(Le Pays 07/05/2010)
Les démissions attendues sont semblables aux trains qui arrivent à l’heure. Elles ne constituent pas des événements pour la presse qui n’en fait pas ses choux gras.
La démission du Premier ministre togolais, Gilbert Fossoum Houngbo, est rangée dans cette catégorie. C’est ce qui lui restait à faire au lendemain de la prestation de Faure Gnassingbé, réélu lors de la présidentielle du 4 mars passé pour un nouveau mandat de 5 ans. Le plus intéressant est ce qui est à venir concernant la nature du gouvernement que le chef de l’Etat va mettre en place. Les supputations commenceront alors à aller bon train, même si la présidence togolaise, en annonçant la démission du Premier ministre, a déjà parlé d’un gouvernement de "large ouverture politique". Comment se fera cette ouverture ? Vers qui ou vers quelle direction va-t-elle aller ? Ce sont là quelques interrogations que l’on peut s’autoriser.
En Afrique, les gouvernements d’ouverture ou d’union nationale se caractérisent par l’entrée de l’opposition dans l’équipe. Ces gouvernements sont formés la plupart du temps dans les situations de crise. Ils ont pour but de calmer la situation que les opposants ne manquent pas d’exploiter s’ils n’attisent pas tout simplement les braises. Leur entrée au gouvernement - certains diront la montée à la soupe - dessert l’étau autour du régime en place. Avec la réélection contestée de Faure Gnassingbé, la crise politique que connaît le pays depuis des lustres, ne s’est pas résorbée. D’où des mots à la mode comme réconciliation nationale, unité nationale. Et c’est pour matérialiser sa volonté de travailler avec tous les Togolais que le président envisage donc d’ouvrir son gouvernement.
Les démarches pour "débaucher" l’opposant historique Gilchrist Olympio rentrent dans ce cadre. Seulement, on se demande si le jeune président parviendra à ses fins. Le problème ne se pose plus en effet avec Gilchrist Olympio qui semble disposé à prendre la main qui lui est tendue. Le plus difficile sera de convaincre celui qui l’a remplacé à la tête de l’Union des forces du changement (UFC), Jean-Pierre Fabre, qui est aujourd’hui le challenger sérieux du pouvoir. Si la politique n’était pas l’art de l’impossible, on pourrait parier que l’UFC et, partant l’opposition représentative, ne composerait jamais avec le pouvoir en place. On l’imagine mal au regard de son refus à travers des marches hebdomadaires, de reconnaître la victoire de Faure. Cette opposition-là préférerait rester dans son rôle plutôt que d’entrer dans un gouvernement dont elle n’aurait pas les portefeuilles lui permettant d’influer sérieusement sur le cours des événements et dont elle sera exclue un jour après avoir été utilisée pour polir l’image du régime. Au regard de ce qui précède, on peut dire que le gouvernement que veut former Faure Gnassingbé, a la forte malchance d’être l’antithèse d’une large ouverture.
L’ouverture se fera mais sans doute pas avec ceux à qui l’on pense systématiquement. Elle intéressera des opposants sans envergure dont certains, qui n’attendent que ces occasions pour étoffer leur curriculum vitae, avaient déjà fait des clins d’oeil au pouvoir avant même la proclamation des résultats de l’élection. Sous cet angle, le futur Premier ministre à qui sera confiée la fonction de chef du gouvernement risque d’avoir l’embarras du choix.
Séni DABO
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