lundi 10 mai 2010

RDC - Assemblée nationale-Sénat : divergences majeures sur la révision constitutionnelle et la composition de la CENI

(Le Potentiel 10/05/2010)
La révision constitutionnelle et la composition de la Commission électorale nationale indépendante, CENI, voilà deux points sensibles qui domineront l’actualité nationale cette semaine. Pour preuve, la question orale avec débat de vendredi dernier adressée au Premier ministre sur les Entités territoriales décentralisées, ETD, et l’adoption par l’Assemblée nationale de la loi portant organisation et fonctionnement de la Commission électorale nationale indépendante, CENI. D’un côté, l’ombre de l’article 226 de la Constitution avec en perspective la mise en place de nouvelles provinces, et de l’autre, l’exclusion de la Société civile de la CENI. Si rien n’oppose l’Assemblée nationale au Sénat sur la révision Constitution, des divergences profondes ont apparu entre les deux institutions en ce qui concerne la CENI.
La semaine dernière a été fertile en événements susceptibles d’influer sur le processus politique dans notre pays. Allusion faite à la déclaration des députés de l’Ituri d’ériger leur district en province. Ensuite, la lettre de frustration des députés nationaux du Kivu adressée au Premier ministre.
Comme si cela ne suffisait pas, le Sénat a adressé une question orale avec débat au Premier ministre portant sur la limitation des Entités territoriales décentralisées. En lieu et place du chef du gouvernement, c’est le vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur qui s’est rendu au Palais du peuple pour rencontrer les préoccupations des sénateurs.
Presqu’au même moment, l’Assemblée nationale adoptait la loi portant organisation et fonctionnement de la Commission électorale nationale indépendante, CENI. Une loi adoptée en deuxième lecture tant les divergences entre l’Assemblée nationale et le Sénat ont persisté jusqu’au bout.
Dans ce cas, et conformément aux textes, la commission paritaire n’ayant pas réussi à harmoniser les points de vue des deux Chambres, c’est le texte adopté par l’Assemblée nationale qui sera soumis à la signature du chef de l’Etat pour publication. Ce texte rejette la proposition du Sénat d’inclure les représentants de la Société civile dans l’exécutif de la CENI. Vote très mal accueilli au sein de la Société civile. En plus, l’Assemblée nationale a refusé que la représentation de la Société civile participe à la plénière de la CENI comme organe. Qui plus est, elle a prolongé la « vie» de la CEI en instituant une période transitoire.
LES ARTICLES 2 ET 226 DE LA CONSTITUTION
La révision constitutionnelle est-elle désormais inévitable ? La réponse est affirmative. En effet, il est aujourd’hui question de rencontrer les préoccupations des députés de l’Ituri qui ont soulevé un problème pertinent.
Certes, il ne revient pas aux députés de déclarer unilatéralement la constitution de leurs provinces respectives. Mais les articles 2 et 226 de la Constitution obligent le Parlement et le Gouvernement à apporter une réponse à cette revendication car, conformément aux textes, c’est le 15 mai prochain que la RDC doit passer de 11 à 26 provinces. Si jamais rien n’est fait au plus tard le 14 mai et qu’aucune disposition constitutionnelle ou juridique n’est prise, la Constitution aura été violée.
Pour les besoins d’illustration de ces propos, l’article 226 stipule : « Les dispositions de l’alinéa premier de l’article 2 de la présente Constitution entreront en vigueur endéans trente six mois qui suivront l’installation effective des institutions politiques prévues par la présente Constitution. » La date butoir tombe le 15 mai 2010. Par conséquent, il ne reste plus que 4 jours pour se conformer à cette disposition, de décider de la révision de la Constitution en modifiant cet article et le formuler autrement au regard de la réalité politique. Car, pour ne parler que de la dénomination, la province du Bas-Congo devra s’appeler désormais province du Kongo Central.
D’autre part, la configuration actuelle du Sénat étant celle de 11 provinces et étant donné qu’il est impossible de créer de nouvelles provinces, le réajustement du deuxième alinéa de l’article 226 s’impose pour demeurer dans la légitimité jusqu’ à la fin de cette législature.
Dans ce cas, il faut donc faire intervenir l’article 218 de la même Constitution : « L’initiative de la révision constitutionnelle appartient concurremment : 1.- au président de la République, 2.- au gouvernement après délibération en Conseil des ministres, 3.- à chacune des Chambres du Parlement à l’initiative de la moitié de ses membres, 4.- à une fraction du peuple congolais, en l’occurrence 100.000 personnes, s’exprimant par une pétition adressée à l’une des deux chambres.
Chacune de ces initiatives est soumise à l’Assemblée nationale et au Sénat qui décident, à la majorité absolue de chaque Chambre, du bien-fondé du projet de la proposition ou de la pétition de révision. La révision n’est définitive que si le projet, la proposition ou la pétition est approuvée par référendum. Toutefois, le projet, la proposition ou la pétition n’est pas soumis au référendum lorsque l’Assemblée nationale et le Sénat réunis en Congrès l’approuvent à la majorité des trois cinquièmes des membres les composant ».
Pour le cas d’espèce et compte tenu du facteur temps en vue d’aller au référendum, l’Assemblée nationale et le Sénat seront bien obligés de se réunir en congrès afin de modifier l’article 226 de la Constitution. Pas du tout surprenant que l’on assiste à des réunions marathons dans les prochains jours si l’on veut éviter la violation de la Constitution.
LE PARFUM DE LA « MAIN NOIRE »
Autre question d’actualité brûlante : l’adoption de la loi portant organisation et fonctionnement de la Commission électorale indépendante nationale, CENI. Alors que le Sénat, pour des raisons d’équilibre, de neutralité et de crédibilité avait suggéré que la Société civile fasse partie de l’Exécutif de la CENI, l’Assemblée nationale a rejeté cette proposition.
Evidemment, les ténors de la Société civile n’apprécient pas du tout ce vote et voient là une façon subtile de fausser les prochaines élections avec ce parfum de la tricherie.
C’est-à-dire que les hommes politiques tiennent à contrôler tout l’appareil électoral, en commençant par la CENI. Dans les couloirs du Palais du peule, l’on affirme que la « Société civile » s’étant déjà discréditée en s’alignant derrière les partis politiques, que ce soit de la majorité que de l’opposition, elle a perdu de sa neutralité.
Au demeurant, l’on vient d’évoquer là deux questions sensibles ; la révision constitutionnelle et la CENI qui risquent de faire tâche d’huile, avec des effets d’entraînement sur le processus politique en RDC.

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