vendredi 21 mai 2010

Egypte, Ethiopie, Kenya, Rwanda, Tanzanie - Le partage des eaux du Nil, une « condamnation à mort » pour l’Égypte

(L'Orient- Le Jour 21/05/2010)
L'Égypte, de plus en plus inquiète, cherche à rompre un isolement croissant face aux États africains qui viennent de signer un nouvel accord sur les eaux du Nil.
Longtemps sûre de son bon droit garanti par des traités de 1929 et 1959 lui assurant la part du lion, l'Égypte fait face à la fronde de cinq pays - Éthiopie, Ouganda, Rwanda, Tanzanie, Kenya - qui ont paraphé ces derniers jours un accord séparé sur l'utilisation des eaux, plus favorable à leurs intérêts.
Le Premier ministre éthiopien Meles Zenawi a affirmé hier qu'il n'entendait pas reculer et a appelé Le Caire à faire des concessions. « Certains en Égypte ont des idées dépassées selon lesquelles les eaux du Nil leur appartiennent (...). Les circonstances ont changé, et pour toujours », a-t-il déclaré à la chaîne arabe al-Jazira. « Pour avancer, il faut trouver un accord gagnant-gagnant grâce à des efforts diplomatiques », a poursuivi M. Zenawi.
L'Égypte, 80 millions d'habitants, tire du Nil environ 90 % de son eau. Le pays prévoit que, même en conservant les accords actuels, le fleuve ne suffira plus à ses besoins à partir de 2017. Le traité séparé « est vu par la majorité des Égyptiens comme une condamnation à mort de leur pays, considéré comme un "don du Nil" », écrit Nader Nourredine, de l'Université du Caire, dans al-Ahram Weekly d'hier.
Face à cette crise, Le Caire a lancé dans l'urgence une offensive diplomatique pour raffermir en premier lieu son alliance avec le Soudan, autre grand bénéficiaire du régime instauré en 1929/1959.
Le président égyptien Hosni Moubarak, en visite à Rome mercredi, a évoqué ce sujet, alors que la presse égyptienne dénonce la participation d'entreprises italiennes dans des travaux en amont sur le Nil, en particulier en Éthiopie.
Le Premier ministre italien Silvio Berlusconi lui a répondu que l'Italie avait pris « l'engagement (...) d'entreprendre une action diplomatique envers certains pays, en commençant avec l'Éthiopie, avec laquelle il y a encore des problèmes ouverts, essentiellement en ce qui concerne l'utilisation des eaux du Nil ».
Toujours sur le front diplomatique, le Premier ministre kényan Raila Odinga est attendu demain au Caire. Des missions ministérielles égyptiennes sont également prévues en Éthiopie et en Ouganda. Les présidents de la République démocratique du Congo (RDC) Joseph Kabila et du Burundi Pierre Nkurunziza, deux pays du bassin qui n'ont pas rejoint à ce jour le front antiégyptien, doivent être reçus dans les prochaines semaines au Caire.
Le nouveau texte est destiné à revenir sur les deux traités de 1929 et 1959 accordant à l'Égypte des droits sur 55,5 milliards de m3 et au Soudan 18,5 milliards, soit au total 87 % du débit du fleuve. Les accords dont se prévaut l'Égypte lui donnent en outre un droit de veto sur tout projet en amont - barrage, station de pompage, grands travaux d'irrigation, etc. - qui pourrait réduire le débit du fleuve.
À domicile, la pression monte également sur le pouvoir égyptien, accusé de négliger depuis longtemps ses partenaires africains. « Ce qui se passe actuellement est le résultat de l'abandon par l'Égypte de son rôle en Afrique », estime le politologue Amr el-Chobaki. « Au cours des quarante dernières années, le gouvernement a pensé que les rapports avec le Nord suffisaient, et qu'il n'était pas besoin de préserver nos cartes dans les pays du Sud », déplore-t-il. « Nous devons mieux comprendre nos partenaires, et nous souvenir que nous sommes aussi des Africains, pas seulement des Égyptiens ou des Arabes », souligne Nabil Abdel Fatah, du centre d'études stratégiques al-Ahram du Caire.

21/05/2010
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