mardi 18 mai 2010

TOGO: Interview de Kofi Yamgnane

Écrit par La redaction togosite.com Mardi, 18 Mai 2010
Entretien entre Le Palmier Africain et Kofi Yamgnane, Président de Sursaut-Togo et membre fondateur du FRAC. Monsieur Yamgnane nous livre ses impressions sur la situation politique actuelle du Togo, le gouvernement d’union national et l’avenir du FRAC. Contrairement à ce que beaucoup croyaient, le Crocodile de Bassar reste toujours très féroce.
«J’appelle les soldats togolais à rejoindre le mouvement qu’ils ont initié eux aussi dans les camps. Soldats togolais, le peuple a besoin de votre soutien clair et public. N’ayez plus peur de vous montrer, ce combat est aussi le vôtre»
Le Palmier Africain: Monsieur Kofi Yamgnane, après un long temps passé au Togo pour la campagne électorale et la mobilisation pour la restitution de la victoire du FRAC, vous avez, contre toute attente, décidé de rentrer en Europe. Est-ce donc la fin de votre engagement pour le changement démocratique au Togo?
Kofi Yamgnane: Ce n’est une surprise pour personne au Togo de me savoir parti en Europe. C’est d’autant moins surprenant que je l’ai annoncé moi-même aux Loméens présents à la marche du samedi 8 mai à laquelle j’ai pris part avant de m’envoler le soir pour Paris. Je l’ai fait pour couper court à toutes les manipulations, intoxications et désinformations dont le Rpt est le champion toutes catégories.
Je veux vous rappeler, ainsi qu’à tous vos lecteurs, que nos déplacements à l’étranger ont été programmés dès le 6 mars, jour du vol officiel du scrutin par le Rpt. Dès ce jour, notre stratégie a pris en compte trois axes de travail pour récupérer notre victoire : les vérifications et contestations juridiques, l’offensive diplomatique et l’appel au peuple souverain pour les marches, veillées et autres… Dans le cadre de l’offensive diplomatique, Jean-Pierre Fabre et moi-même avons déjà entrepris des démarches à l’extérieur de notre pays afin d’expliquer à nos interlocuteurs ce qui se passe réellement au Togo. Mon présent déplacement en Europe se situe dans le même cadre.
Je ne suis donc pas « rentré en Europe » car le combat pour la démocratie au Togo est plus que jamais à l’ordre du jour et j’ai le devoir d’y apporter ma contribution, même modeste. Je suis seulement de passage…
Le Palmier Africain : A quelle condition peut-on voir le FRAC, Sursaut-Togo ou Kofi Yamgnane dans le prochain gouvernement d’union nationale dirigé par Gilbert Fossoun Houngbo ?
Kofi Yamgnane: L’entrée du Frac dans ce gouvernement n’est pas d’actualité. La politique, c’est finalement quelque chose de simple : c’est celui qui a la confiance du peuple qui gouverne. Le Rpt dit avoir gagné : c’est donc à lui de gouverner ! Logique ! Seulement voilà : le peuple togolais sait que le Rpt n’a pas gagné les élections et le Rpt lui-même le sait. Il a triché tellement que ça s’apparente à un vol pur et simple. Dans ces conditions, comment peut-il gouverner tout seul pendant 5 longues années ? A cette question, seul le Rpt peut répondre et il a répondu en nommant sans concertation le Premier Ministre. Dès lors, que voulez-vous que le Frac, Sursaut Togo ou moi-même allions faire dans cette galère ? Nous serions à la merci du Rpt, incapables de mettre en œuvre notre projet de société, incapables d’apporter la moindre amélioration à la vie quotidienne de nos concitoyens : ce n’est pas franchement pour ça que je suis revenu au pays !
Ceci étant, je peux comprendre ceux qui sont tentés d’aller servir de béquille à un régime honni par tout un peuple : ils prennent leurs responsabilités.
Le Palmier Africain: Après près de 4 mois de collaboration avec les partis et leaders frères du FRAC, que pensez-vous de la stratégie de conquête du pouvoir utilisée par l’opposition togolaise ? Qu’auriez-vous fait de différent si votre propre candidature n’avait pas été rejetée ?
Kofi Yamgnane: Je crois très honnêtement que notre stratégie est la mieux appropriée à la situation : offensive juridique, offensive diplomatique et appui réel et déterminé du peuple. C’est la stratégie gagnante dans le cas d’espèce.
Dans le cas où ma candidature aurait été retenue, je pense que la situation aurait été complètement différente. D’abord, je suis originaire du Nord du pays : la campagne du Rpt dans le Nord aurait été très sérieusement perturbée et son candidat n’aurait jamais pu faire le score qu’il se donne au Nord aujourd’hui.
Ensuite, le Rpt n’aurait jamais osé tricher comme il l’a fait contre Jean-Pierre Fabre. En clair, c’est moi qui aurais explicitement gagné les élections : le Rpt l’a compris et c’est pour cela, contrairement à tout ce qu’il dit aujourd’hui, qu’il fallait absolument m’éliminer. Les raisons invoquées par Bodjona déguisé en porte flingue sont d’un ridicule fini aux yeux du monde entier, mais le monde entier sait qu’au Togo, le ridicule ne tue pas…en matière politique.
Le Palmier Africain: Comment expliquez-vous la position actuelle de la France qui continue à soutenir le RPT malgré la présence d’un ancien ministre français au sein du FRAC ? N’est ce pas là une trahison après le long service que vous avez rendu à ce pays ?
Kofi Yamgnane: Ce n’est pas vrai de dire que la France soutient le Rpt ! La France a une crainte car chat échaudé craint l’eau froide ! En voulant à tout prix continuer à mettre la main dans les affaires de ses futures ex colonies, la France s’est mise dans une situation qui la dépasse : depuis Léon M’ba remis prestement en selle par de Gaulle, jusqu’au sauvetage in extremis de Déby par Sarkozy en passant par le 13 janvier 1963 au Togo, le parachutage sur Kolwézi par Giscard…En fait, en menant un raisonnement extrêmement simpliste, la France pense qu’il vaut mieux un dictateur comme F. Gnassingbé que la guerre civile : erreur grossière, car de dictateur en dictateur et de massacres en massacres, la putative guerre civile pourrait se transformer en génocide…et la France aurait tout à y perdre.
En ce qui me concerne, je n’attends aucune reconnaissance particulière : j’ai fait simplement mon devoir de citoyen français. Ce que j’ai fait en France 30 ans durant, je l’ai fait pour mes concitoyens qui m’ont fait confiance en faisant de moi un édile de la République.
Le Palmier Africain: Parlons de moyens financiers, est-ce vrai que le FRAC et ses leaders sont financièrement ruinés et endettés comme l’affirment les medias proches du RPT?
Kofi Yamgnane: J’ai effectivement découvert ça dans un « journal » du Rpt. Ce qui m’étonne le plus chez mes frères togolais, y compris ceux des média, c’est cette crédulité qui les habite : depuis 43 ans, le Rpt vous ment chaque jour que Dieu fait. Comment croire qu’on peut ainsi mentir à tout un peuple pendant si longtemps ?
En tous cas, moi je n’ai pas entendu parler de « ruine financière » concernant qui que ce soit au sein du Frac !
Le Palmier Africain: Au vu de l’espoir que suscite aujourd’hui le FRAC au sein de la population togolaise et les prises de position à contre courant de Gilchrist Olympio, peut-on s’attendre à ce que le FRAC se transforme en un parti politique sur les cendres de l’UFC?
Kofi Yamgnane: D’abord, l’Ufc n’est pas en cendres, même si l’on peut déplorer un incendie dans une pièce de la maison ! J’ai confiance dans les dirigeants et les militants que j’ai croisés et avec qui j’ai travaillé des mois durant, pour savoir leur capacité et leur volonté d’étouffer cet incendie dans l’œuf.
D’autre part, je n’ai jamais compris l’attitude de M. Olympio durant cet épisode : il paraît qu’il en veut à Jean Pierre d’avoir « usurpé » sa place, mais si Jean Pierre n’avait pas été candidat, l’Ufc n’en aurait présenté aucun : M. Olympio es-il si égoïste au point de sacrifier 20 ans de lutte à son ego ? En tous cas, ses déclarations n’engagent que lui…
Quant à la transformation du Frac en un parti politique, très franchement je n’y avais pas pensé, personnellement. J’en veux pour preuve mon souhait publiquement exprimé de transformer SURSAUT TOGO Association en Parti politique. Mais je dois avouer que j’ai reçu des milliers de messages allant en ce sens. Naturellement si telle est la volonté du peuple togolais, je suis prêt à cette expérience : en tous cas, notre pays a besoin d’un parti politique d’opposition unifié et fort et en cela le Frac a montré un exemple éloquent. Grâce à son action et à sa capacité de mobilisation, je crois que la politique au Togo ne sera plus jamais la même.
Le Palmier Africain: Si la lutte politique actuelle venait à échouer, quel sera l’avenir politique de Kofi Yamgnane ? Pensez-vous pouvoir passer outre en 2015 les critères qui vous ont écarté en 2010 ?
Kofi Yamgnane: La lutte politique est un combat d’endurance : on peut se battre plusieurs mandats avant d’arriver aux résultats espérés. Quand on se bat pour un peuple, l’avenir personnel doit être relégué loin derrière.
Je serai là à toutes les échéances : les locales, les sénatoriales, les législatives et s’il plaît à Dieu, les présidentielles de 2015. D’ici là, les critères qui m’ont éliminé en 2010 auront été maîtrisés, en attendant que le Rpt en invente des nouveaux, mais il lui faudra beaucoup plus d’intelligence !
Le Palmier Africain : Le mois passé, à l’issue d’une marche de protestation à New York, les organisateurs avaient annoncé que Mr. Samuel Kowouto avait été désigné comme Représentant du FRAC aux Etats-Unis. Quelques jours plus tard, c’est le MO5 qui annonçait que Maitre François Boko avait été désigné pour jouer le même rôle en Europe. Est-ce une démarche personnelle de Jean-Pierre Fabre ? Sinon pourquoi le FRAC n’a-t-il jamais rendu ces désignations officielles ?
Kofi Yamgnane: Ces désignations sont tout à fait officielles. Elles ont été prises par la Conférence des Présidents, à Lomé. Nous avons procédé à trois nominations : Samuel Kowouto aux Etats-Unis, Koffi Nadjombé au Canada et François Boko en Europe et je suis étonné d’apprendre que c’est MO5 qui l’aurait annoncé ! Tous les trois ont reçu une demande du Frac qui les a ensuite nommés « Représentant officiel et Ambassadeur Plénipotentiaire du Frac »
Le Palmier Africain: Votre mot de fin
Kofi Yamgnane: J’appelle le peuple togolais à accentuer la pression sur le pouvoir Rpt, car depuis que les Togolais manifestent contre les fraudes électorales, c’est la première fois que la contestation dure aussi longtemps dans la paix et la sérénité, du moins du côté du peuple. Il faut donc continuer et étendre le mouvement à l’ensemble du pays.
J’appelle les soldats togolais à rejoindre le mouvement qu’ils ont initié eux aussi dans les camps. Soldats togolais, le peuple a besoin de votre soutien clair et public. N’ayez plus peur de vous montrer, ce combat est aussi le vôtre. Refusez d’obéir aux ordres illégaux. Refusez de commettre des crimes car un jour, ceux qui vous les commandent aujourd’hui vous laisseront seuls devant les juridictions internationales : prenez l’exemple sur la Guinée. Là-bas, ce sont les lampistes qui vont payer : les donneurs d’ordre sont tous à l’abri.
Le Palmier Africain: Kofi Yamgnane, merci.

Interview Réalisé par Joël Y. Agbekponou
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