(Xinhuanet 02/11/2011)
CONAKRY -- Du 1er novembre 1958 au 1er novembre 2011, l'armée guinéenne a 53 ans.
Tout a débuté après la proclamation de l'indépendance du pays le 2 octobre 1958 où, pour une souveraineté totale, il fallait constituer une armée. Cela était aussi difficile que former les enseignants et les cadres pour diriger les différents secteurs d'un Etat libre et indépendant. La plupart des hommes valides étaient sous le drapeau français et sous différents cieux, notamment en Algérie et en Indochine.
Le président de l'époque Sékou Touré fera le déplacement au Vietnam en 1959-60 pour demander aux soldats guinéens qui avaient décidé de rester dans ce pays de rentrer. La procédure va traîner pendant un an pour aboutir à l'arrivée effective le 12 février 1961.
A l'appel de la jeune République, tous vont rejoindre le rang sans une petite réticence chez certains officiers dans l'armée française.
Très perspicaces et très susceptibles, les dirigeants du Parti démocratique de Guinée (PDG, parti au pouvoir d'alors) vont commencer à se méfier de cette grande muette qui a commencé à chuchoter. Dès le début des années 60, les douteux et louches conciliabules commençaient dans les camps, sans doute à cause des promesses non tenues par le pouvoir politique. Le traitement était aussi nettement inférieur par rapport à celui de l'armée coloniale.
DES MILITAIRES AGUERRIS
Les dirigeants guinéens vont se lancer par la suite dans des actions de solidarité en envoyant l'armée au Congo dans le conflit du Katanga puis sur les fronts de la Guinée-Bissau, d'Angola et d'ailleurs en Afrique, partout où il y a conflit. Cela avait pour bénéfice d'aguerrir les militaires guinéens bien encadrés par les officiers formés sous l'armée française.
L'armée guinéenne acquérait ainsi gloire et expérience et elle faisait de plus en plus peur aux politiques. Elle sera noyautée par les syndicats et organisations politiques sous les appellations de Comité d'unité militaire (CUM) et Comité d'unité de production (CUP).
Les présidents de ces CUM et CUP avaient des pouvoirs révolutionnaires étendus et pouvaient soumettre tous les hommes, officiers comme hommes du rang. Le début de tous les commencements.
La politique prenant ainsi le dessus sur l'armée n'était pas du goût des officiers et militaires de carrière. Les chuchotements devenaient de plus en plus audibles et c'est le camp de la Garde Républicaine de Camayenne qui va se transformer en lieu de détention pour les récalcitrants après les violons du camp Alpha Yaya.
LA POLITISATION FAIT DES VAGUES
La politisation à outrance de l'armée fait des vagues dans les différents camps. Le jeune inspecteur de police, Mamadou Boiro sera alors envoyé à Labé pour convoyer et ramener des parachutistes rebelles.
Erreur d'appréciation et des dirigeants politiques et du policier qui étaient loin de deviner que les parachutistes allaient faire reddition sans réagir.
Une altercation éclate dans l'avion et les parachutistes larguent l'inspecteur de police et tentent de détourner l'avion sur Bamako mais par une malice du pilote ou par absolue nécessité, l'avion atterrit à Maleyah, à Siguiri et la version révolutionnaire dit que ce sont les populations de cette contrée qui ont mis la main sur les trois mutins.
C'est ainsi que le nom de Boiro fut donné au camp Camayenne pour ramener à l'ordre les militaires et officiers qui veulent se ruer dans les brancards. Il va finalement devenir un camp de détention politique de tous ceux qui étaient soupçonnés d'être des "contre révolutionnaires".
Mais par l'abus excessif de certains officiers, "le Camp Boiro" va devenir le symbole de la répression de la Révolution. Tout le monde était potentiellement contre révolutionnaire et susceptible de faire le camp Boiro. Des règlements de compte personnels et même des élèves pris en toute innocence avec des tracts ont failli laisser des plumes au Camp Boiro. La répression était à son comble.
L'armée guinéenne sera décimée et étêtée de tous ses valeureux officiers qui n'étaient pas d'accord avec la politisation des camps et casernes.
Après la Révolution, l'armée va prendre les destinées du pays et le conduire militairement dans toutes les dérives. 26 ans de ségrégation, de mal nourris et de mal vêtus, les hommes en uniforme vont se revancher sur les populations qui avaient crié et soutenu la politique du PDG.
Dans toutes ces étapes, il n'y a jamais eu paix véritable et concorde nationale.
Un militaire en cachant un autre, Lansana Conté sera remplacé de façon tonitruante par le groupe du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD, junte militaire arrivée au pouvoir en 2008).
Plus encore mal préparés que les deux équipes précédentes, le CNDD voulait confisquer le pouvoir mais les époques n'étaient plus les mêmes, les mentalités ont aussi changé. Il fallait décapiter carrément cette malheureuse muette qui a connu des épurations incommensurables depuis Sékou Touré et Lansana Conté.
Cette armée avait besoin d'officiers supérieurs et on a tout vu et de toutes les couleurs : des nominations en grades supérieurs à titres exceptionnels intempestives si bien que des colonels sont toujours des officiers d'ordonnance des tout petits directeurs et des capitaines débrayés qui font la honte dans la circulation routière à demander des billets de banque.
Le carnage digne le 28 septembre 2009 au stade de Conakry provoquera la déliquescence au sein du CNDD.
Le gouvernement de transition sera, lui aussi caporalisé par cette armée de jeunes officiers supérieurs qui ont été eux aussi accusés de concussion.
UNE RESTRUCTURATION NECESSAIRE
Voilà qu'à 53 ans, elle commence à apprendre à rester la grande muette constitutionnelle.
Une armée n'a du respect que si elle refuse de jouer au jeu politique mais pour autant elle ne doit pas fermer l'oeil sur la politique et ne doit pas se laisser "caporaliser" par la politique. Si l'armée est manipulée, elle perd de sa noblesse.
Actuellement, l'armée guinéenne doit se remettre en question et le recyclage et la sur-formation des officiers doivent dès que possible se mettre en marche.
La sagesse doit maintenant guider cette armée car aucune prise du pouvoir par la force ne peut plus être légitime, et aucune indiscipline ne peut grandir une armée.
Une restructuration en profondeur et une formation adéquate sont souhaitées pour la grande muette guinéenne.
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