Quand souvent j’entends prononcer le chiffre de 8 000 000 de morts, je me dis comment était-ce possible que l’on en soit arrivé jusque-là, et dans ce pays, à atteindre ce nombre de victimes et sans qu’à un moment donné de son histoire, la RD-Congo ne se mît réellement en situation de conflit ou de guerre, et ce, contre ceux ou les forces, les nations qui ont eu à lui infliger un deuil national aussi historique. Car, et à une certaine mesure, on ne peut normalement parler de 8 000 000 des morts que dans une situation de guerre. C’est-à-dire le pays, ici la RD-Congo qui est en guerre, se trouve et se bat contre un ennemi qui rencontre une résistance physique de son peuple et militaire sur le terrain où des opérations de guerre ont lieu.
Sommes-nous comme peuple, comme État-nation, comme RD-Congo, je veux dire en situation de guerre ? La suite de la réponse aidera à circonscrire non seulement le lieu géographique où cette guerre se déroule, mais aussi et surtout de la participation à la fois et de notre et de l’État qui est censé le représenter. Qui a tué ces 8 000 000 de morts ? Comment ou dans quelle circonstance, ici j’entends de guerre, la mort distribuée aux congolais a eu lieu, s’est opérée ? Je ne doute pas de ce chiffre mais ma démarche consiste à cerner le comment de cette possibilité.
De mémoire d’homme, et ce par rapport à la taille enregistrée de victimes congolaises et pouvant justifier cette hécatombe, j’ai du mal à situer quand la structure de l’armée nationale congolaise a été réquisitionnée pour combattre, et armes en mains, un ennemi donné. Dans le cas contraire, l’État congolais actuel, dans sa représentativité actuelle, serait à considérer comme agresseur de son propre peuple parce que nulle part il se montre qu’il s’est montré capable de le défendre. Si aucun ennemi n’est désigné, si notre armée nationale n’a été expédiée à aucun front, qui a alors tué ces congolais, comment ont-ils rencontré la mort ? Les uns parlent du Rwanda, de l’Ouganda, et les deux armées sont affrontés en tuant des congolais à Kisangani, mais comment expliquer à notre jeunesse et à nos enfants que la RD-Congo n’est jamais en situation ni de conflit, ni de guerre avec les deux pays précités.
Et dans son livre Le Retour du Mwami, Bernard Debré parle de corps des militaires américains décédés en RD-Congo et extirpés vers l’extérieur par des militaires français et ce à la demande des USA. Je cite : « (…) pendant la guerre (de l’AFDL en 1996), des militaires américains seront tués. Leurs corps seront rapatriés discrètement grâce au concours des troupes françaises stationnées dans la région » (Debré, 1998 :162). Alors, que faisaient ou font-ils en RD-Congo quand officiellement la RD-Congo ne combat militairement contre les USA du « Noir » Barack Obama.
On ne peut éternellement reproduire l’erreur due à une faute de lecture de l’histoire en parlant élections et autres à un peuple qui ignore l’état de sa situation. Et le faire serait la participation au mercenariat. C’est pourquoi la question de l’identification et de la définition de l’adversaire contre lequel la RD-Congo se bat est plus que d’urgence. Ainsi le peuple en situation de se battre saura se mobiliser et ce derrière une élite qui se montrerait elle-même compétente et capable.
L’Avenir de la RD-Congo, chers compatriotes, se joue aujourd’hui car demain il risque déjà d’être trop tard.
Likambo ya mabele Likambo ya makila
[Mufoncol Tshiyoyo]
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‘’Joseph Kabila’’ partira ou partira pas ?
« L’outil le plus puissant que détienne l’oppresseur est la pensée de l’opprimé. » (S. Biko)
Il nous semble qu’il y a des questions historiques que les Congolais(es) doivent s’habituer à se poser à temps et à contretemps pour mieux approfondir la connaissance de leur histoire et mieux organiser leurs luttes d’émancipation politique. A ce sujet, la question soulevée dernièrement par Mufoncol Tshiyoyo mérite notre intérêt : « Comment, au Congo-Kinshasa, est-on arrivé au chiffre de 8000.000 de morts sans cela n’émeuve grand monde jusqu’à ce jour ? » Tant que nous n’aurons pas, dans notre immense majorité répondue sérieusement à cette question en en étudiant les différentes implications, refonder le Congo-Kinshasa sur des nouvelles bases en rompant avec la logique mortifère sera très difficile. Jusqu’à ce jour par exemple, la vérité sur ‘’les indigents enterrés’’ récemment à Maluku dans une fausse commune n’est pas encore juridiquement connue. Qui tue au Congo-Kinshasa depuis 1996 et il sert quels intérêts ? Les masses populaires congolaises savent-elles cela ? Comment faut-il faire pour créer ‘’une alliance civico-militaire’’ entre ces masses et les militaires appauvris qui les tuent de temps en temps pour gagner ‘’une bouchée de pain’’ ?
Dans son dernier article publié sur Congoindependant, Mufoncol Tshiyoyo pose une question : ‘’8000.000 de morts en RD Congo depuis 1996 et à ce jour, mais comment serait-on à ce nombre en RD Congo ? »[1] Cet article n’a connu qu’un seul (intelligent) commentaire (jusqu’au moment où nous terminions le nôtre.)
Comment expliquer cela ? Congoindependant est-il de moins en moins fréquenté dans sa rubrique ‘’Opinion & débat’’ ? Le sujet abordé a-t-il commencé à manquer de l’intérêt dans le chef des compatriotes ? Cela serait grave. Quels autres sujets auraient pris le dessus ? Le voyage de Barack Obama en Afrique ? Le découpage territorial ? Les élections ? Que représentent les élections dans un contexte de ‘’guerre perpétuelle’’ ? Simplement un piège-à-cons servant à la neutralisation du suffrage universel par ‘’les nouveaux cercles du pouvoir’’.
Comment aurons-nous fait pour oublier, si vite, nos 8000.000 de morts ? Est-ce possible d’oublier si rapidement ‘’le génocide congolais’’ ? Pourtant, sous d’autres cieux, cette question n’est pas encore oubliée. Récemment, un petit livre d’entretiens y est revenu en désignant ‘’le réel adversaire’’[2]. Qu’est-ce qui justifierait la disqualification de cette question par plusieurs compatriotes congolais ? Il est possible que la perte de mémoire par lobotomisation et décervelage empêche à plusieurs d’entre nous d’apprendre de l’histoire. Oui, plusieurs d’entre souffrent d’amnésie. D’où le manque de constance et de persévérance dans la réponse à certaines questions cruciales que pose le Congo-Kinshasa.
Lumumba est assassiné. Ses assassins disent comment ils ont procédé et leurs complices finissent par avouer leur participation à ce meurtre odieux. Officiellement, l’Etat (os) congolais n’engage aucune poursuite judiciaire à leur endroit en marge de celle initiée par la famille biologique de notre Père Fondateur.
8000.000 de Congolais(es) sont ‘’génocidé(es). Une tentative pour déférer en justice les proxys impliqués dans ce ‘’génocide’’ devant la Cour Internationale de Justice est vite cassée. Celle qui aboutit plus ou moins contre l’Ouganda n’est pas suivie d’effet : l’argent de réparation n’est pas versé jusqu’à ce jour. Aucune instance internationale ne s’en préoccupe.
Relisons un peu l’histoire. La guerre raciste menée contre le Congo-Kinshasa dans les années 1990 a été soutenue par les anglo-saxons et plusieurs entreprises multinationales travaillant main dans la main avec le FMI et la Banque mondiale. « Des sociétés relativement modestes, comme AMF, qualifiées de « juniors » sur la place de Toronto et qui accepteraient de traiter avec les « rebelles », n’étaient en réalité que des « poissons-pilotes » qui se proposaient, après la fin de la guerre, de revendre leurs avoirs aux transnationales. Ces derniers, avant de s’engager, exigeaient en effet que soit rétablie une certaine stabilité politique, et surtout que le nouveau régime (de Mzee Kabila) ait renoué avec les deux huissiers du grand capital, le FMI et le Banque mondiale. »[3] Le lien entre les ‘’juniors’’, les transnationales et les huissiers du grand capital est indispensable à la compréhension de la suite des évènements au Congo-Kinshasa. Pourquoi ?
Depuis les années 1990 (même un peu plus tôt)[4], les entreprises transnationales (et transcontinentales) ont usurpé le pouvoir politique er économique presque partout en Occident en collaboration avec les banques et les IFI. Ils ont ainsi constitué ce que John Parkins nomme dans son magnifique ouvrage[5] ‘’la corporatocratie’’ guidées par certains services secrets de ‘’la Sainte Alliance’’. Celle-ci utilise plusieurs responsables politiques que nous applaudissons sur la place publique comme des ‘’garçons de course’’, des ‘’bana bitinda’’ comme on dirait à Kinshasa. Souvent, ces ‘’bana bitinda’’ sont des acteurs politiques apparents et non pléniers. Souvent, les luttes politiques sont menées contre eux sans qu’un réel désir de la déstructuration systémique de l’idéologie et des intérêts qu’ils servent soit manifeste.
Prenons le cas de ‘’Joseph Kabila’’. Comment vient-il ‘’aux affaires’’ en RDC ? A travers la guerre de l’AFDL et dans les parages de James Kabarebe. C’est-à-dire dans les parages des proxys des anglo-saxons. Ces proxys ont fait la guerre en ayant les américains à leurs côtés. Et ceux-ci ont été aidés par les militaires français.
Dans son article sus mentionné, Mufoncol Tshiyoyo écrit ce qui suit : « Et dans son livre Le Retour du Mwami, Bernard Debré parle de corps des militaires américains décédés en RD-Congo et extirpés vers l’extérieur par des militaires français et ce à la demande des USA. Je cite : « (…) pendant la guerre (de l’AFDL en 1996), des militaires américains seront tués. Leurs corps seront rapatriés discrètement grâce au concours des troupes françaises stationnées dans la région » (Debré, 1998 :162). »
Il est intéressant de lire John Perkins pour savoir quand les Américains décident d’envoyer leurs enfants mourir au front. Souvent, c’est quand ils estiment que pressions de leurs ‘’tueurs à gage’’, les IFI ont été inefficaces et que l’enjeu vaut la peine que le sang coule.
Et quel est l’enjeu ici ? L’imposition du marché néolibéral au cœur de l’Afrique en détricotant l’Etat.
Quand Mzee Kabila essaie, après avoir malheureusement introduit ‘’le loup dans la bergerie’’, d’appliquer ‘’l’économie dirigiste à la Mao’’, il est assassiné le 16 janvier 2001. ‘’Joseph Kabila’’ , ‘’Cheval de Troie’’ de Kagame[6] accède aux affaires de l’Etat-os dans ce contexte mortifère. Il devra déréguler, libéraliser et privatiser l’économie congolaise sous la supervision des ‘’huissiers du grand capital, le FMI et la Banque mondiale’’. Tel est le contexte dans lequel les terres congolaises ont été désertées par les Congolais(es) et vendues comme ‘’carrés miniers ou pétroliers’’. Tel est le contexte dans lequel ‘’le code minier’’ a été dicté par la Banque mondiale et le Congo-Kinshasa forcé à payer une dette odieuse en devenant ‘’un pays pauvre très endetté’’.Rappelons que ‘’Joseph Kabila’’ n’est pas venu aux affaires par les élections. Il n’en a jamais gagné. Contrairement à ce propage ‘’les médiats dominants’’ ayant réussi à décerveler plusieurs d’entre nous. Un livre est très explicite à ce sujet : « Europe, crimes et censures au Congo. Les documents qui accusent. »[7] Il est imposé de l’extérieur, avec des complicités internes, dans un contexte de pillages, de corruption et de criminalité au cœur de l’Afrique.
‘’Joseph Kabila’’ continue-t-il à favoriser la mainmise des transcontinentales et des ‘’huissiers du grand capital’’ sur le Congo-Kinshasa ? Oui. Plusieurs projets[8] qu’ils inaugurent sont financés par eux. Il faut donc dire que, dans une large mesure, ‘’Joseph Kabila’’ a été un ‘’bon élève’’ de la ‘’corporatocratie’’ en présidant à la vente des terres et des forêts congolaises et en travaillant pour une croissance non-inclusive pour les populations congolaises. Cela avec la complicité des Congolais(es) faisant partie de ‘’la kabilie’’ ; l’apathie collective aidant.
Venu donc de nulle part, il a réussi à servi la ‘’corporatocratie’’ au mépris des Congolais(es). Les discours ‘’souverainistes’’ que ‘’la kabilie’’ tient souvent sont un mensonge et une hypocrisie. Il n’y a pas de souveraineté là où ‘’l’Etat raté et manqué’’ dépend économiquement et sécuritairement, pour une bonne part de son budget, de l’argent du ‘’grand capital’’. (Les BRICS et l’OCS sont en train de devenir réellement souverains en créant leur Banque, leur Fonds monétaire et leurs services de sécurités.)
Dans un tel contexte, ‘’Joseph Kabila’’ partira ou partira pas ? Il ne partira pas s’il n’est pas renvoyé par des élites organiques et structurantes et/ ou des masses populaires ayant maîtrisé l’enjeu dont il vient d’être question. L’étude et la compréhension historique de cet enjeu par les élites et les masses populaires peuvent constituer un détonateur au renvoi de ‘’Joseph Kabila’’.
N’étant pas venu aux affaires comme marionnette par les urnes, il éprouve beaucoup de difficultés à partir par les urnes. Il vient de voir ce que le Burundi a subi. Il sait que son mentor Kagame ne partira pas de lui-même en 2017. Il sait qu’il a ‘’politisé’’ les services secrets et débauché l’armée. Il sait qu’il peut acheter certains ‘’grands électeurs’’ pour une bouchée de pain. Tous ces éléments peuvent le conduire à oser le forcing avec la complicité de la ‘’corporatocratie’’. Celle-ci n’a rien à voir avec la démocratie et les droits de l’homme.
Elle n’a pas organisé ‘’le génocide des Congolais(es)’’ pour leur offrir ‘’la démocratie’’. Ses discours officiels sont des mensonges.
Si finalement elle décide que ‘’Joseph Kabila’’ parte, ce qu’elle aura trouvé un autre ‘’Cheval de Troie’’ parmi ‘’les Chicago boy’s Congolais’’. Cette affaire est grave et mérite d’être suivie de plus près.
Nous ne le dirons jamais assez. Il est plus que temps d’opérer une rupture au cœur de ce sous-système mortifère ; d’aller vers la police et les militaires patriotes afin de les associer aux luttes d’émancipation politique en les habituant à travailler à certains programmes de développement social avec les masses populaires. Petit à petit, ils pourraient arriver à ne plus les prendre pour de la chair à canon au profit de la ‘’corporatocratie’’. Souvent, ses ‘’bana bitinda’’ opposent les appauvris de masses populaires congolaises aux appauvris de la police et de l’armée. Les appauvris, au lieu de coaliser pour lutter politiquement contre les ‘’bana bitinda’’, se divisent, se tuent afin que ces derniers règnent au profit de leurs ‘’maîtres’’ en faisant du Congo-Kinshasa ‘’une terre brûlée’’ pour ses filles et ses fils.
[Mbelu Babanya Kabudi]
[1] http://www.congoindependant.com/article.php?articleid=10109
[2] N. Chomsky et A. Vltchek, L’Occident terroriste. D’Hiroshima à la guerre des drones, Montréal, Ecosociété, 2015.
[3] C. Braeckman, Les nouveaux prédateurs. Politique des puissances en Afrique centrale, Paris, Fayard, 2003, p. 183-184. Sur cette question, il serait souhaitable de lire ou de relire P. Mbeko, Le Canada dans les guerres en Afrique centrale. Génocides & pillage des ressources minières du Congo par le Rwanda interposé, Canada, Le Nègre éditeur, 2008. Il serait aussi intéressant de lire ou de relire A. Deneault, D. Abadie et W. Sacher, Noir Canada. Pillage, corruption et criminalité en Afrique, Montréal, Ecosociété, 2008
[4] Lire N. Chomsky, Deux heures de lucidité. Entretiens avec Denis Robert et Weronika Zazachowicz, Paris, les arènes, 2001. Lire aussi S. George, Les usurpateurs. Comment les entreprises transnationales prennent le pouvoir, Paris, Seuil, 2014.
[5] Lire J. Perkins, Les confessions d’un assassin financier sur ce lien en PDF : http://nicole-guihaume.com/wp-content/uploads/2015/06/John-Perkins-Les-Confessions-d-Un-Assassin-Financier.pdf
[6] Lire la confidence de Sassou Nguesso à Pierre Péan dans Carnages. Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique, Paris, Fayard, 2010, 531-532.
[7] C. Onana, Europe, crimes et censures au Congo. Les documents qui accusent, Paris, Duboiris, 2012.
[8] L’achat des locomotives de la SNCC inaugurées il y a deux jours à Lubumbashi a été financé par la Banque mondiale comme l’atteste ce lien de la radio okapi : Radio Okapi - RD Congo » Lubumbashi: Joseph Kabila inaugure 18 nouvelles locomotives de la SNCC
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