porte-parole du Premier ministre. Tout est possible.
Reste à espérer que ce ne soit surtout pas les tristement célèbres escadrons de la mort qui reprennent du service. Et qu’on ne soit pas parti pour une nouvelle série de diversions. En tout cas, dans ce jeu trouble, le président Gbagbo, en décidant d’initier, entre-temps, des consultations directes avec les autres acteurs politiques, en vrai stratège, a réussi le tour de force de récupérer tout le processus à son compte. Il semble à ce jour être le seul qui décidera vraiment du moment opportun pour la tenue effective de l’élection. L’enfant terrible de Mama a promis que l’élection se tiendra cette année. Seulement, il y a de quoi rester sur sa faim du fait qu’il n’avance pas explicitement la date du 31 octobre 2010 dans le sens d’appuyer son chef de gouvernement.
En ce qui concerne le respect de la date du scrutin prévu pour le 31 octobre prochain, à la lumière de ce que le passé fournit comme enseignements, comme Saint-Thomas, on attend de voir avant de croire. Il est indéniable qu’il faut beaucoup de volonté et de bonne foi des acteurs pour tenir le pari, au regard des tâches qui restent à accomplir. Mais pour le Premier ministre Soro surtout, le défi de tenir cette consultation électorale à la date fixée est de taille.
Il y joue toute sa crédibilité. Face à la lenteur des préparatifs et à la délicatesse de certaines questions comme celle du désarmement, l’on se demande si Soro et sa date tiendront le coup. On suppose que le choix de cette date a été longuement et suffisamment mûri. Ce faisant, il faudra tirer toutes les conséquences qui s’imposent, au cas où l’élection viendrait à ne pas se tenir à cette date.
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