(AFP 21/01/14)
La nouvelle Constitution, soumise à référendum les 14 et 15 janvier, a été largement approuvée par les Egyptiens. Un scrutin peut en cacher un autre. Avec l’annonce des résultats officiels du référendum sur le nouveau projet de Constitution, l’Egypte tourne la page d’une active campagne politique et médiatique. Dans la soirée du 18 janvier, la commission électorale a confirmé la victoire massive du « oui » par 98,1% avec un taux de participation de 38,6%. Si, comme l’a souligné le président de la commission électorale, ces chiffres dépassent ceux obtenus un an plus tôt par l’administration Morsi, ils semblent toutefois en deçà des attentes et des moyens mis en œuvre par le gouvernement intérimaire. Pendant plusieurs semaines, ce scrutin a fortement mobilisé l’actuelle coalition issue de la destitution de l’islamiste Mohamed Morsi, le 3 juillet dernier, ainsi que la plupart des médias acquis à la cause des militaires. Tous appelaient d’une seule voix à approuver les révisions de la Constitution «pour que le pays prenne enfin le chemin de la stabilité». Place Tahrir, au Caire, les affiches en faveur de la Constitution ont rapidement disparu au lendemain du scrutin. La campagne pour le référendum est terminée. Mais une autre pourrait très vite suivre, à en croire la feuille de route du gouvernement de transition. Sa dernière version appelle à convoquer des élections parlementaires et présidentielle dans les six mois qui suivent les résultats du référendum. Quelques jours avant le vote, le quotidien Al Shorouk rapportait que le ministre de la Défense, le général Abdelfatah Al Sissi, préférait la tenue d’élections parlementaires avant la présidentielle. Dans ce cas, pourquoi s’est-il exprimé sur sa possible candidature à la plus haute fonction de l’Etat ? Le général, qualifié d’«homme le plus populaire d’Egypte» par Amr Moussa, membre du comité qui a travaillé sur la nouvelle mouture constitutionnelle, transformait ainsi le référendum en sondage d’opinion. Un plébiscite émaillé de violences «Al Sissi a demandé aux femmes de descendre, nous sommes descendues. S’il veut autre chose, qu’il nous le dise», lance une jeune femme devant les caméras de la chaîne Huriatna. Mais le général va-t-il vouloir surfer sur la vague du «oui» ? Sa candidature jouit-elle d’un soutien suffisant au sein de l’armée ? Le retour d’un militaire au pouvoir n’est-il pas un pari trop risqué dans un pays où la contestation sociale et politique est loin d’être éteinte ? Avant l’annonce d’un calendrier électoral clair, ces questions resteront sans réponse. Au lendemain de la proclamation des résultats du référendum, les journalistes peuvent seulement s’adonner à une série d’interprétations. Pour l’envoyé spécial de la chaîne saoudienne Al Arabiya, la victoire du «oui» revêt une double signification : les Egyptiens attendent le retour de la stabilité, et seul un militaire comme le général Abdelfatah Al Sissi peut les conduire dans cette voie. Mais le chemin s’annonce encore long. En plus d’être semé d’embûches. On imagine mal la répression contre les membres des Frères musulmans ou les opposants à un régime militaire s’arrêter dans les prochains mois. Le référendum a été émaillé de violences et d’arrestations au Caire, à Alexandrie, à Ismaïliya et à Suez. Vendredi dernier, des affrontements ont éclaté dans plusieurs localités entre forces de l’ordre et partisans de la confrérie, faisant plusieurs victimes. Selon le ministère de l’Intérieur, 123 manifestants ont été arrêtés dans tout le pays. Du côté des médias, la machine de diabolisation tourne à plein régime : un court spot diffusé sur la chaîne ONtv énumère, images à l’appui, les mensonges des Frères musulmans. Le dernier en date : la répression sanglante de leurs partisans sur les places Raba‘a Al Adawiya et Al Nahda le 14 août 2013. Selon le programme télévisé, «les morts» n’étaient pas vraiment morts. Ils jouaient seulement une macabre comédie écrite par les Frères musulmans. Une image de quelques secondes le prouve : un corps immobile sous un linceul blanc se met soudainement à gigoter. Le 14 août dernier, près d’un millier d’Egyptiens ont été tués et blessés lors du démantèlement du sit-in de Raba‘a Al Adawiya. Par ailleurs, il n’est pas impossible que des groupes révolutionnaires appellent à manifester le 25 janvier à l’occasion du troisième anniversaire de la révolution. Certains, comme le Mouvement du 6 avril, ont déjà exprimé leur opposition au virage autoritaire de l’armée. Gamal, étudiant en droit à l’université du Caire, pense descendre dans la rue : «Nous n’avons pas fait la révolution pour retomber dans les bras d’un militaire. Je veux un pouvoir civil.» Mais tous ses amis ne partagent pas le même avis. Une situation difficile à gérer dans un pays aussi polarisé. Son opposition à l’armée le range immédiatement dans la catégorie «des Frères musulmans», alors que Gamal souhaite seulement éviter que le pays ne retombe dans un système combattu par des millions d’Egyptiens en 2011. D’après des propos relayés par le quotidien Masry Al Youm, le général Abdelfatah Al Sissi aurait nié le retour «d’anciens visages» sur la scène politique égyptienne. A quelques jours des commémorations de l’an 3 du soulèvement populaire, l’héritage de la révolution est en jeu. Morsi sera jugé pour «outrage à magistrat» Vingt-cinq personnes seront jugées en Egypte pour «outrage à magistrat», dont le président Mohamed Morsi destitué par l’armée et plusieurs islamistes, mais aussi des figures du courant libéral, dont le militant Alaa Abdel Fattah. «Pour le moment, nous savons que 25 personnes seront jugées pour le même chef d’accusation, mais nous ne savons pas encore s’il s’agira d’une seule affaire ou de plusieurs procès», a indiqué, hier à l’AFP, Ahmed Seif Abdel Fattah, avocat et père de Alaa Abdel Fattah, figure de la révolte de 2011 qui chassa Hosni Moubarak du pouvoir. Outre MM. Morsi et Abdel Fattah, plusieurs dirigeants de la confrérie des Frères musulmans du président destitué seront jugés ainsi que des journalistes et le politologue et ex-député Amr Hamzawy, figure du mouvement libéral en Egypte. Tous sont accusés d’avoir tenu des propos offensants à l’encontre de l’institution judiciaire et de ses membres, selon l’agence officielle Mena qui précise qu’aucune date n’a été fixée pour leur comparution. M. Morsi doit ainsi répondre d’accusations lancées lors d’un discours fin juin, peu avant sa destitution, dans lequel il reprochait nommément à un juge d’avoir «couvert des fraudes électorales» lors des législatives de 2005. M. Abdel Fattah, lui, doit répondre de propos écrits sur Twitter, dénonçant l’attitude des juges lors de procès contre plusieurs ONG en Egypte. - See more at: http://fr.africatime.com/articles/legypte-en-route-vers-un-regime-presidentiel-fort#sthash.0DiyD1Fh.dpuf
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