A Luanda, des enfants en haillons cirent les chaussures d'hommes d'affaires descendus dans un hôtel à 500 dollars la nuit, des vendeurs à la sauvette croisent des Ferrari, des bidonvilles insalubres côtoient des résidences de luxe flambant neuves.
En très forte croissance depuis une décennie grâce à son pétrole, l'Angola est aussi le pays qui affiche le pire taux de mortalité infantile dans le monde, un contraste qui illustre l'ampleur des inégalités sociales.
Entre 2008 et 2013, le deuxième producteur de pétrole d'Afrique a affiché une croissance moyenne de 6%, dépassant même la Chine en 2012. Pourtant, avec 167 décès sur 1.000 naissances, le pays détient un triste record selon les derniers chiffres des Nations Unies.
"C'est la preuve que la croissance n'a pas permis le développement du pays", pointe Nelson Pestana, professeur de sciences politiques à l'Université catholique angolaise.
L'indice de Gini, qui mesure les inégalités, est à 0,55 l'un des plus mauvais d'Afrique, relève-t-il (0 correspondant à une égalité des revenus parfaite et 1 une situation la plus inégalitaire possible).
L'industrie pétrolière, qui assure 75% des recettes fiscales du pays et 90% de ses exportations, a produit une économie de rente, gourmande en capitaux et en technologies, mais créant peu d'emplois, seulement 1% du total du pays.
A la place, l'afflux des pétrodollars a dopé le secteur de la construction, attiré nombre d'investisseurs étrangers et fait la fortune d'une élite proche du président José Eduardo dos Santos, qui est au pouvoir depuis trente-cinq ans.
Générant spéculation immobilière et inflation, il a aussi fait de Luanda l'une des villes les plus chères au monde alors que plus de la moitié de la population angolaise vit encore avec moins de 2 dollars par jour.
"Ce qui différencie les pays pétroliers africains du Venezuela, de l'Iran ou de l'Arabie Saoudite, c'est la faiblesse de la redistribution des richesses, qui profitent à un petit pourcentage d'urbains, de classes moyennes, de fonctionnaires et exclut la majorité", souligne Ricardo Soares de Oliveira, professeur de politiques africaines à l'université britannique d'Oxford.
- "Bourgeoisie nationale" -
"Sur la dernière décennie, le gouvernement a mis l'accent sur la constitution de ce qu'il appelle une +bourgeoisie nationale+, pas sur les politiques publiques en faveur des plus pauvres", ajoute l'universitaire.
En outre, depuis la fin de la guerre civile en 2002, la défense et la sécurité ont reçu chaque année un budget supérieur à la santé et l'éducation, respectivement 15% et 13% des dépenses totales en 2015, au grand dam de la société civile.
Le MPLA, le parti au pouvoir depuis l'indépendance, est pourtant officiellement socialiste après avoir été marxiste.
"Le pays a fait un énorme effort de reconstruction des infrastructures qu'il faut saluer, il doit maintenant mettre en place des politiques pour s'assurer que tous les citoyens aient accès aux mêmes services sociaux", plaide Francisco Songane, le représentant local de l'Unicef.
Conscient de ce problème, le président angolais a promis de "mieux distribuer les richesses".
Début 2015, il s'est engagé à maintenir les actions de lutte contre la pauvreté malgré la crise budgétaire liée à la baisse des cours de l'or noir.
Sur le modèle de nombreux pays pétroliers, le gouvernement angolais a également créé un fonds souverain, doté de 5 milliards de dollars, devant permettre la constitution de réserves et le financement d'investissements dans le secteur social.
Poussé par le Fonds monétaire international (FMI), le pays a aussi décidé de réduire les subventions aux carburants, qui représentent près de 4 milliards de dollars par an, et d'allouer l'argent dégagé à des programmes sociaux plus ciblés.
"L'indicateur de mortalité infantile ne reflète pas les progrès réalisés ces dix dernières années, le nombre de médecins a doublé, la mortalité maternelle a diminué", avance Hernando Agudelo, le représentant de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en Angola.
"Pour obtenir des résultats dans le domaine social, il faut résoudre le problème des ressources humaines et cela prend du temps", ajoute le responsable de l'agence onusienne.
Mais pour l'économiste Alves da Rocha, cela ne suffira pas à réduire les inégalités si le MPLA n'adopte pas "un modèle d'accumulation du capital plus démocratique, humain, transparent, égalitaire et national".
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